La lumière commençait à filtrer par les rideaux fermés. Isabeau se réveillait, et dans un demi-sommeil pensait à la rencontre qui venait d'avoir lieu. Hier soir de façon inattendue, Ensmore était arrivé à Combrigal.

- Quel culot ! Arriver comme ça, comme... S'il était chez lui !

L'accueil n'avait-il pas été trop froid ? Elle était en colère, et avait fait sentir, peut-être un peu trop, que cette arrivée tardive n'était pas la bienvenue. De toute évidence, Ensmore, son camarade Arthur ainsi que leurs deux amies, Hélène et Daphné, avaient perçu le caractère absurde de la situation. La discussion avait été courte, et remise pour l'essentiel au lendemain.

Ensmore n'était pas comme elle l'avait imaginé. Il était plus jeune. Beaucoup plus jeune. Une petite dizaine d'années les séparait, mais son air distant, détaché, son absence de spontanéité, semblait souligner le calcul froid qui était le lot de ses occupations, de son esprit.

- Tout ce que je déteste !

Qu'avait-il dit ?

- Nous sommes désolés de vous importuner à cette heure, mais nous n'avons pas réussi à vous trouver. Si nous avions su que vous étiez si bien cachée, nous aurions pris nos dispositions pour être à Combrigal à une heure plus décente.

Comment s'appelait son compagnon ? Arthur. Un jeune homme rond et jovial, avec un léger accent, qui semblait la dévisager avec amusement. Qu'il s'amuse, si ça lui chante ! Les regards complices échangés avec cette fille enjouée, Daphné, ne laissaient aucun doute sur leurs intentions.

- J'espère avoir satisfait votre curiosité, Arthur. Car vous vous appelez bien Arthur, n'est-ce pas ?

- Comme le chevalier de la Table Ronde ! A votre service.

- J'accepte volontiers cette proposition, car voyez- vous, j'ai eu de mauvaises nouvelles, ce matin. Et je crains que votre ami Jon n'en soit la cause. Un allié dans la place me sera bien utile.

Arthur leva le sourcil. Isabeau proposa du thé, qui fut accepté et pris à la cuisine, alors que le soleil déjà au loin se couchait. La conversation fut brève, mais sans gêne. Daphné et Isabeau s'étaient trouvés une connaissance commune, Arthur joua le rôle qu'il s'était donné. Jon resta calme, silencieux et attentif, Hélène à ses côtés ne pouvant réfréner sa nervosité, signe de la sourde hostilité qui agitait son esprit.

Isabeau regarda à nouveau les rais de lumières qui filtraient du dehors, perturbés parfois par le mouvement des ombres du feuillage sur la fenêtre. Elle cligna des yeux, et eut envie de profiter de cette journée.

Puis elle fronça le sourcil, et fit une moue inquiète, mordant le rebord de sa lèvre inférieure, tâtant la morsure du bout de la langue.

Aujourd'hui se jouait une partie difficile.