Chapitre 3

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« D’où te vient cette idée ? Demanda Walfrid, perplexe par la tournure soudaine du comportement de son cousin.

-Regardez, lorsqu’on lit au vertical, il est écrit « sauve-moi ».

-Oh merde…Chuchota le brun plus pour lui-même.

-Ça paraît étrange, non ? Demanda Wil, toujours troublé par cette révélation. Et puis, ça date depuis plus de dix ans quand même…

-Toi aussi tu crois qu’il est mort…Déclara Ansfrid, la tête baissée. »

Il eut un silence entre les trois hommes. L’un ne savait plus quoi penser tandis que les deux autres ne savaient plus quoi dire pour le réconforter. Certes, son père les avait trahis, il les avait abandonnés à leur sort et construit une nouvelle vie ailleurs, quelque part dans ce monde. Alors si sa mort s’avérait vraie, n’était-ce pas ce qu’il méritait ? Ansfrid avait bâti, durant toute son enfance, un amour fou pour son père sans jamais le voir et cet amour avait été détruit en une seule nuit et seulement par des mots écrits depuis des années. Toutefois, cette demande d’aide, ce besoin d’être sauvé avait été envoyé à sa mère et non à sa nouvelle femme. De plus, s’il s’était marié une nouvelle fois à une inconnue alors pourquoi avait-il continué à contacter Dagmar ? Pourquoi ne pas avoir coupé toutes liaisons les concernant ? Et à chaque fois, dans chaque lettre, il demandait les nouvelles de son fils, ce fils qu’il avait rejeté il y a quinze ans…Où était la logique ? Ou son père était complètement fou ?

Plusieurs jours passèrent depuis l’étonnante découverte. Le Trio n’en avait jamais reparlé surtout depuis le réveil de Dagmar. Ansfrid ne voulait pas lui infliger une nouvelle peine et encore moins de la faire espérer encore une fois.

Ils étaient aux champs. Wal était accroupi devant le reste de riz -dans le même état que tous les autres céréales-, même les arbres avaient commencé à perdre leur couleur. Ansfrid observait les dégâts de la chaleur. Il n’y avait pas de canicule, pourtant, la terre était plus dure et sèche qu’auparavant, il soupira avant de se retourner vers Wil, assis sous l’ombre d’un arbre.

« Qu’en déduis-tu ? Demanda soudainement l’aîné.

-D’après le tournant des évènements et la survie des dieux, je pense que l’un d’eux s’amuse à faire disparaître nos vivres.

-Je le crois aussi, ils veulent nous déshydrater avec la sécheresse et provoquer la famine afin d’arriver à leurs fins.

-Quelle bande d’enfoirés ! Jura Walfrid en donnant un coup de pied à un arbre. Si j’attrape ces dieux, je les défonce !

-Calme-toi, frangin, je pense que la meilleure solution est de négocier, après tout, n’est-ce pas eux les parfaits négociateurs ? Dit Wilfrid avec un sourire au coin. »

Ansfrid ricana. Parfois, le cadet avait un culot incroyable ! Négocier avec les dieux ? Parler avec des dieux ? C’était une chose presque impossible pour des non-croyants comme eux. Il est possible qu’ils les tuent en une fraction de seconde pour ce manque de respect. Et connaissant ces cousins, ce ne serait pas facile de négocier, du moins en compagnie de Walfrid. Ce dernier était trop brut, il préférait l’utilisation des muscles au lieu de la tête et de ce fait, engager des combats inutiles comme il avait l’habitude de faire. Et Wilfrid ? L’aîné avait peur de sa longue langue. C’était un maigrichon, peureux et prudent, néanmoins, il pouvait faire preuve de courage et d’audace en employant seulement des mots provocateurs et irrespectueux. Une vraie contradiction, cet homme !

« Les négociations ne valent même pas la peine ! Il suffit seulement de les combattre ! Après tout, c’est bien eux qui s’en prennent à nous !

-Parce que nos siens ont commis une erreur. »

Un débat sans fin débuta, les jumeaux ne se taisaient plus. L’un argumentait de toute sa fureur tandis que l’autre l’écoutait, le comprenait et le contredisait d’un calme impressionnant. Ces deux-là ont toujours été ainsi, Odal les comparait au feu et à l’eau. Wal s’enflammait rapidement et détruisait tout sur son passage. Une fois, il avait même brisé une devanture d’un magasin, son père avait donc payé les frais et revu l’éducation de son fils ; il ne touchait plus à rien, mais c’est en arrivant à certain taux de colère qu’il explose tout ce qui lui vient à la main. Wilfrid était comme l’eau, calme, tranquille bien que parfois dangereuse. Il n’avait jamais perdu son sang-froid, jamais haussé le ton de sa voix et encore moins levé la main sur quelqu’un, il n’avait seulement pas encore goûté au torrent de la haine et la rancune et lorsqu’il le fera, Wil sera aussi effrayant que son frère.

« Si mon oncle vous voyez-… »

Ansfrid s’arrêta net, réalisant l’existence d’un savant fou ; Odal, bien sûr ! Il avait passé toutes ces années à prier le pardon des dieux, il pourra donc les aider à les contacter ! Ansfrid rappela à l’ordre ses cousins -toujours en pleins débat- qui le regardèrent d’un œil mauvais, il leur fit signe de s’en aller vers le temple du village, une chose que les frères redoutaient. Ils n’aimaient pas ce temple, ils n’étaient pas croyants et voir leur père en devenir un du jour au lendemain était terrifiant !

Ils arrivèrent devant le temple. Il faisait humide et sombre à l’intérieur au point où ils n’arrivaient presque pas à distinguer les escaliers. Ils descendaient doucement en faisant attention à ne pas louper une marche. Lorsqu’ils arrivèrent au sous-sol, ils furent surpris de découvrir une énorme grotte éclairée par des pierres lumineuses dont la lueur penchait vers le bleu clair. Les parois étaient humides, des plantes de nacres poussaient ici et là et des symboles verts écrits étrangement à peu partout sur les murs. Le Trio s’avança lentement au milieu de la pièce, ébahi par leur découverte ou plutôt la magnifique construction d’Odal.

Une flamme s’alluma au fond de la grotte. Puis une autre jusqu’à ce que toutes les torches illuminent le grand mur où était illustré un homme aux longs cheveux écarlate. Sa peau était aussi blanche que la neige, ses yeux étaient colorés d’un bleu allant au blanc et il portait une longue tunique blanche. Dans une main, il tenait une grosse flamme rougeâtre tandis que dans l’autre une flamme bleue moins imposante que la précédente.

« Serait-ce un dieu ? Prononça doucement Walfrid, charmé par l’œuvre.

-C’est un fils de titan. »

Les trois hommes sursautèrent avant de se retourner rapidement vers la voix familière. Tapis dans l’ombre, Odal les fixait avec un air amusé et surpris, il était rare de voir sa descendance entrer dans son temple.

« -Papa, que fais-tu là-bas ? Réprima Wilfrid en s’approchant de lui. Tu sais très bien que le médecin t’a dit de ne pas t’asseoir à plat le… »

Wilfrid perdit ses mots. Ses yeux plongèrent sur le bas du corps de son père. D’habitude, il n’y avait que la moitié des deux jambes, cependant, à ce moment précis, il crut voir ses membres pousser. Les plantes de nacre, qui sillonnaient la grotte, entouraient les cuisses du vieillard. Les pétales blancs brillaient au rythme de leurs battements.

« -Ce ne sont pas des fleurs ordinaires, répondit Odal à la question silencieuse de son fils. Ce sont des Sansevierias, une végétation divine qui permet de recréer l’homme. Les dieux m’ont béni de ce miracle pour me féliciter de ma loyauté envers eux.

-Tu veux dire que…Qu’ils te donnent la chance de marcher à nouveau ? Balbutia le cadet, désormais accroupis devant son père, ému. »

Odal hocha doucement la tête, un fin sourire dessiné sur ses lèvres. Wilfrid prit son père dans ses bras et versa quelques larmes de bonheur, il fut suivi de Wal qui leur sauta dessus, il souriait de toutes ses dents et contait déjà ce qu’il pourrait faire avec leur, déjà sur pied. Ansfrid contempla cette scène qui lui réchauffait le cœur. Il ne se souvenait pas avoir vu son oncle marcher, mais juste l’idée de le voir le faire tout seul, sans que quelqu’un ne le pousse sur sa chaise roulante, était une chose réconfortante.

« -Remerciez-le au lieu de me coller. Plaisanta Odal avant de pointer du doigt l’illustration.

-Qui est-ce ? Demanda Ansfrid, une nouvelle fois subjugué par la beauté de cet art.

-Eldrid, celui qui chevauche le feu. »

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