Chapitre 32
Je la regardais, ne comprenant pas où elle voulait en venir.
— Comment ça ?
— On ne va pas dormir ensemble, me rétorque Victoria.
— Pourquoi pas ? On l'a déjà fait deux fois.
— Ce n'est pas pareil dans ce cas.
— Pourquoi ?
— Je ne sais pas.
— Waouh… quelle argumentation construite.
— Roh, ferme-la. On fait quoi ?
— Je ne dors pas sur le sofa, c'est mort.
— Et la galanterie ?
— Il n'y a pas de galanterie dans ces conditions.
— Je suppose qu'on va devoir dormir ensemble…
— Bravo Sherlock.
Victoria me lance un regard tueur, voulant sans doute insinuer que je l'agace. Je commence à m'installer dans le lit pendant qu'elle reconstruit son mur d'oreillers.
— Vraiment ? l'interrogeais-je.
— Quoi ?
— Il te faut un mur d'oreillers.
— On n'est pas vraiment ensemble, donc oui. Qui sait ce que tu pourrais me faire ?
— Crois-moi, si je dois te toucher, tu m'auras supplié avant.
— Rêve toujours, Castez, me rétorque Victoria en me lançant un oreiller.
J'éclate de rire avant d'attraper sa main et de la pousser sur le lit. Son visage se retrouve de nouveau à quelques centimètres du mien. Je la détaille, chaque parcelle de son visage m'attire profondément, sans parler de ses lèvres qui m'appellent sans cesse. Mon regard finit par se reposer sur le sien, qui la surprend en train de fixer les miennes.
Le silence entre nous devient palpable, lourd d'une tension que je ne peux ignorer. Nous sommes là, tous les deux, à nous observer, dans une pièce qui semble s'être rétrécie au fil des minutes. La proximité devient presque électrisante, et le mur d'oreillers que Victoria a dressé semble ne pas remplir son rôle.
Son regard, ancré dans le mien, m'attire irrésistiblement. Mon cœur s'accélère, chaque pulsation résonne dans mes oreilles. Elle a ce regard que je connais bien maintenant, oscillant entre la défiance et la vulnérabilité. Un regard qui me dit qu'un combat intérieur a lieu en elle, mais qu'elle tente de le cacher.
— Tu sais, c'est ridicule de construire ce mur d'oreillers, dis-je doucement.
Elle tente de faire mine de ne pas être affectée par mes paroles, mais ses lèvres se pincent légèrement, trahissant une émotion plus profonde.
— Tu prends toute la place dans le lit, repris-je en la poussant doucement.
La vérité, c'est que ce mur ne fait que renforcer mon envie irrésistible de la toucher, de la sentir contre moi. Je fais tout pour ne pas céder à cette tentation, mais chaque mouvement, chaque regard échangé m'y rapproche un peu plus. Je préfère qu'elle s'éloigne avant que cela ne dégénère. Je sais qu'elle ne partage pas mes sentiments, et je n'ai aucune envie que son refus vienne briser l'ambiance ou cette amitié naissante.
Elle frissonne sous ma touche, ses yeux se ferment brièvement. Finalement, elle se rallonge à côté de moi.
Je la regarde, cherchant à déchiffrer le tourbillon d'émotions qui se reflète dans ses yeux. Mais je n'y parviens pas.
— Très bien, je laisse tomber le mur d'oreillers. Mais je ne prends pas toute la place, finit-elle par murmurer.
Je ne peux m'empêcher de sourire. Elle s'allonge à l'autre bout du lit, si près du bord qu'elle risque de tomber à chaque mouvement.
Je m'installe à mon tour, veillant à ne pas m'approcher trop près pour ne pas briser l'équilibre fragile qu'elle tente de maintenir. La chambre est plongée dans une semi-obscurité, les seuls bruits sont ceux de la mer qui s'infiltrent par la fenêtre entrouverte.
— Tu penses à quoi ? murmurai-je, rompant le silence.
Victoria tourne lentement la tête vers moi, une lueur d'interrogation dans ses yeux. Elle hésite un instant avant de répondre.
— À plein de choses en même temps… à notre relation, à ce que nous devrions faire, au travail, et à… tout ce que nous avons vécu ces derniers jours.
Je hoche la tête, comprenant que la question est loin d'être simple. C'était une période intense, pleine de hauts et de bas, et il était naturel que ces moments laissent des traces.
— Moi aussi, je pense à tout ça, dis-je. À ce que nous sommes en train de construire, aux défis surmontés et à ceux qui nous attendent.
Elle ferme les yeux un instant, cherchant à se recentrer. Lorsqu'elle les rouvre, elle semble plus calme.
— C'est compliqué, non ?
— Oui, mais je crois qu'on fait de notre mieux. Le fait qu'on soit encore là, ensemble, montre qu'on ne s'en sort pas trop mal.
Victoria me regarde pensivement, un mélange de confusion et de tendresse dans ses yeux.
— Tu crois qu'on va pouvoir garder cette entente en rentrant chez nous ?
— Honnêtement ? Je ne sais pas. Ici, c'est comme une bulle. Pas d'attentes, pas de contraintes. C'est plus compliqué chez nous.
Elle réfléchit, un sourire en coin.
— Pas de vengeance.
— Pas de vengeance, répétais-je en souriant.
Elle chuchote un simple :
— Merci pour ce moment.
Je la regarde dans les yeux, tentant de lui transmettre tout mon soutien. Puis, sans un mot de plus, je me rallonge à côté d'elle.
Nous restons là, bercés par le murmure de la mer, la chaleur de la chambre contrastant avec la fraîcheur de la nuit.
Je finis par sombrer dans un sommeil paisible, le doux parfum de Victoria flottant dans l'air.
Finalement, la fatigue l'emporta sur tout le reste, et je sentis mon corps se détendre, mes pensées se calmaient alors que je sombrais dans un sommeil paisible, entouré par la présence de Victoria et le doux bruit des vagues en arrière-plan.
Lorsque je me réveillai, le visage de Victoria était la première chose que je vis. Je crois que c’était la première fois que je dormais avec la même fille trois fois de suite sans avoir rien fait avec elle. Étrangement, cela ne me dérangeait pas. J’aurais aimé que ce moment dure, je n’avais aucune envie de rentrer. Je savais déjà ce qui m'attendait.
Je me levai en essayant de faire le moins de bruit possible et partis me doucher. Lorsque je sortis, j'aperçus une Victoria pas très réveillée assise au pied du lit.
— Tu es encore plus effrayante que d’habitude, lui lançai-je.
— Et toi, tu es de trop bonne humeur pour quelqu’un qui n’a pas encore pris son café.
— C’est vrai que ce n'était pas habituel. Grouille de prendre ta douche qu’on aille déjeuner. Je préparais les sacs en attendant.
— Pourquoi ?
— Parce qu’on partait aujourd’hui.
— Ah oui… c’était vrai.
Victoria se leva lentement, visiblement encore un peu engourdie par le sommeil. Elle se dirigea vers la salle de bains en traînant les pieds, tandis que je commençais à rassembler nos affaires éparpillées. La chambre était en désordre, vestige de nos derniers jours passés ici, mais une partie de moi n'était pas pressée de rentrer à la réalité.
Je pris soin de plier soigneusement les vêtements et de ranger les affaires dans nos sacs. Le collier que j'avais acheté pour Victoria était encore dans ma poche, et je réfléchissais à la manière dont je pourrais lui offrir. Cela aurait été une belle surprise, mais il fallait trouver le bon moment.
Victoria sortit enfin de la salle de bains, les cheveux encore mouillés, et nous nous dirigeâmes vers le petit-déjeuner dans le hall. Elle s'assit à la table avec un soupir.
— J’espère que tu es prête pour la journée, dis-je en me versant du café dans une tasse.
— Je suppose.
— Tu n'as pas l'air très enthousiaste, lui lançai-je en essayant de détendre l'atmosphère.
Elle me lança un sourire fatigué.
— Je n’ai pas envie de rentrer.
Je la regardai avec une expression compréhensive.
Nous déjeunâmes en silence, chacun perdu dans ses pensées. Le moment de partir approchait, et je sentais une certaine mélancolie. Ce voyage avait été différent de ce que j'avais imaginé, mais il avait aussi été beaucoup plus enrichissant.
Lorsque nous fîmes nos derniers préparatifs, je sortis le collier de ma poche. Devais-je lui offrir maintenant ? Ou attendre un peu ?
— Tu regardes quoi ? me fit sursauter Victoria.
— Rien.
J’enfouis le collier dans mon sac avant de me tourner vers Victoria, qui me regardait d’un air suspicieux.
Nous terminâmes de préparer nos affaires et sortîmes de la chambre en direction de la voiture. Le trajet vers la maison ne me parut durer qu’une seule seconde. Le voyage de retour fut moins pesant que prévu, avec des moments de complicité et de rire qui rendirent le trajet plus supportable.
— J’adore cette chanson, hurla Victoria.
Elle augmenta le son de la radio à fond avant de chanter à tue-tête. On ne pouvait pas vraiment dire qu’elle était une bonne chanteuse, mais son enthousiasme était contagieux. J’éclatai de rire en la voyant se déhancher sur le siège.
— Tu sais, je n’aurais jamais cru que tu étais une telle fan de musique à ce point, dis-je en essayant de suivre le rythme avec les mains sur le volant.
— Et toi, tu te dévoiles seulement maintenant comme un conducteur de voiture silencieux. Quel contraste !
Je rigolai face à sa petite pique. Elle continua à chanter, sa voix se mélangeant à la musique de la radio. Il y avait quelque chose de rafraîchissant à voir Victoria se lâcher ainsi, sans les inhibitions habituelles.
Lorsque nous arrivâmes chez nous, la voiture entra dans l’allée et nous sortîmes, les sacs en mains. Le retour à la réalité était imminent, et la tranquillité du séjour était désormais remplacée par le quotidien.
— Eh bien, retour à la vraie vie, dis-je en ouvrant la porte d’entrée.
Victoria soupira et entra dans la maison. Je la suivis, essayant de me détendre malgré le stress qui montait en moi à l’idée de retourner à nos obligations.
— On pourrait garder cette musique comme un souvenir, proposa Victoria en jetant un dernier regard vers la voiture.
— Bonne idée. On devrait organiser une soirée avec cette playlist un de ces jours. Ça pourrait nous faire sourire en attendant le prochain voyage.
— Tu penses qu’on va avoir un autre voyage ensemble ?
— On est fiancés et aucun de nous deux ne veut faire face à ses parents en leur disant non, donc je suppose qu’on va se supporter encore longtemps, donc oui. Il y a des chances qu’on fasse d’autres voyages ensemble.
Nous commençâmes à déballer nos affaires, et je me surpris à penser au moment où je pourrais enfin lui offrir ce collier. Je voulais que ce soit spécial, et je savais que je devais choisir le bon moment pour le faire.
— Tu fais quoi aujourd’hui ? me questionna Victoria.
— Je dois aller voir mon père.
— Oh…
— Je ne te le fais pas dire.
— Je suis désolée.
— De quoi ?
— Il veut sans doute te voir par rapport à ce qu’il s’est passé avec mes parents.
— Et alors ?
— C’est ma faute si vous allez vous disputer.
— Je ne regrette absolument rien, Victoria. Je recommencerais si besoin sans aucune hésitation. Et puis… ce n’est pas comme s’il nous fallait une raison, à mon père et à moi, pour nous disputer.
Elle acquiesça, bien que cela se voyait sur son visage qu’elle n’était pas convaincue.
— Bon, en parlant de ça, je vais te laisser, je vais y aller maintenant.
Je me dirigeai vers ma voiture. Je n’avais aucune envie de voir mon père. J’avais adoré ces derniers jours et je savais qu’il allait faire retomber mon enthousiasme avec une facilité déconcertante.
En arrivant chez lui, l’agacement de devoir le supporter grimpa en flèche.
Je sonnai, et sa gouvernante m'ouvrit la porte en m’indiquant qu’il était dans son bureau. Je la remerciai rapidement avant de m’y diriger.
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