Là-bas, tout n'est que vacarme. Ils ne s'arrêtent de tergiverser que pour conspirer contre leurs amis, pour trahir leurs alliés, voler leurs associés.

Là-bas, tout n'est que précipitation. Ils courent d'un lieu à un autre, tout doit être fait le plus rapidement possible. Le temps est précieux, si précieux, il ne faut pas en perdre une seule seconde !

Ce monde m'épuise. M'angoisse. 

Ici, le calme règne. Pas un son ne bruisse, pas un chuchotement ne bourdonne. Le silence absolu. Un apaisement comme je n'en ai trouvé nulle part ailleurs.

Ici, la solitude étend ses ailes. Elle m'enveloppe de sa douceur, me berce, me permet de respirer, assis en tailleur sur ce parquet de bois rugueux.

Ici, nulle fenêtre extérieure ne s'ouvre sur le monde. Nulle porte pour qu'ils m'envahissent. Je suis bien, au calme. 

Je n'ai pollué cette pièce d'aucun meuble. Aucun tableau. J'ai uniquement peint les murs en vert, un vert doux, apaisant. 

Devant moi gisent sur le sol trois feutres enchantés, accompagnés de trois parchemins racornis et ensorcelés. Une seule utilisation détruira ces objets. Les feutres se volatiliseront, les feuilles se transformeront. Elles s'éveilleront, s'étireront, se tordront, enfin, pour donner vie à l'illustration que j'y griffonerai. 

Il faut les utiliser avec parcimonie, elles sont l'unique moyen de sortir d'ici. Lors de ma première irruption dans cette pièce hermétique, elles étaient au nombre de huit. 

Je caresse les feuilles du bout des doigts, j'en apprécie la texture. J'ai peur. Déjà cinq fois que je me rends dans ce havre de paix. Que se passera-t-il quand il sera inaccessible pour moi ? Où fuirai-je ? Comment les oublierai-je, tous, si je ne peux plus m'isoler ? 

Je remercie une fois encore les Dieux de m'avoir permis de venir ici. D'avoir mis sur mon chemin ce vieux grimoire, ce sortilège. 

Je n'ai plus qu'une chose à faire profiter, encore un peu, de ces instants de paix absolue.

Trois feuilles. Trois feutres. Trois visites.

Après, je deviendrai fou...