Chapitre 4
~ POINT DE VUE JOHN ~
Je sors après Mark et va directement à la cellule d’Eva Cox. Laurent, qui n’est encore pas présent, arrive bien après l’attaque de Chris.
Je vois Mark rejoindre Laurent dans son bureau et je l’entends l’informer de la situation.
— J’ai donné une mission à John.
— Laquelle ?
— Il va faire en sorte qu’Eva et Chris lui fassent confiance. Je lui ai demandé de s’infiltrer.
— Si jamais ça tourne mal...
— T’inquiète pas pour lui, il sait très bien ce qu’y l’attend, lui dit Mark.
— Je vais te faire confiance, mais s’il lui arrive quelque chose, ta fille ne te le pardonnera jamais.
— Imagine ce qu’elle va lui faire subir le jour où elle découvrira ce qu’il est ?
— Je n’aimerais pas le savoir.
— Ma solution est la bonne et il me doit un petit service.
— Quel service ? demande Laurent.
— C’est entre lui et moi.
Pendant qu’ils parlaient, j’étais arrivé à la cellule d’Eva Cox.
— Je suppose que vous travaillez avec Chris ?
— Peut-être que oui, peut-être que non.
— J’ai réfléchi à ce qu’il m’a demandé.
— Tu as pris la bonne décision, j’espère ?
— J’accepte sa proposition.
Elle sourit. Je la vois jubiler.
— Qu’est-ce qui t’a fait changer d’avis ?
— Disons que j’ai compris où étaient mes intérêts.
— Et qu’est-ce qui me certifie que tu ne vas pas essayé de nous doubler ?
— Avec les charges qui pèsent contre vous, vous n’avez pas trop le choix.
— Tu vas devoir faire tes preuves, tu le sais ?
— Pour l’instant, je vais vous sortir de là.
— Sous le nez de Mark ? demande-t-elle, en souriant.
— Si ça vous pose un problème, je vous laisse passer devant le tribunal pour tentative de meurtre.
— J’aimerais mieux éviter.
— Vous attendez que je m’éloigne et vous vous débrouillez pour demander à sortir.
Je retourne voir Nicole et je lui dis que tout va bien, mais je vois dans ses yeux qu’elle sait que je lui mens.
—Que voulait mon père ?
—Il voulait éclaircir certains points, mais maintenant c’est réglé.
— Pourquoi tu es allé parler à l’autre ?
— Ça fait partie du plan.
— Quel plan ?
— Tu le sauras plus tard.
Je me retourne et aperçois Mark qui me regarde. Je regarde en direction de la cellule d’Eva et quand je vois qu’elle me regarde, j’hoche la tête dans sa direction. Va falloir la jouer fine, pas question de se faire avoir.
— Est-ce qu’il serait possible d’aller aux w.-c. dans ce trou à rat ?
— Tu peux te retenir, répond Laurent.
— Si c’est toi qui nettoie la cage, je veux bien mon mignon.
Laurent me fait un signe de tête et je récupère les clefs.
— Reculez-vous, je vais ouvrir.
— De quoi as-tu peur ? me demande-t-elle, en regardant de haut en bas.
Bon ok, elle est barge. Limite elle me ferait flipper. Elle me fait penser à la folle qui traîne avec le Joker.
Je l’attrape par le bras et l’amène aux w.-c. Je choisis ce moment pour lui dire de prendre mon arme et de suivre mon plan.
— Allez-y, frappez-moi.
— Un si joli visage, ce serait dommage de l’abîmer.
À peine a-t-elle fini sa phrase, qu’elle me frappe sur le torse à plusieurs reprises.
~ POINT DE VUE NICOLE ~
— Papa, ça fait un moment qu’ils sont là-dedans.
— Je vais aller voir.
Il se dirige vers les toilettes et il essaie de tourner la poignée, mais sans succès. Je le vois coller son oreille contre la porte afin d’écouter les bruits provenant de derrière la porte.
— John, tout va bien ?
La porte s’ouvre à la volée et ils sortent. Mon père lève les mains à la hauteur de ses épaules et il recule vers nous.
Quand Eva et John sont enfin dans notre champ de vision, je comprends ce qui se passe. Eva a pris John en otage et, apparemment, il y a eu bagarre, vu l’état de sa tête.
— Si quelqu’un s’approche, je serai dans l’obligation de défigurer ce magnifique visage, dit-elle en le caressant avec son pistolet.
Tout le monde a sorti son arme.
— Je veux une voiture.
Tout le monde se regarde du coin de l’œil.
— Il n’y en a qu’une seule qui pourrait vous servir, lance mon père.
— Cette voiture est équipée d’un GPS, ne me prenez pas pour une imbécile.
Je vois que mon père hésite à répondre. C’est ça son plan ? Faire évader Miss tarée et la suivre ?
— Il ne fonctionne plus … Nous l’avons fait retirer il y a longtemps parce qu’on ne voulait pas que tout le monde sache où nous allions, mentis-je.
— Elle a plutôt intérêt à me dire la vérité sinon c’est toi qui va payer, joli cœur.
— Pourquoi elle mentirait ?
Ils reculent tous les deux pour sortir du commissariat et, arrivés à la voiture de John, elle lui demande les clefs. Elle lève son bras droit et assomme John d’un coup sur la nuque.
Il s’effondre à terre et elle part avec la voiture. Je me précipite vers lui pendant que les gars ouvrent le feu. Il a vraiment l’air amoché. À première vue, il a plusieurs ecchymoses sur le torse et un au visage.
— CESSEZ LE FEU !!! hurle mon père.
Il me rejoint et s’accroupit à ma hauteur.
— Il faut appeler une ambulance, dis-je.
— Je m’en occupe, répond mon père.
Il a l’air soucieux, préoccupé.
Quelques minutes après, il raccroche.
— Ils arrivent. Poussin, je crois que tu devrais retourner à la boutique de perruque.
— Pourquoi ?
— Il faut que l’on retrouve ton frère avant les autres. Je ne veux pas le perdre encore une fois.
— Et pour John ?
— Je m’occupe de lui.
— Bon d’accord. Stéph, tu viens avec moi.
— Je prends le matériel ?
— Je ne pense pas qu’elle sera plus coopérative que tout à l’heure.
Quelques minutes plus tard, l’ambulance arrive en même temps que Stéph avec sa mallette.
— On peut y aller.
— Tu lui diras que je passerais plus tard ? demandais-je à mon père.
— Ne t’en fais pas. Allez-y.
Mon père me passe les clefs de sa voiture et nous partons.
Nous roulons depuis un petit moment quand Stéph me demande ce qui se passe.
— Ce ne sont peut-être pas mes affaires, mais... commence Stéph.
— Tu te souviens de l’enlèvement de mon frère ?
— Oui.
— Bah tout part de là. La personne que mon père a fait mettre en prison, c’est le père d’Alex. expliquais-je.
— Ton père nous a mis au courant. Comment tu fais pour garder ton calme ?
— Il est différent de son père. Très différent. marmonnais-je.
— Et pour maintenant ?
— Le jour où j’ai fêté mon anniversaire avec John, quelqu’un nous espionnait derrière une benne à ordure devant chez nous. Le lendemain matin, l’appart avait été saccagé, racontais-je.
— Je pense qu’il devrait s’excuser pour ce qu’il te fait subir.
— Tu ne vas pas recommencer avec ça ?
— Si, parce que ce n’est pas lui qui t’a ramassée à la petite cuillère la dernière fois. Je n’ai pas envie que ça recommence, tu mérites une vie plus tranquille, rétorque Stéph qui commence à s’énerver.
— Qui te dit que je ne mène pas une vie plus tranquille maintenant ?
— Ça se voit à ton visage, Nicole, il est très expressif. Depuis que tu t’es remise avec lui, tu es inquiète, sur les nerfs tout le temps, répond Stéph.
— Avec ce qui se passe en ce moment, c’est normal que je sois sur les nerfs. Tu ne crois pas ?
— Arrête de faire l’autruche, tu sais très bien de quoi je veux parler.
— Pourquoi tu fais ça ?
— Tu es mon amie, je te connais par cœur. Tu m’as aidé lorsque j’ai eu besoin de toi, alors maintenant je veux t’aider à mon tour, dit Stéph.
— Ce n’est pas la même chose. Tu avais des problèmes avec ta femme.
— Je pense que ton problème vient de là.
— Arrête de tourner autour du pot et explique-toi.
— Tout le monde sait que c’est le père de John qui t’a tiré dessus. Mark nous a raconté toute l’histoire, avoue Stéph.
— Et alors ?
— Es-tu sûre de ses sentiments pour toi ?
Le silence retombe quelques secondes.
— Il a toujours été sincère avec moi concernant ses sentiments.
— C’est ce qu’il t’a dit ?
— Oui, et c’est ce que je ressens. J’ai confiance en ses sentiments.
— Alors pourquoi il ne t’a jamais parlé de son passé ?
— Parce qu’il voulait nous protéger. Et maintenant, on arrête de parler de ça.
Peu après, je me gare devant la boutique.
— C’est là.
Il me regarde un court instant en silence.
— Tu veux que je fasse quoi ?
— Essaie de la faire parler puis tu places le micro. Tu t’y prends comme tu veux.
Il s’apprête à sortir de la voiture quand un homme passe devant nous et tourne à droite.
— Attends.
— Quoi ?
— Le type qui vient de prendre la rue à droite...
— Et alors ?
— C’est mon frère.
— Tu es sûre ?
— Regarde la photo.
— Je connais ton frère, mais… attends une minute.
Je n’attends pas la fin de sa phrase. Je sors de la voiture et commence à prendre la même direction que lui.
— Où tu vas ? me demande Stéphane, en me rattrapant.
— À ton avis ?
— Et si c’est un piège ?
— Ce n’est pas le moment d’y penser.
— Si, justement c’est le moment. Prends au moins cette oreillette.
Il me donne l’oreillette.
— Vas-y, lui dis-je.
— Tu fais attention.
Il me lâche le bras et part de son côté. Il fait le chemin inverse et entre dans la boutique.
~ POINT DE VUE STEPH ~
— Bonjour.
La jeune femme qui me tourne le dos se retourne. C’est Erika, elle a changé mais c’est bien elle. On se connaît depuis tellement longtemps que je ne peux pas me tromper. Alors certes, il y a presque 20 ans qu’on ne s’est pas vu ni même parlé mais je suis sûr de moi.
Je tourne et vire dans le magasin lorsqu’elle me demande :
— Je peux vous aider ?
— Ça dépend.
Je lui montre ma plaque que je pose sur le comptoir et attends de voir sa réaction.
— Ma collègue est venue dans votre boutique dans la semaine pour y acheter des perruques et depuis, nous n’avons plus de nouvelles, mentis-je.
— Qu’est-ce qui vous dit qu’elle est venue ici ?
— Elle a payé avec sa carte de crédit.
— Vous pouvez me la décrire parce que même si la carte a été passée ici, ça ne prouve pas que ce soit votre collègue qui soit venue.
— Elle est assez grande, brune, les yeux noisette en forme d’amande.
— C’est assez vague comme description.
Elle esquive mon regard à la perfection. Elle a peur de se trahir, que je la reconnaisse mais trop tard. Je sors alors une photo que j’avais sur mon téléphone portable et la lui montre.
— Vous voyez de qui je veux parler, maintenant ?
Je remarque que son regard a changé d’un coup en voyant la photo. Elle jette un rapide coup d’œil au rideau qui se situe à droite et appuie sur un bouton en dessous du comptoir.
— La mémoire te revient ?
Ouais, ça y est j’ai décidé de la tutoyer. Peut-être que ça la fera bouger
— Elle est venue dans la semaine, c’est vrai.
— Ça, je le sais déjà. Ce que je ne sais pas en revanche, c’est...
J’arrête ma phrase, car j’ai entendu un bruit derrière le rideau. J’y jette un œil de loin et regarde à nouveau Erika. Elle semble assez nerveuse, je devrais aller voir ce qui se passe derrière, d’autant plus que je n’ai pas la moindre nouvelle de Nicole. Je marche en direction de ce que j’ai entendu, mais Erika me prend mon arme de l’étui et me barre le passage.
— Je peux savoir ce qui te prend ?
— Si tu n’as pas de mandat, je t’interdis d’aller plus loin, me répond-elle, l’air apeurée.
— Ah tu tutoies maintenant ?
À cet instant, le rideau s’ouvre d’un coup sec.
~ POINT DE VUE NICOLE ~
— Tu te laisses marcher sur les pieds par une femme maintenant ? lui demandais-je.
— Tu sais que j’aime ça, surtout quand elles pointent mon arme sur moi.
Je me mets face à Erika, à côté de Stéph.
— Salut, Erika. Tu te souviens de moi maintenant ?
Elle ne répond pas, mais je vois très bien qu’elle hésite.
— Tu sais que tirer sur un agent des forces de l’ordre est puni par la loi ?
— Je suis au courant, merci.
— Alors pourquoi tu pointes une arme sur nous ?
— Ce n’est pas sur toi. Il veut détruire notre famille.
— … on est là pour protéger notre famille. Baisse ton arme, s’il te plaît.
— Arrête d’avancer. Je sais de quoi tu es capable, alors reste où tu es.
Malgré sa mise en garde, je continue à avancer.
— Euh, Nicole... commence Stéph.
— Je sais ce que je fais.
Je continue à la regarder dans les yeux.
— Qu’as-tu fait de mon mari ?
— C’était donc bien lui.
— Où est-il ? Je l’ai vu passer tout à l’heure.
— Je sais qu’il t’a appris à tirer pour te défendre, mais est-ce que tu l’as déjà fait ?
— Pourquoi tu veux savoir ça ? me répond-elle par une autre question.
— Parce que si tu avais déjà tiré sur quelqu’un, tu ne tremblerais pas comme ça.
Je continue à avancer et elle enlève la sécurité.
— Nicole, s’il te plaît, dit Stéph.
— Tu veux que ta fille grandisse sans sa mère ?
— Elle aura toujours son père.
— Si Chris l’attrape avant nous, elle n’aura plus personne. C’est ça que tu veux pour ta fille ? Tu le sais aussi bien que moi, un enfant a besoin de ses deux parents pour bien grandir. Baisse ton arme.
Elle tremble toujours un peu, mais elle semble vouloir baisser son arme. Je m’approche d’elle et tends la main pour qu’elle puisse me la donner. Il y a un nouveau bruit et prise de panique, elle tire. La balle vient se loger dans ma cuisse droite. Elle lâche l’arme et tente de s’enfuir, mais Stéph l’assomme et elle s’effondre par terre.
— Vas-y, je reste avec elle, dis-je.
Il récupère l’arme et va en direction du bruit que l’on a entendu. En attendant qu’il revienne, je me rapproche d’Erika qui est inconsciente et m’assois à côté d’elle. Mon téléphone sonne.
Ah bah tiens, il a toujours le chic pour appeler quand ça devient intéressant.
— Allô... dis-je.
— C’est moi. Comment ça se passe ? me demande mon père.
— Oh bah comme d’habitude tu sais, on a eu un tout petit imprévu.
— De quel genre ?
— Elle sait se servir d’une arme à feu et David était là. expliquais-je.
— Tu t’attendais à ce qu’elle te suive bien gentiment ? Elle a peur, c’est normal avec ce malade dans la nature. Il est avec toi ?
— Plus maintenant. Il m’a semée. dis-je.
— Mais tu n’as rien ?
— J’ai connu pire. Et John, ça va ? interrogeais-je.
— Il est réveillé, mais il a été amoché. Il a deux côtes fracturées et plusieurs ecchymoses sur le torse.
— On va essayer de faire au plus vite, mais…
Des bruits retentissent de nouveau dans la réserve.
— Stéph ?
Bien évidemment il ne répond pas.
— Papa, je te rappelle plus tard.
Je raccroche et me lève tant bien que mal. Je me dirige vers la réserve et appelle de nouveau Stéph, mais pas de réponse de sa part. En revanche, j’entends des voix derrière une pile de cartons. Je m’y glisse en jetant des coups d’œil de l’autre côté pour voir qui était là. Par chance, Stéph me fait face, mais est sacrément amoché lui aussi. J’essaie de lui faire comprendre que je peux l’aider avec le langage des signes, mais l’autre homme se retourne.
— David ?
Il reste bouche bée.
— Nicole ?
Je sors de derrière les cartons, mais il s’enfuit.
— Tu peux m’expliquer ?
— Je ne comprends rien. Pourquoi est-ce qu’il est parti comme ça ?
— En tout cas, il est aussi agile dans les combats.
Je le regarde de nouveau et il me dit :
— Il m’a cassé le nez.
Les nausées me reprennent et je vomis de nouveau.
— Ça va ?
— Oui, ça va.
C’est drôle parce que tout à coup, je vois des étoiles et je commence à tituber, puis je m’effondre par terre en emportant des cartons avec moi.
~ POINT DE VUE STEPH ~
Je pousse les cartons de part et d’autre pour rejoindre Nicole qui s’est fait ensevelir. Je ne sais pas pourquoi elle s’est mise à vomir tout d’un coup mais ça sent pas bon, et je ne parle pas de l’odeur de ce qu’elle vient de rendre.
— Nicole, réponds-moi.
Je lui donne des gifles pour la réveiller, mais rien n’y fait. Je trouve un morceau de tissu pour lui faire un pansement compressif. ‘Fin un compressif vite fait, le temps que je l’amène à l’hôpital. Je passe mes mains sous sa tête et sous ses jambes pour la soulever.
— Moi qui pensais que tu étais légère … dis-je.
Je passe devant Erika qui est toujours inconsciente et l’installe sur les sièges arrière du véhicule puis retourne dans le magasin.
Je réveille Erika et l’installe devant côté passager en l’attachant à la portière de la voiture.
— Pourquoi tu m’attaches ? demande-t-elle.
— Sérieux ? Tu poses vraiment la question ? Je vais avoir besoin de te poser des questions et il serait très dommage que tu prennes la fuite.
Je prends la route de l’hôpital et au bout de cinq minutes, je me gare de nouveau et entre dans le service des urgences.
— S’il vous plaît, j’aurais besoin d’un coup de main.
Oh génial, Marie est là. Je vais me faire tuer et ça ne sera même pas par Mark. Quoi que … à choisir, je préfère que ce soit elle plutôt que lui.
— Qu’est-ce qu’elle a ?
— Elle s’est pris une balle dans la cuisse et elle est tombée dans les pommes après avoir vomi.
— Pose-la sur le brancard, il faut que je regarde sa plaie.
Je fais ce qu’elle vient de me dire et elle examine la blessure.
— Ça ne m’a pas l’air trop grave. Je vais aller chercher un chirurgien et réserver un bloc. Tu restes avec elle et tu continues à appuyer sur la plaie.
— Attends, elle a vomi deux fois en l’espace de deux heures, c’est normal ?
Elle se retourne vers moi.
— Je vais voir avec le chirurgien.
Elle tourne dans le couloir quand Mark fait son apparition. Je lui tourne le dos volontairement en espérant qu’il ne m’est pas vu.
— Qu’est-ce que tu fais là ?
Je me fige sur place et me retourne lentement. Oh non, voilà ça y est, je suis définitivement mort.
— Tiens, Mark. Comment tu vas ?
— On ne répond pas à une question par une autre question.
— On a arrêté Erika. Elle est dans la voiture.
— Et tu n’as pas peur qu’elle s’enfuie ?
— Si tu voyais comment je l’ai attachée, y’a aucune chance.
— Pourquoi tu transpires autant alors ?
— Il fait chaud, ici, tu ne trouves pas ?
— Qu’est-ce que tu ne veux pas me dire ?
Il essaie de regarder qui est installé sur le brancard, mais je lui cache la vue.
Il me fixe de ses petits yeux bleus qui feraient flipper n’importe qui et continue à me poser des questions.
— Où est Nicole ?
— Ça, c’est une bonne question.
— Stéph, je te reposerai pas la question une troisième fois … où est ma fille ?
— Tu me promets que tu ne vas pas t’énerver ?
— Ça dépend de ta réponse.
Je me pousse du brancard.
— Elle s’est pris une balle dans la cuisse.
— Comment c’est arrivé ?
— Elle s’est mise entre Erika et moi et elle a tiré. J’ai vu Marie et elle dit que ce n’est pas trop grave.
Par chance pour moi, Marie arrive avec le chirurgien.
— Bonjour Mark.
— Bonjour. Qu’est-ce que tu vas lui faire ?
— Je vois qu’elle a un pansement compressif donc je vais lui retirer la balle et je lui ferais passer une échographie après.
— Pourquoi une échographie ? demande Mark.
— Apparemment, elle a vomi deux fois en l’espace de deux heures. C’est juste une vérification.
— D’accord.
— Marie viendra vous donner des nouvelles.
— Merci.
Il se tourne de nouveau vers moi. Ok, faut que je trouve un truc à dire avant qu’il ne me lance encore une fois son regard qui tue.
— Je sais que j’aurais dû te le dire avant, mais...
— J’espère pour toi que ce n’est pas trop grave.
J’esquisse un sourire en espérant que ma tentative de changement de sujet fonctionne.
— Dans quelle chambre est John ?
— Viens avec moi.
— Je vais appeler Laurent pour qu’il vienne chercher Erika et je te rejoins.
J’appelle Laurent sous le regard de Mark et lui dit de venir chercher Erika à l’hôpital. Dix minutes plus tard, elle était partie.
— Il est de mauvaise humeur, lançais-je.
— Avec ce que tu lui as sorti à la figure, c’est normal. Mais ne t’inquiète pas, ce n’est que le début.
Nous remontons et allons à la chambre de John, mais une infirmière est en train de lui faire des soins. Nous attendons donc qu’elle ait terminée. John nous voit attendre et nous fait signe d’entrer.
— Alors, comment tu vas ? demandais-je.
— Plutôt pas mal pour un gars qui s’est fait tabasser.
John nous regarde tour à tour et voit qu’on lui cache quelque chose.
— Qu’est-ce qui se passe ?
— Nicole doit passer au bloc.
— Qu’est-ce qu’elle a ?
— Elle s’est fait toucher à la cuisse. Le chirurgien est en train de l’opérer et ensuite elle doit faire une échographie.
— Pourquoi l’échographie ?
— Elle a vomi deux fois en l’espace de deux heures. Il veut juste vérifier que tout va bien.
Il repose sa tête sur l’oreiller et passe sa main sur son visage.
— Tout va bien ?
— Ouais ça va. J’ai un peu mal au crâne.
Le silence se pose jusqu’à ce que Marie entre dans la chambre.
— Le docteur Cruz a terminé. Vous pouvez aller la voir avant qu’elle ne fasse l’échographie. Elle est en salle de réveil.
— Je peux venir aussi ? interroge John.
— Je vais te chercher un fauteuil et tu pourras y aller.
— Je vais y aller à pied, c’est bon.
Il essaie de se lever seul, mais il grimace.
— Et tu veux te lever ? Si c’est pour que tu cries comme une fille tout le long, laisse tomber. Je vais te chercher un fauteuil.
Elle revient deux minutes plus tard et l’aide à s’installer dans le fauteuil. Elle nous fait passer devant pendant qu’elle pousse le fauteuil.
Elle nous accompagne dans la chambre.
— Son réveil s’est bien passé. Le médecin lui a prescrit des antidouleurs assez forts. Elle ne devrait plus tarder à se réveiller.
— Merci, Marie.
— Et au fait, n’essaie pas de te lever tout seul. Tu attends que quelqu’un vienne t’aider si tu ne veux pas avoir mal.
— J’ai compris la leçon, merci.
~ POINT DE VUE NICOLE ~
Je sens que je me réveille mais en même temps je n’ai pas envie d’ouvrir les yeux. En règle générale, après une anesthésie je dors pendant 3 jours et si en plus j’ai des anti-douleurs puissants …
Je ne sais pas depuis combien de temps je suis là mais j’entends des voix. J’ouvre petit à petit les yeux et découvre mon père, Stéph et John près de moi.
— Comment tu te sens ? me demande John.
— Un poil déchiré mais ça va. Et toi ?
— Si tu vas bien, alors moi aussi.
Je souris et me retourne vers Stéph.
— Et ton nez, ça va ?
— Je ne l’ai pas encore fait examiner.
— Si tu voyais ta tête t’aurai pas attendu. T’es gonflé et tu ressembles à un panda.
— Je te remercie pour le panda. Je voulais juste voir si tu allais bien.
— Comme tu vois, je pète la forme. Tu as pu tirer quelque chose d’Erika ?
— Je l’ai fait envoyer au bureau.
— La prochaine fois, je la prends par-derrière.
— Et moi, je te laisse ton frère.
John regarde Stéph comme s’il venait de dire une grossièreté.
— Je ne comprends pas trop votre délire là. Ton frère était là ?
— Ouais et il m’a foutu la rouste de ma vie avant de partir.
— Mais, vous êtes sûrs que c’était lui ?
— Oui. Nous l’avons reconnu et lui aussi.
— Alors pourquoi est-ce qu’il est parti ? demande mon père.
— Il a peur. Alex a gardé le contact avec lui, le jour où il l’a libéré. Il a dû le mettre au courant que son père s’était évadé, dis-je.
Marie entre dans la chambre, accompagnée d’un autre fauteuil roulant.
— Il faut que je t’emmène passer ton échographie.
— Avant qu’on y aille, il faut amener Stéph passer une radio pour son nez.
Marie s’attarde un moment sur Stéph.
— Vous avez fait quoi encore ?
— Une mission de routine mais la bagarre a eu raison de lui. Alors emmène-le passer une radio.
— Vous n’êtes pas possibles tous les trois sérieux. Bon viens avec moi, je vais voir avec le médecin pour te faire passer ton examen.
Elle vérifie que les freins du lit sont bien mis et m’aide à m’asseoir sur le bord du lit. John s’est levé de son fauteuil pour m’aider.
— Assieds-toi, lui dit Marie.
— Je peux venir ou pas ?
— C’est juste un contrôle.
John me fixe de ses yeux et je comprends ce qui l’inquiète. Moi aussi, cela me fait peur.
— Laisse-le venir s’il te plait, demandais-je à Marie.
Elle nous regarde tour à tour puis cède. John se lève une nouvelle fois de son fauteuil sous les protestations de sa sœur. Elle nous accompagne à l’examen et s’apprête à sortir quand je l’interpelle après avoir croisé le regard de John.
— Tu peux rester si tu veux.
L’examen ne dure pas plus d’une quinzaine de minutes et elle nous ramène dans la chambre que j’occupe.
— Tu veux que je te ramène quelque chose ? À manger ou à boire ?
— Non merci.
— Si tu as besoin de quelque chose, tu sonnes et quelqu’un viendra.
— OK, merci.
~ POINT DE VUE MARK ~
Je suis allé me chercher un café en attendant qu’ils reviennent de l’examen. J’espère qu’elle n’a rien de grave. Je vois Marie sortir de la chambre de ma fille quand j’arrive.
— Alors ?
— Tu devrais aller la voir directement.
— Vu la tête qu’elle a, je préférais savoir avant d’aller la voir.
Elle parait gênée, mais elle me répond.
— Félicitation.
— Pourquoi félicitation ?
Elle me donne une petite accolade avant de partir et je reste là comme un idiot dans le couloir avec mon café dans les mains.
Je reste un moment dans le couloir à essayer de comprendre puis je décide de rejoindre ma fille.
~ POINT DE VUE NICOLE ~
J’essaie de me redresser dans le lit au moment où mon père entre dans la chambre.
— Ça va ? Tu as une petite mine, me dit-il.
— Bah, disons que ça pourrait aller mieux.
— Qu’est-ce qu’a donné l’échographie ? me demande-t-il, anxieux.
Je sais qu’avec John on avait dit qu’on attendait les 3 mois pour leur annoncer la nouvelle, mais voir mon père dans cet état, c’est pas possible.
— Je … je suis enceinte.
— Quoi ?
Il nous regarde à tour de rôle, ne sachant pas si nous plaisantions ou non.
— Je suis enceinte … et ce n’est pas la seule bonne nouvelle.
— Ah bon ?
John fait le chiffre deux avec ses doigts. Mon père ne semble pas comprendre l’allusion.
— Deux ? C’est le nombre de mois, de semaines ?
— Ce sont des jumeaux. Il y a deux embryons.
— Deux... commence-t-il, avant de s’effondrer.
Je l’appelle, mais pas de réponse. John s’agenouille à ses côtés et tente de le réveiller mais il en vient au même résultat. J’attrape la sonnette et appuie sur le bouton rouge.
Marie arrive quelques minutes après. En voyant mon père étendu au sol, elle appelle l’infirmière qui arrive avec un brassard à tension.
— Qu’est-ce qui a causé la chute ? interroge l’infirmière.
— Ma grossesse.
— Tu m’étonnes qu’il soit tombé dans les pommes, dit Marie.
—12/7. La tension est bonne. Le pouls est régulier. On va le mettre en sécurité.
Mon père se réveille au bout de quelques minutes.
— Est-ce que vous savez où vous êtes ? lui demande l’infirmière.
— À l’hôpital.
— Est-ce que vous ressentez une douleur quelconque ?
— Non.
— Très bien, essayez de vous asseoir dans un premier temps.
Il s’exécute et s’assoit sur le fauteuil de la chambre.
— Comment vous vous sentez ? questionne l’infirmière.
— Ça va. C’est le contrecoup.
L’infirmière se relève et part.
— À tout à l’heure.
— Merci.
Marie sort de la chambre, nous laissant seuls.
— La prochaine fois que tu veux me tuer, vise bien entre les deux yeux. Mais ta blague était très bonne.
— Quelle blague ?
— Celle du bébé.
— Ce n’est pas une blague papa, il y en a bien deux. Regarde l’échographie, lui dis-je, en la lui donnant.
Il la regarde sous toutes les coutures et me fixe des yeux.
— Comment vous allez faire ? interroge-t-il.
— On a six mois pour s’organiser, papa. Ca va aller.
Une fois que mon père s’est remis de cette nouvelle, il sort de la chambre.
Je regarde John en souriant mais il semble mal à l’aise.
— Qu’est-ce qu’il y a ? lui demandais-je.
— Je sais que je t’ai fait souffrir avec mes mensonges pendant ces années, mais je n’ai jamais cessé de t’aimer. Et ça, c’est la seule chose sur laquelle je ne t’ai jamais menti.
Je me rehausse et l’embrasse.
— Je ne te comprends pas, me dit-il.
— De quoi ?
— On dirait que ce que je t’ai avoué sur mon passé ne te fait rien.
— Je ne dis pas que ça ne me fait rien, mais je commence à comprendre pourquoi tu m’as menti. Maintenant, je ne te dis pas non plus que tu es pardonné.
— Je ne te demande pas de me pardonner. Prends tout le temps qu’il te faudra.
— Et j’ai le sentiment que tu m’as dit la vérité sur ce que tu ressens pour moi... et j’espère que tu ne te moques pas de moi.
— Je te jure sur tout ce que j’ai de plus cher au monde que je ne t’ai jamais menti sur mes sentiments. Je t’aime depuis le jour où j’ai croisé ton regard et ça, personne ne pourra me faire dire le contraire.
Il met sa main sur ma joue et m’embrasse comme si sa vie en dépendait.
Après quelques minutes passées sous silence, il se lève du lit.
— Je vais demander à sortir, comme ça je pourrai te prendre des affaires.
— D’accord.
John sort et referme la porte. A travers la fenêtre de la chambre, je le vois aller au bureau où Marie est en train de remplir le dossier d’un patient. Il lui demande sa date de sortie.
~ POINT DE VUE JOHN ~
— J’ai parlé avec ton médecin et il veut encore te garder pour la nuit. Je pense que tu pourras sortir demain matin si tes examens sont bons.
— Merci.
— Dis, je peux te parler franchement ? me demande-t-elle.
— Bien sûr.
— Si j’étais toi, j’éviterais de trop lui raconter des choses qui peuvent l’énerver.
— Tu me parles de quoi ? demandais-je.
— De papa.
— Je … je lui ai déjà dit la vérité à propos de papa.
— Je l’avais remarqué à ton œil au beurre noir.
— Marie, mêle-toi de ce qui te regarde, s’il te plaît, lui dis-je.
— Je ne t’ai pas dit ça pour t’embêter, tu le sais. Nicole est une fille géniale. Il n’y a pas beaucoup de personnes qui peuvent gérer la situation dans laquelle tu l’as mise.
— Marie … tu ne sais pas de quoi tu parles.
— Bien sûr que si. Je la considère comme ma sœur depuis presque 20 ans et là tu vois, j’ai peur qu’elle fasse une bêtise.
— J’ai essayé de lui dire à plusieurs reprises tu sais … mais à chaque fois, je me suis retrouvé paralysé par la peur de la perdre, expliquais-je.
— Et tu croyais qu’en lui disant 17 ans après, ça changerait quelque chose ?
— Tu parles comme Mark.
— Je parle peut-être comme lui, mais c’est la vérité. Ouvre les yeux, me dit-elle, en parlant un peu plus fort.
Le docteur Cruz arrive à l’accueil.
— Dites, on vous entend jusqu’au bout du couloir.
Nous continuons à nous fixer dans le blanc des yeux. Je sais qu’elle a raison et je sais aussi que si je lui ai tout raconté maintenant c’est que j’y ai été forcé.
— Désolée, dit-elle.
— Si vous avez fini de vous disputer, j’aurais besoin de vos services pour une opération au bloc.
— J’ai terminé. J’espère que tu as compris ce que j’essaie de te faire comprendre sinon tu vas la perdre.
Je la regarde s’éloigner avec le docteur Cruz qui entame la discussion.
~ POINT DE VUE MARIE ~
— Dites-moi, vous ne parlez pas comme ça à tous vos patients ?
— Euh non, mais c’est mon frère.
— Ah, d’accord. II est là pour quoi ?
— Il a reçu des coups et a un trauma crânien.
— Vous vous disputiez pourquoi ?
— Ce sont des histoires de famille.
— Je vois que vous êtes inquiète.
— Désolé, mais je préfère ne pas en parler. C’est assez compliqué comme ça.
— Comme vous voulez.
Le docteur Cruz me sourit et nous entrons au bloc, une fois habillés.
~ POINT DE VUE NICOLE ~
Quand je me réveille le lendemain matin, il fait déjà jour. J’ignore qu’elle heure il est mais le plateau du petit déjeuner est déjà là.
Je souris quand je vois John toquer à la porte de la chambre.
— Coucou.
— Salut.
— Comment tu te sens ce matin ? me demande-t-il.
— À part les nausées matinales, ça va.
— Tu as quand même pu dormir, cette nuit ?
— Pas vraiment, mais ça va.
— J’ai vu Marie hier … je peux sortir aujourd’hui.
— C’est bien.
— Physiquement ouais mais moralement pas vraiment.
— Si c’est par rapport à ce que tu m’as dit, arrête de t’en vouloir. La bêtise est faite maintenant.
— Je sais, mais en te mentant, j’ai cru que je te protégerais, mais j’ai eu tort.
— Je crois qu’il vaudrait mieux arrêter d’en parler. Tu veux que je te punisse pour ce que tu as fait.
J’essaye de l’embrasser, mais il tourne la tête et se relève.
— Je vais y aller.
Il ouvre la porte et s’en va sans même me regarder. Il passe devant mon père et sa sœur dans le couloir, sans les voir.
Ils se regardent et chacun part dans une direction. Je vois Marie prendre celle de ma chambre.
— Je viens de voir John sortir de ta chambre, un peu énervé. Qu’est-ce qu’il a ?
— Il veut que je le punisse pour m’avoir caché son passé.
— Tu veux dire quoi par-là ?
— Je vous ai entendu vous disputer hier soir.
— Ah … et comment tu te sens ?
— Tu veux que j’aille comment ?
— Écoute, je sais que votre histoire ne me regarde pas, mais il est vraiment sincère.
— À quel moment il l’était le plus ? Quand il m’a dit qu’il voulait se venger de mon père en se servant de moi ?
— Je sais ce qu’il a fait et il le regrette au plus haut point. Je peux te jurer qu’il a beaucoup changé depuis qu’il est tombé amoureux de toi et ça, tu ne peux pas lui en vouloir.
— Il a quand même attendu dix-sept ans avant de tout me raconter.
— Ce n’est pas facile à dire ce genre de choses.
— Il aurait dû quand même essayer.
— Qui te dit qu’il ne l’a pas fait ?
Elle n’a pas tort. Peut-être qu’il a essayé de m’en parler et qu’il s’est ravisé par peur de ma réaction. Et vu comment j’ai pris la nouvelle, normal qu’il n’est rien dit avant.
— Donne-lui une autre chance.
— Ça, c’est entre lui et moi.
— Il est en train de réparer son erreur, alors …
— J’aimerais bien savoir comment il pourrait faire.
— Demande à ton père.
D’un coup, une douleur me vient au niveau du ventre. Je me plie en deux de douleur.
— Ça va ? me demande Marie.
— J’ai mal.
— Où ça ?
— Au ventre. Fais quelque chose.
— Reste tranquille, je bipe le docteur Cruz.
Il arrive quelques secondes plus tard.
— Qu’est-ce qu’elle a ?
— Douleur au bas du ventre.
— Appelez le docteur Ford pour une échographie en urgence.
Ils me sortent de la chambre avec le lit puis je tombe dans les pommes.
~ POINT DE VUE MARIE ~
— Qu’est-ce qu’elle a ?
— La douleur doit être trop forte.
Mark arrive au même moment.
— Qu’est-ce qui se passe ?
— Nous ne pouvons pas te répondre pour l’instant. Marie viendra te voir plus tard.
Ils m’emmènent passer l’échographie et me ramènent dans la chambre deux heures plus tard.
— Alors ? demande Mark, inquiet.
— Rien de grave. Elle a ressenti une grosse douleur au niveau du bas-ventre et elle s’est évanouie. On lui a fait passer une échographie en urgence pour voir d’où ça venait...
— Ça vient d’où ?
— Les embryons ont ressenti son stress et sa colère.
— Ça va avoir des répercussions ?
— D’après les échographies, non, mais elle va devoir rester tranquille et éviter de se stresser. Cette douleur n’était qu’un avertissement, mais elle risque de les perdre tous les deux, si elle ne fait pas attention.
— Elle a une grossesse à risque ?
— À la base, une grossesse gémellaire est toujours une grossesse à risque, mais avec ce qui va arriver et ses antécédents, elle l’est encore plus. Il faut qu’elle fasse très attention si elle veut les garder en bonne santé.
— Je veillerai à ce qu’elle soit bien entourée. Quand est-ce qu’elle pourra sortir ?
— Je pense d’ici une semaine.
— Je peux aller la voir ?
— Oui, mais fais attention.
— Merci Marie.
Je le laisse entrer dans la chambre pendant que j’ appelle mon frère pour le prévenir de la situation.
~ POINT DE VUE NICOLE ~
— Comment tu te sens ? demande mon père.
— À vrai dire, j’en sais rien.
— Écoute, je sais que ce qu’il a fait n’est pas facile à pardonner, mais il a ses raisons. À sa place, j’aurais fait la même chose.
— Peut-être.
— Poussin ... commence mon père.
— Papa, ce n’est pas ce qu’il a fait qui me fait du mal. C’est plutôt le fait qu’il n’ait pas respecté notre accord : jamais de mensonge entre nous. dis-je, énervée.
— Est-ce qu’il t’a dit pourquoi il ne t’avait rien dit ?
— Il a voulu se venger de ce que tu avais fait à son père en s’en prenant à moi.
— Et à ton avis, pourquoi il ne l’a jamais fait ?
— Il a dit que c’était à cause de moi.
— Non pas à cause de toi, grâce à toi, explique mon père.
— C’est quoi la différence ?
— Malgré toi, tu as réussi à le faire devenir meilleur que ce qu’il était. Tu l’as rendu plus fort et c’est cette force qui l’accompagne encore aujourd’hui.
— Et c’est pour ça que tu lui as demandé de faire quelque chose pour toi ? questionnais-je.
— Qui t’a dit ça ?
— Marie m’a dit de te demander ce que tu trafiquais avec lui, alors je le fais. Qu’est-ce que tu lui as demandé de faire ?
— Il m’a avoué vouloir réparer son erreur, alors je lui ai laissé une chance de pouvoir se rattraper, explique mon père, sans trop en dire.
— Qu’est-ce que tu lui as fait faire ?
— Il avait une occasion en or de s’infiltrer dans l’organisation de Chris. Ils ont le même passé avec Alex.
— Pour Alex, c’est lui qui s’est proposé, précisais-je.
— Imagine qu’il t’ait mené en bateau.
— Alors tu as décidé de l’envoyer à la mort … je devrais te remercier en fait, papa.
— Non pas à la mort. C’est la seule chance que nous ayons pour nous en débarrasser une bonne fois pour toutes.
— Alors c’était ça ton plan ? interrogeais-je.
— Il te l’a dit ?
— Il a juste survolé ce point.
Il vient s’asseoir dans le fauteuil situé à côté du lit quand Marie entre dans la chambre avec un plateau.
— C’est l’heure de manger.
— Merci, mais je n’ai pas faim.
— Juste un peu, s’il te plaît.
Elle s’apprête à partir quand je l’interpelle.
— Au fait Marie, ton docteur, il a quelqu’un dans la vie ?
— Je ne sais pas. Pourquoi ?
— Tu devrais tenter ta chance.
— Qu’est-ce qui te fait dire ça ?
— Quand il te regarde, on dirait qu’il te passe aux rayons X.
— Tu crois que je lui plais ?
— Sûre et certaine.
Le docteur Cruz frappe et entre dans la chambre.
— Rebonjour. Comment vous vous sentez ?
— Fatiguée, mais ça va.
— D’ici à ce que vous puissiez sortir, je voudrais que vous vous reposiez. Demain matin, le docteur Ford vous fera une échographie de contrôle afin de s’assurer que tout va bien.
— D’accord, merci.
À ce moment, John apparait derrière la vitrine de la chambre. Mon père sort aussitôt pour voir ce qu’il veut. Mais vu leur regard, ça doit être en rapport avec l’enquête en cours et ils ne me diront rien, pour me ménager.
~ POINT DE VUE MARK ~
— Il faut que je te parle, dit John.
— À propos de quoi ?
— Il m’a rappelé.
— Qu’est-ce qu’il veut ? demandais-je.
— Il m’attend.
— OK. Dès que tu peux, tu me préviens pour la suite.
— J’essaierai. Marie m’a appelé, comment va Nicole ?
— Elle est en colère, stressée et ça joue sur sa grossesse, expliquais-je.
— C’est à cause de ce que je lui ai dit ?
— Non, t’inquiète pas.
— Elle m’en veut encore ?
— Elle essaie de faire la part des choses.
Je la regarde à travers la vitre et après avoir répondu à mon sourire, ie continue avec Mark.
— Tu me téléphones si tu as du nouveau ?
— Ne te fais pas de soucis pour ça. Je m’occupe de ma fille, occupe-toi de ta mission.
Je me retourne une nouvelle fois vers Nicole et lui parle en langage des signes.
Elle me sourit et me répond de la même manière.
Je pars et Mark retourne dans la chambre.
~ POINT DE VUE NICOLE ~
Le docteur Cruz nous regarde à tour de rôle.
— Je vais vous laisser. Si vous avez besoin de quelque chose ou si vous avez des questions, vous pouvez me les poser.
Il sort de la chambre et en fermant la porte, il adresse un sourire à Marie.
— Maintenant, je dirais qu’il te fait du gringue.
— J’irai le voir si tu me promets quelque chose.
— Vas-y.
— J’aimerais que tu parles avec mon frère et que vous vous raccommodiez.
— Ah...
— Est-ce qu’il y a une chance pour que tu passes l’éponge ?
— L’éponge est passée, mais je veux qu’il comprenne que mentir comme ça, ça se fait pas.
— Merci, Nicole.
À cet instant, le bipe de Marie sonne.
— Ah, désolée, je dois y aller. J’ai une intervention au bloc.
— Bonne chance.
— Merci.
Tout à coup, une idée me vient. Je sais que John est allé retrouver Chris.
— On est d’accord que la voiture de John est équipée d’un GPS, même s’il a dit le contraire à l’autre folle ?
— Oui … qu’est-ce que tu comptes faire ?
— Bah au lieu de se casser la tête à essayer de retrouver Chris, tu ne crois pas que ce serait mieux si on suivait la voiture ? lui demandais-je.
— Appelle Stéph pour qu’il s’en occupe. Je vais y aller.
— Tu vas où ?
— Voir si je peux retrouver ton frère avant l’autre camp.
— Tu me tiens au courant ?
— Toi aussi.
Il vient m’embrasser et part. Je prends le téléphone et compose le numéro de Stéph. Je sais d’avance ce qu’il va me répondre mais bon, je vais tenter ma chance quand même.
— C’est moi.
— Tu tombes vraiment mal, Nicole. me dit Stéph.
— Il faut que tu me rendes un petit service.
— J’aime pas trop quand tu dis ça, en général ça sent pas bon, mais dis toujours.
— Tu peux aller dans mon bureau, prendre l’ordinateur et me l’amener ? demandais-je.
— J’aimerais bien, mais on a reçu l’ordre de ne pas sortir des bureaux.
— Pourquoi ?
— Laurent a déclaré que personne ne devait sortir tant qu’on n’avait pas de résultats. m’informe Stéph.
— Est-ce que tu aurais l’amabilité de me le passer, s’il te plaît ?
— Je ne pense pas qu’il t’accordera ce que tu demandes. Il n’a pas vraiment apprécié que je prenne ta défense.
— À propos de quoi ?
— Ta mutation.
— Oh, t’en fais pas. Je n’ai pas dit mon dernier mot à propos de ça. Il ne se débarrassera pas de moi comme ça. prévins-je.
— Oh ça, je te fais confiance.
Je l’entends marcher jusqu’au bureau de Laurent.
— Je peux te déranger ?
— Tu as du nouveau ?
— En fait, c’est Nicole qui voudrait te parler.
Je l’entends lui donne le téléphone mais ne l’entends pas repartir, il doit vouloir rester dans le bureau à écouter et à lui sauter dessus au cas où. Du grand Stéph, ça.
— Oui Nicole. Qu’est-ce qui t’arrive ? me demande Laurent.
— J’ai besoin de mon ordinateur pour vérifier une hypothèse sur l’affaire.
— Et tu voudrais que quelqu’un te l’amène ?
— Oui, mais apparemment personne ne peut sortir.
— C’est exact. Personne ne sort tant qu’on n’aura pas avancé, explique-t-il.
— Ah bah justement, si mon hypothèse s’avère être exacte, elle peut la faire avancer.
— Je ne veux pas que tu mettes ton nez dedans.
— Pourquoi ça ?
— Pour la simple et bonne raison que tu es trop impliquée dedans.
— Je mettrai mon nez dans n’importe quelle piste que je jugerai utile et je trouverai, même si je dois agir à l’encontre de tes ordres. John s’est mis dans la merde et je me dois de l’en sortir par n’importe quel moyen, prévins-je.
— Tu sembles oublier à qui tu t’adresses.
— C’est mon coéquipier, je dois l’aider.
— C’est aussi ton fiancé.
— Écoute, j’ai appris à différencier ma vie privée et ma vie professionnelle. Dans le boulot, c’est mon équipier et je veux l’aider. dis-je.
— Et étant ton supérieur, je t’ordonne de mettre cette affaire de côté.
— Je n’écouterai pas et tu le sais très bien.
— Ce n’est pas la peine de faire ta tête de mule, je ne reviendrai pas sur ma décision.
— Moi non plus.
— Bon, écoute, si tu n’exécutes pas mes ordres, je te relève de tes fonctions, ordonne Laurent.
À peine a-t-il fini sa phrase qu’il raccroche.
~ POINT DE VUE STEPHANE ~
— À toi maintenant. Si tu la mets au courant de quelque chose, tu es viré. C’est compris ? prévient Laurent.
— Pourquoi tu veux la suspendre ?
— J’ai mes raisons.
— Je ne comprends pas tes réactions depuis le début de cette enquête. C’est normal qu’elle veuille savoir la vérité et qu’elle veuille nous aider. C’est important pour elle, dis-je.
— Je ne veux pas qu’elle s’en mêle. Je n’ai pas besoin de me justifier devant toi.
Je le regarde avec un air bizarre.
— Est-ce que tu as un rapport quelconque avec cette affaire ? demandais-je.
— N’oublie pas à qui tu t’adresses.
Je le regarde une dernière fois et sort du bureau.
— Si tu vas chercher cet ordinateur, tu es viré.
— Si tu crois que ta menace me fait peur, tu te trompes.
Je continue ma route.
— Je préfère privilégier ma famille plutôt que ma place. Je sais où se trouvent mes priorités.
Je vais dans mon bureau, prends l’ordinateur, et j’en ressors quelques secondes plus tard.
Un quart d’heure après, j’arrive dans la chambre de Nicole.
— Tu as mon avenir dans la police entre tes mains.
— Bonjour à toi aussi.
— Excuse-moi. Comment tu vas ? lui demandais-je en la serrant dans mes bras.
Je l’embrasse sur la joue.
— Plutôt bien.
— Et John ?
— Je ne sais pas.
— Il n’est pas venu te voir ?
— Il est venu, mais il a dû partir.
— Ah. Et la bassine ? T’es malade ?
Elle regarde la bassine avant de me répondre.
— Nausées, et je vais en avoir pour un petit moment.
Mon expression faciale vient de changer radicalement. Je viens de comprendre et cette nouvelle ne m’enchante guère.
— Félicitation, lui dis-je, en me forçant à sourire.
— Merci.
Je la serre dans ses bras, mais je sais qu’elle sent bien que je ne suis pas si content que ça, que je me force.
— Pourquoi tu voulais l’ordinateur ?
— Le GPS.
— Il a dit qu’il l’avait fait retirer.
— Je ne pense pas. Mon père est d’accord avec moi.
— Si Mark le dit.
Elle me regarde et me demande :
— Qu’est-ce que tu as ?
— Ton père est très impressionnant. Je me rappelle encore le jour où on lui a dit pour nous et j’en ai un très mauvais souvenir.
— C’est du passé.
— Peut-être, mais son regard est toujours le même.
Mon ton de voix est devenu sec et je sais qu’elle ne comprend pas pourquoi.
— Tu crois pouvoir les localiser ? lui demandais-je.
— Eux, peut-être pas, mais la voiture oui.
— Si tu veux, je te mets au courant de ce qui se passe au bureau.
— Si tu te fais prendre, tu risques une enquête interne. Je ne veux pas que tu risques ta place pour moi, prévint-elle.
— De toute façon, je l’ai déjà mise en danger, ma place. Alors un peu plus ou un peu moins, ça ne changera rien.
— OK. Autant que je te mette au courant de tout moi aussi. John et Alex ont infiltré le camp adverse et quand il est venu tout à l’heure, John en a discuté avec mon père. Apparemment, il avait rendez-vous dans la planque de Chris. Mon père lui a demandé de le tenir au courant. C’est pour ça que je voulais que tu ramènes l’ordinateur. Si on retrouve la voiture, on retrouve... expliqua-t-elle.
—...les autres. Bon plan.
— Maintenant que tu sais dans quoi tu t’embarques, je veux que tu fasses attention.
— T’inquiète pas, je prendrai les risques qu’il faut pour t’aider, lui dis-je.
— J’ai vraiment de la chance de t’avoir comme ami, me dit-elle alors que je pars.
Je sors de l’hôpital et retourne dans ma voiture. Je suis désemparé, les yeux rouges.
Je suis tellement en colère que je donne un coup sur le volant. Comment ai-je pu merder à ce point ?
Annotations
Versions