Alors qu'elle venait de parvenir à hisser, péniblement, sa vieille ossature jusque dans son lit, Josette l’aperçut... Se tenait là, en face d'elle un chérubin. Il s'inclina tout doucement vers elle. Rapidement, Josette comprit. Elle comprit que bientôt il s'en irait, mais pas seul. Il emporterait avec lui cette dame âgée qui avait déjà tant vécu.

Avant de faire route ensemble vers un monde inconnu, il consentit à l'enlacer. Tandis qu'il était tout prés de l'oreille de Josette, il lui souffla délicatement :

- Ton heure est venue... Le cycle de la vie est ainsi fait, il faut laisser la place à la fraîcheur et à l'enfance...

Alors qu'il l’étreignait toujours, leurs corps lévitèrent. Josette se sentait, lentement, prendre de la hauteur, elle songeait à sa vie, sa jeunesse. Elle pensa à ses espoirs d'antan, souvent utopistes, et de ce fait rarement atteint. Elle les considérait désormais avec le sourire. La voilà maintenant, tombant incessamment sous peu de cette tour d'ambitions passées.

Elle vivait en douceur ce retour à une forme de modestie. Après avoir tant combattu les marques du temps. Après avoir tant maquillé, camouflé, grimé tout son être, pour paraître « respectable », elle se sentait enfin affranchi de toutes circonspections de cet ordre. Comme la vie s'était déroulée rapidement, si seulement elle avait su... Consciente de l'importance de chaque moment, elle en aurait encore plus profiter. Elle aurait savouré chaque seconde.

À présent il fallait l'accepter. Admettre que son cœur avait offert jusqu'au dernier de ses battements, pour y trouver le repos éternel. Mais comment pouvait-elle y consentir ? Alors que sa carcasse s'élevait, elle réclama une dernière volonté. Le temps était brumeux, hors de question de partir sans l'avoir vu une ultime fois. Elle poussa donc son ultime souffle dans le but de dégager les nuages, et d'avoir la chance de le regarder une fois définitive, ce ciel azur...

Ce vœu réalisé, elle ne résista plus à son guide angélique, et fit ses adieux à ce monde.