Autorité (Jeff Vandermeer)
Au Diable Vauvert, 2017, 392 pages.
Résumé : À la suite du fiasco de la douzième expédition dans la mystérieuse zone X, John Rodriguez, alias « Control » est envoyé pour remplacer la directrice disparue, stabiliser la situation au Rempart Sud et, surtout, comprendre ce qui s’y passe. Tout de suite, il se heurte à l’hostilité de la directrice adjointe, à la folie des scientifiques et au mutisme de la biologiste, la seule qui est revenue de l’expédition avec toute sa tête...
Avec ce deuxième tome de la trilogie du Rempart Sud, on reste dans le bizarre et l’horreur post-lovecraftienne. Le premier tome, Annihilation, m’était tombé des mains (et quelle déception, après avoir adoré le film!). Le deuxième se lit peut-être un peu mieux… mais à peine !
Ce que j’ai aimé :
- l’histoire, le mystère qu’il y a derrière et qui me pousse à m’entêter avec cette trilogie. Je trouve l’idée de départ vraiment géniale et j’ai très envie d’en savoir plus sur cette zone X. Je dois avouer que l’esthétique du film d’Alex Garland n’y est pas pour rien…
- le personnage de Control, avec ses failles et son savoir-faire, et sa relation conflictuelle avec la directrice adjointe : c’est cette trame narrative qui m’a poussé à tourner les pages pendant les 3/4 du bouquin ! On a vraiment envie de savoir comment ces conflits d’autorité, qui l’empêchent de mener à bien sa mission, vont se résoudre. A contrario, l’intrigue avec sa mère ou la biologiste m’ont peu intéressée (oui, les femmes sont omniprésentes dans cette trilogie). Le vrai mystère de ce roman, c’est l’ancienne directrice du Rempart Sud, et son adjointe. De manière générale, les personnages sont écrits de façon à la fois très réaliste et très originale (je m’étais déjà fait la même réflexion pour Borne, un autre roman de l’auteur).
Ce que je n’ai pas aimé :
- comme dans Annihilation, l’écriture est parfois difficile à suivre. Complexe, travaillée à l’extrême, sacrifiant parfois la clarté à la métaphore filée en invoquant toute cette faune et cette flore qui fait la patte de l’auteur (les lapins, les plantes). Il y a plein de choses que je n’ai pas comprises. Comme, par exemple, ce qu’il y avait de si horrible sur la vidéo de la première expédition. Un petit peu plus d’infos CLAIRES auraient été bienvenues ! On regrette de ne pas pouvoir suivre le raisonnement du protagoniste (qui découvre tout, comme nous) et anticiper les évènements comme dans un thriller ou une enquête policière. Là, on ne comprend RIEN de ce qui se passe !
- Le manque d’éléments horrifiques. Comme je l’ai dit plus haut, l’auteur est avare en détails sur la Zone X, ses causes et ses effets. Il y a bien la fameuse vidéo, censée être tellement horrible que seuls un nombre limité d’experts conditionnés y ont accès, et une certaine scène dans le faux plafond d’un placard, plus bizarre qu’effrayante. En revanche, l’auteur nous abreuve de petits détails de la vie quotidienne du protagoniste, de la façon dont on ouvre les portes, déplace des objets… ce qui m’a paru très frustrant. J’avais l’impression qu’il laissait de côté les détails intéressants pour se concentrer sur des éléments anodins. Bien sûr, ce n’est pas le cas, mais je n’ai pas été assez happée par le truc pour creuser et faire une analyse poussée du message derrière tous ces artifices. Certes, je comprends bien le propos : il s’agit de faire goûter au lecteur, de manière presque sensorielle, la bizarrerie extrême de la situation à laquelle l’esprit humain ne peut faire face, et qui empêche machines et cerveaux de fonctionner normalement. Mais pour moi, si le propos n’est pas assez évident, c’est que c’est raté…
- le recours aux flash-backs, très nombreux, perturbe encore plus la compréhension des évènements. On comprend bien que cette narration participe à l’ambiance hallucinée de l’histoire. Et il faut bien reconnaître que conserver une chronologie normale, en nous révélant les éléments les uns après les autres, leur enlèverait sans doute beaucoup de leur impact. Cette narration déstructurée m’a donc fait un peu l’impression d’un écran de fumée, servant à masquer le peu de matière qui se trouve derrière : on suit un espion envoyé au Rempart Sud qui découvre… quoi ? Ben, au final, pas grand-chose.
- ce tome 2 soulève plus de questions qu’il ne donne de réponses. On ne sait toujours pas ce qui est arrivé, ni pourquoi et comment la Zone X s’est créée. On a juste la confirmation qu’elle contamine tout ce qu’elle touche, comme dans le tome 1.
Bilan
En règle générale, j’ai trouvé que ce roman manquait de matière et j’ai eu beaucoup de mal à m’y immerger, à m’y intéresser vraiment et à le finir. Le cliffhanger de la fin nous incite intelligemment à pousser plus loin et à lire le tome 3. Je vais le faire, sans avoir beaucoup d’attentes… mais peut-être pas tout de suite.
Ça ressemble à :
- Double hélice, le deuxième tome de Ring de Suzuki Koji, surtout pour la progression rapide de l’indescriptible menace, et la rationalité froide que lui opposent ceux qui la combattent (et qui fait que, malheureusement, on ne s’inquiète jamais vraiment pour eux). La série Ring et celle du Rempart Sud ont également en commun d’être l’un des rares cas, pour moi en tout cas, où l’adaptation filmique est meilleure que le livre !
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