Chapitre One Shot
"Maintenant que tu en as la force, venge-toi, venge ton espèce."
Au milieu de cette nuit sans lune, une faible lumière me permettait de lire. Installé dans mon lit, bien trop grand pour moi, je lisais quelques documents importants reçus la journée. Entre la position assise et couchée, je me tenais de la sorte grâce aux nombreux coussins de haute qualité que j'avais disposé sous mon dos frêle. Pour ne pas attraper froid, j'avais aussi correctement remonté la couverture jusqu'au ventre, mon pyjama fait de tissus finement tressés n'était en effet pas suffisamment chaud pour me protéger du froid de la nuit.
La faible lumière de ma bougie était la seule source de lumière qui éclairait un minimum ma chambre. Je devais donc forcer sur mon oeil bleu ciel pour réussir à déchiffrer les mots noirs alignés en phrase sur les feuilles pâles que je tenais entre mes mains.
Alors que la mélodie douce d'un tic tac était l'unique bruit qui troublait le silence, elle finit par être entremêlée avec un cliquetis nouveau mais que je connaissais très bien. Mon regard se releva alors vers l'immense masse sombre qui passait la porte de la chambre pour venir me rejoindre. L'énorme carnivore quadrupède plus grand qu'un homme classique ne me faisait pas peur.
Il vint jusqu'à moi pour qu'enfin, son imposante tête lupine soit éclairée à son tour par la douce lumière de ma bougie. Cette bête géante, je l'avais connue alors qu'elle ne faisait qu'à peine la taille d'un chat.
Père était parti à la chasse, c'était une activité qu'il affectionnait tout particulièrement, alors que, pour ma part, je n'en voyais aucun intérêt. Je refusais toujours de l'accompagner. Cependant, ce jour-là, il ne me laissa pas le choix. "Nous allons avoir les tous derniers !" disait-il, fier de lui visiblement. Et il fallait que je vienne voir, un spectacle à ses yeux qu'était d'éteindre une espèce de fascinants prédateurs que ma lignée chassait depuis plusieurs générations. De force, il m'avait pris sur son cheval sans même me laisser prendre ma propre monture, j'étais donc contraint de sentir son odeur désagréable, je n'aimais pas être près de lui. Tout le groupe de nobles et chasseurs suivit mon père de près pour sa protection rapprochée, ça serait tout de même idiot que le roi et son héritier meurent durant une stupide partie de chasse, quoique... le chassé, cette fois-ci, était lui aussi un chasseur.
Il fallut avancer pendant un long moment dans les denses forêts qui bordaient la capitale pour enfin trouver la dernière tanière. Avec le bruit des sabots et des hommes, il ne fallut pas longtemps pour que sortent de la grotte deux adultes. Leurs corps de loup démesurés arboraient un pelage sombre pour s'arrêter près du bout de leurs pattes recouvertes, elles, d'écailles et davantage semblables à des pattes de dragons. Grattant le sol de leurs griffes, il ne fallut pas plus longtemps pour que l'un d'eux, que je pris comme étant le mâle, envoie sa queue de scorpion vers un chasseur et lui transperce le crâne de son large dard. Il s'écroula au sol, mort. La chasse commença. Coups de feu, cris, hurlements... C'était d'une grande violence et on perdit pas mal d'hommes car ceux-ci se mettaient en danger malgré eux en veillant sur moi et mon père. Mais au final, les deux créatures s'effondrèrent au sol, vaincues, tuées par l'avidité humaine.
La terre était gorgée de sang humain et animal. Alors que la majorité des hommes de Père s'occupaient de leurs défunts, mon regard restait porté sur les deux créatures pour qui aucune larme n'était versée. Du coin de l'oeil, je vis Père entrer dans la tanière avec deux de ses hommes, puis des rires me parvinrent, entremelés à des jappements effrayés. Ils tuaient les bébés. Ma gorge se serra mais je n'eus même pas le temps de descendre du cheval qu'ils revenaient déjà. Ma surprise fut grande de remarquer que le roi tenait par la peau du cou, un petit être blessé et effrayé... Il en avait épargné un et s'approchait de moi afin de me le tendre. "Tu tueras celui-ci toi-même !". Alors que mes bras se refermaient autour de la petite créature qui continuait de pleurer contre moi, je savais que je ne la tuerais pas.
Et Père comprit son erreur, trop tard, en voyant chaque jour grandir devant lui le monstre qu'il avait créé... et celui qu'il lui avait offert...
Minuit était maintenant passé depuis plus d'une heure, une de mes mains vint se glisser sur la joue de ma fidèle créature. Alors que son pelage d'un brun sombre était dur sur tout le reste de son corps, celui de son museau restait très doux et agréable au touché.
Un sourire éclaira mon visage lorsque j'aperçus le sang sur les babines de ma créature.
- Enfin. La justice a été rendue.
Je posai mes documents non loin de la bougie pour accueillir l'énorme tête de mon ami contre moi, il glissa son museau contre mon cou et je sentis le liquide rouge encore chaud glisser sur ma peau. Un rire s'échappa de ma gorge, ça chatouillait.
Je n'avais que 13 ans lorsque le trône me revint. En cette silencieuse nuit sans lune, je sentais déjà le poids de la couronne.
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