Le Styx coule à l’envers (Dan Simmons)

4 minutes de lecture

Le Styx coule à l’envers est le deuxième recueil de nouvelles de Dan Simmons que j’ai lu cet été. Il porte le titre de son premier travail édité, une nouvelle qui pose les bases du changement de paradigme majeur au cœur d’Hypérion : la découverte d’une technologie permettant aux hommes de ressusciter, accaparée par un mouvement sectaire. On y retrouve les obsessions de l’auteur : le religieux, la guerre, la mort et l’inéluctable. Mais, contrairement au précédent, j’ai eu du mal avec ce recueil. À l’exception de « Métastases », j’ai trouvé ces courtes nouvelles très décevantes. Pour moi, la préface de Harlan Ellison, qui raconte comment Simmons fut découvert lors d’un atelier d’écriture (il comptait arrêter d’écrire après deux ans de recherches éditoriales infructueuses), et les introductions spécialement rédigées par l’auteur pour chaque nouvelle m’ont paru plus intéressantes que les nouvelles elles-mêmes. Quatre d’entre elles évoquent de près ou de loin les télévangélistes, un thème que je ne trouve pas passionnant, mais qui semble, de son propre aveu, obséder Simmons. Deux parlent de morts-vivants (et elles sont pas mal), deux de maladies, deux de guerre, trois mettent en scène des professionnels de l’éducation (l’ancien métier de Simmons) entretenant un rapport légèrement malsain avec leurs élèves. Un petit tour de l’Amérique en douze tableaux plutôt noirs, souvent horrifiques.

Le Styx coule à l’envers

Le Styx coule à l’envers est la fameuse nouvelle qui a sorti Dan Simmons de l’étang où grenouillent les auteurs non publiés, lui permettant de passer d’écrivaillon à écrivain. D’après la légende officielle, l’écrivain Harlan Ellison, qui animait un atelier d’écriture d’une manière particulièrement impitoyable, aurait versé sa petite larme pendant la lecture de cette histoire de zombies modernes. Cela ne m’est malheureusement pas arrivé.

Vanni Fucci est bien vivant et il vit en enfer

Un télévangéliste, une espèce bien exotique pour nous autres petits Frenchies, reçoit sans le savoir sur son plateau bien contrôlé un rescapé de l’enfer de Dante. Bof.

Passeport pour Viêtnamland

Une famille plutôt stupide paye au grand-père vétéran une visite dans un parc d’attractions en mode « tourisme mémoriel » (ce type de tourisme plébiscité par les ricains, qui propose à des afrodescendants déracinés de visiter un pays d’Afrique, à des chrétiens fondamentalistes de faire un tour à Jérusalem etc) qui recrée les conditions de la guerre du Vietnam en toute sécurité. Vraiment ? Vous vous doutez bien que non.

Deux minutes quarante-cinq secondes

Méditation philosophique sur le temps qu’un corps met à tomber, et tout ce à quoi il peut penser pendant ce temps-là. Je n’ai pas bien compris la chute (sans mauvais jeu de mots), et la relecture que j’ai dû effectuer pour tout saisir m’en a gâché l’effet.

Métastases

Enfin, du frisson ! Cette nouvelle est délicieusement abominable. Suite à un accident cérébral, un homme acquiert la capacité de voir les « vampires du cancer » dans les miroirs … tout à fait raccord avec le thème de « la série d’horreur de la semaine », sur ce qu’on peut voir dans les miroirs ! On retrouve dans cette nouvelle tout ce qui fait le meilleur de Simmons : l’ambiance, la tension, l’horreur face à une menace inéluctable.

Douce nuit, sainte nuit

Encore des prédicateurs fanatiques qui prennent le pouvoir dans un futur apocalyptique. Dans Hypérion et ses suites, ça passait bien. Ici, en toute honnêteté, je n’ai pas compris ce que voulait dire l’auteur.

Mémoires privés de la pandémie des stigmates de Hoffer

Imaginez une maladie qui fasse apparaître tous vos vices sur votre visage, littéralement. L’idée est rigolote (enfin, plutôt gore vu la façon dont Simmons l’a traitée), mais la forme et les choix narratifs m’ont perdu entre deux bubons. La fin était inutilement atroce, cela dit.

Les fosses d’Iverson

Un jeune scout obligé d’accompagner un vétéran de la guerre de Sécession fou à lier se retrouve à crapahuter de nuit sur l’un des charniers les plus fameux de ce conflit. Forcément, l’endroit est hanté, et pas par des petits fantômes larmoyants.

Le conseiller

Essayez de visualiser Denzel Washington dans The Equalizer en conseiller d’éducation. Que ferait-il ? Il latterait des culs et défendrait des gamins brutalisés, bien sûr. Et il ne se ferait sans doute pas arrêter pour ça. Cette nouvelle fut qualifiée par les critiques Bertrand Bonnet et Erwann Perchoc dans le Bifrost consacré à l’auteur (n°101, 2020) de « Punisher de pacotille ». Ils n’ont pas tort.

Photo de classe

Une institutrice tente vainement d’éduquer les enfants morts-vivants en pleine apocalypse zombie. Un cauchemar digne de Walking Dead, avec une petite lueur d’espoir à la fin. C’est la nouvelle que j’ai préférée après Métastases.

Mes Copsa Mica

Une recension sans queue ni tête des inquiétudes environnementales de l’auteur lorsqu’il était en visite de recherche pré-écriture en Roumanie pour son diptyque vampirique (la nouvelle « Tous les enfants de Dracula » et le roman « Les fils des ténèbres ») au tout début des années 90, en plein chaos post-Ceausescu. On apprend que la belle-sœur de l’auteur est une personne peu subtile qui a failli les faire arrêter par une police brutale et corrompue, ou encore que la Roumanie est une véritable bouche de l’enfer. Je me demande si les errances roumaines de Simmons ont été traduites dans la langue de Dracula. J’espère que non...

À la recherche de Kelly Dahl

Le délire halluciné d’un prof du Colorado (tiens, tiens) sur une de ces anciennes élèves, une gamine surdouée et victime de sévices sexuels qu’il a sans doute inventés dans sa tête. Franchement WTF et un peu limite, en plus d’être incompréhensible et peu captivant.

Bilan

Dan Simmons m’a habituée au pire comme au meilleur. Ici, on est clairement dans le pire ! Si vous n’avez jamais rien lu de lui, ne commencez surtout pas avec ce recueil.

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