Jusqu'à ce que...

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 La femme prit son mari dans ses bras, en le serrant le plus fort possible. Doucement, à l'oreille, lui glissa quelques mots. Les derniers qu'elle allait prononcer, les derniers qu'il allait entendre.

 Mon coeur, je t'ai toujours aimé. Depuis notre première rencontre, et jusqu'à ce que la mort nous sépare. Le jour est arrivé, mais si les Dieux le veulent, alors nous pourrons rester ensemble pour l'éternité dans la mort. Je voulais un enfant, hélas il n'aura pas le temps de naître. Il n'aura pas le temps de vivre, car nous sommes condamnés à la mort qui approche. Mais pourquoi j'en appelle aux Dieux ?! Ils nous ont abandonnés ! Nous avons priés, nous leur avons donnés tant d'amour et c'est ainsi qu'ils nous remercient... suis-je naïve ? Mais je ne peux haïr notre salut dans un autre monde, je ne peux que les aimer. Celui que j'aime, c'est toi mon coeur. C'est lui, notre enfant. Il n'a pas de prénom, n'est jamais venu à la vie, et pourtant je l'aime.

 La femme prit quelques secondes pour reprendre sa respiration. Son homme ne disait rien.

 Mon coeur. Nous ne verrons pas demain. Alors je t'en prie, embrasse-moi une dernière fois. Pourquoi tu ne m'embrasses pas... pourquoi tu ne me réponds pas ? Je t'aime, je t'en supplie ne me laisse pas seule. Pas comme ça... je ne veux pas. Je veux être avec toi. Ne me dis pas que la mort nous a déjà séparée... mon amour. Ouvre les yeux, respire... pourquoi... pourquoi... Touche ton enfant sur mon ventre, bouge ta main. Que se passe-t'il... Est-ce que tu dors ? Non...tu es parti. Tu es déjà parti. Mon amour...

Je t'aime tellement, mon mari. La mort approche. Elle arrive, les fumées m'étouffent, la lave s'approche de nous. Les flammes brûlent. L'amour, la mort...

 La femme s'arrêta. Regarda brièvement dehors, s'autorisant une demi-seconde à quitter des yeux son mari. Voyant la mort approcher, elle revint à lui, mis sa tête entre sur son torse, et reste ainsi murmurant ses derniers mots...

 Je crois qu'il est temps de se dire adieu alors. Puis-je te retrouver ailleurs. Une derniere fois... et une première fois. Pour l'éternité.

Une dernière fois. Un dernier bisous. Un dernier calin. Un dernier amour. Une première fois. Un premier bisous. Un premier calin. Un premier amour.

Une dernière fois. Un dernier bisous. Un dernier calin. Un dernier amour. Une première fois. Un premier bisous. Un premier calin. Un premier amour.

Une dernière... prière.

 La lave venait d'entrer dans leur maison. Emportant ces trois âmes ensembles vers un Ailleurs. Ce furent les derniers mots d'un couple bien heureux de la tragédie de Pompéi. Tant d'autres n'eurent le temps que de s'échanger un dernier regard, un dernier mot, une dernière tendresse. Certains pour leurs amis, d'autres leurs compagnons, parents ou enfants. Mais tous pour une personne qu'ils aiment.

 La seule trace qu'ils allaient laisser dans l'Histoire serait leurs corps pétrifiés. A tout jamais, ils sont unis pour l'éternité, dans un dernier calin.

On entendait les gémissements des femmes, les vagissements des bébés, les cris des hommes ; les uns cherchaient de la voix leur père et leur mère, les autres leurs enfants, les autres leurs femmes, tâchaient de les reconnaître à la voix.

  • Extrait de Pline le Jeune, Lettres, tome II, Livres IV-VI

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