Isabeau Partie 2

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En vieux matou, Martin la prenait par les oreilles, lui rappelant tout à la fois sa jeunesse, sa condition de fille et d’héritière de parents morts trop tôt, mais omniprésents.

Elle n’avait pas trente ans, et la mort, déjà, avait frappé, sous la forme d’un accident d’avion, en Amérique du Sud. Cela était d’autant plus étrange que cette mort était avant tout une disparition, et que le deuil s’était fait par étapes. Dans l’immensité de la forêt brésilienne, le petit monomoteur qui transportait ses parents avait dû s’écraser, trouant la canopée de l’Enfer Vert. L’avion était parti d’un petit aéroport, dans la brousse. Il n’était jamais arrivé à l’étape suivante. Un orage tropical s’était déclaré, et son père avait changé de direction pour l’éviter, avant de manquer de carburant. Dans ces conditions, sur un territoire trop vaste et quasiment inaccessible, les recherches n’avaient rien donné. Après une année passée à espérer, puis à désespérer, il avait fallu convenir d’une messe, sans cercueil ni enterrement, dont le faire-part n’avait pas encore quitté la pile des dossiers qui encombraient le bureau.

Isabeau, ses sœurs Colombe et Victoire, leur frère Jean,

ont le regret d’annoncer la disparition de leurs parents, Jean et Adélaïde Combrigal,

au dessus de la forêt amazonienne, dans la nuit du 3 au 4 septembre 2007.

Une messe sera donnée en l’église Sainte Cécile des Forges,

jeudi 4 septembre 2008, à 10h00.

- Martin, relisez-moi ce courrier, voulez-vous ?

Martin prenait vraiment des libertés. Il fallait parfois lui rappeler qui était la Présidente. Mais il en fallait plus pour impressionner un homme qui avait tout connu des débuts, et vu les défaites et les victoires ponctuer une croissance quasi ininterrompue. Souriant, la regardant par dessus de fines lunettes sous un sourcil broussailleux, il fouilla dans son porte-documents et entreprit sa lecture, avec les commentaires inévitables sans lesquels il ne serait pas Martin, le notaire scrupuleux, le membre influent du conseil du groupe, l’ami et le confident.

- Voyons voir, ha ! Voilà. Reçu ce matin, oui… au petit matin même, à 5h43. Il se lève tôt, le bonhomme ! Le décalage horaire, peut-être ? Bon.

Paris

Le 12 mai 2009

Je suis de passage en France. Au vu des relations qu’entretiennent nos deux sociétés,

je souhaite vivement pouvoir vous rencontrer.

Cordialement,

Jon N. Ensmore

- Voilà, c’est à peu près tout, suit l’adresse de contact, etc…

- Un courrier banal en somme, et plutôt creux.

- Oui, mais un courrier banal qui provient d’un des plus gros actionnaires de Combrigal, cela mérite attention. Surtout lorsque, comme vous le savez, cet actionnaire rachète des actions en bourse….

Isabeau soupira. Oui, elle le savait. Depuis maintenant plus de deux ans, et cela avait commencé peu de temps avant la disparition de son père, le groupe Combrigal faisait face à des vagues d’achat d’action répétées, discrètes, mais insistantes.

- Où en sont-ils ?

- 18,24%.

- La semaine dernière, nous étions à 15%....

- 15,73%, oui. Mais un bloc a été acquis hors marché, auprès d’un investisseur de Hong Kong. D’autres investisseurs sont approchés. C’est une attaque directe, Isabeau.

Isabeau fronça le sourcil.

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