Chapitre 11

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~ POINT DE VUE MATT ~

Tout le monde autour de nous parle de cette nouvelle quand Stéph montre le bout de son nez.

— Mark est encore là ? questionne-t-il.

— Il vient de partir, lui répond Greg.

— Je crois que j’ai trouvé notre inconnu.

— C’est Laurent.

— Mark est au courant ?

— Oh oui. C’est pour ça qu’il est sorti.

— Matt, tu me traces son téléphone portable et tu m’indiques sa position.

Stéph me regarde droit dans les yeux.

— D’accord, je m’y mets.

Stéph attend que j’ai fini de parler et sort à son tour. Je le vois remonter dans sa voiture et prendre la route. Quelques minutes plus tard, j’appelle Stéph.

— Allô.

— Je sais où il se trouve.

— L’adresse ?

—32, avenue Marchand, à Marseille.

Il raccroche et appuie sur l’accélérateur.

— J’espère qu’il va arriver à temps, lançais-je.

Je me lève de ma chaise et retourne dans le bureau de Stéph pour y éteindre l’ordinateur. Quand j’arrive devant, je retombe nez à nez avec la photo que j’ai trouvée dans un des tiroirs. Je la prends et la regarde de plus près pendant un instant puis éteins l’ordinateur. Je sors du bureau avec la photo à la main. J’hésite un court instant puis je vais voir Greg.

— Dis-moi, tu le connais depuis longtemps Camelin ?

— Depuis que je suis entré ici pour mon stage, en même temps que toi.

— Tu sais, toi, s’il y a eu quelque chose entre lui et Bernard ?

— Je n’en ai aucune idée. Tout ce que je sais c’est qu’elle était déjà avec Matthews quand elle a pris son poste ici.

— Mais tu n’as jamais surpris des gestes, des regards ou autres qui pourraient y faire penser ?

— Pourquoi tu me demandes ça ?

— Peut-être que je me fais des films, mais il réagit bizarrement depuis qu’il sait qu’elle est enceinte. Il s’est disputé avec elle et...

— Tu sais ce qui en est la cause ?

— Elle m’a dit que c’était personnel. Mais j’ai trouvé ça, dans son bureau.

Je lui montre la photo.

— Tu as fouillé dans son bureau ? questionne Greg.

— J’avais besoin de son mot de passe pour utiliser le logiciel.

Il pose son regard sur la photo.

— Cette photo n’a rien de suspect. Ils se connaissent depuis longtemps, et alors ?

Je me rends compte qu’il y a écrit quelque chose derrière.

— Est-ce que tu écrirais des mots doux à une autre personne que celle que tu aimes ?

Greg s’apprête à me dire quelque chose, mais je lui montre le dos de la photo. Il la retourne et lit.

« À toi pour toujours,

Comme au premier jour »

Il me regarde et ajoute :

— Tu crois qu’il est toujours amoureux d’elle ?

— Bah, on n’oublie jamais le premier amour, lui répondis-je.

— Si j’étais toi, je laisserais tomber. C’est trop gros comme secret, ça. Qu’est-ce que tu vas faire ?

— Je vais aller voir Bernard, lui répondis-je.

Je retourne à mon bureau pour y prendre ma veste et part. Dehors, la pluie s’est enfin arrêtée, mais le ciel est toujours couvert. Sur la route que j’emprunte pour rejoindre l’hôpital, les feux passent au rouge à chaque fois que je m’en approche.

~ POINT DE VUE NICOLE ~

L’infirmière est passée faire un tour dans ma chambre pour vérifier que tout allait bien.

— Dites-moi, le docteur Ford est toujours là, à cette heure ? lui demandais-je.

— Vous avez un souci ?

— C’est juste que c’est ma première grossesse et j’ai beaucoup de questions à lui poser.

Elle regarde sa montre et me répond.

— À cette heure-ci, il a fini, mais je lui laisserai un mot et il viendra vous voir dès qu’il aura le temps.

— Merci.

— Vous savez, vous n’êtes pas la première femme qui a peur lors de sa première grossesse. Mais le docteur Ford est le meilleur de l’hôpital, vous ne risquez rien avec lui, tant que vous suivez ses conseils à la lettre.

À cet instant, Matt frappe à la porte et l’ouvre.

— Je ne vous dérange pas ? demande-t-il.

— J’allais partir de toute façon.

Matt attend que l’infirmière sorte.

— Alors, qu’est-ce qui me vaut l’honneur de ta visite tardive ? questionnais-je.

— Je voulais prendre de vos nouvelles.

— Comme tu vois, je vais bien. Je suis enfermée dans une chambre d’hôpital, mais tout va très bien. Maintenant, tu vas pouvoir me donner la vraie raison.

— Comment vous faites ça ? demande Matt, un peu déconcerté.

— Comment je fais quoi ?

— Entrer dans ma tête.

— Les années d’expérience, trois ans de psychologie et la formation de mon père. dis-je.

— Vous pourriez me donner quelques conseils ?

— Dès que tu m’auras dit pourquoi tu viens si tard.

Avant de s’asseoir, il sort une photo de sa poche et me la donne.

— Où est-ce que tu as trouvé ça ? lui demandais-je.

— Dans … un tiroir du bureau de Camelin.

Avant même que je pose la question, il me donne la réponse.

— Je devais utiliser un logiciel et il n’était que sur son ordinateur. J’ai fouillé un peu partout pour trouver son mot de passe et je suis tombé sur cette photo.

— Pourquoi tu me l’as apportée ?

—… parce que j’ai remarqué qu’il y avait écrit quelque chose derrière et j’ai fait le rapprochement avec ce qui s’est passé la fois où vous nous avez dit que vous étiez enceinte et votre dispute avec lui.

— Et tu en as conclu quoi ?

— Que vous… avez eu une histoire ensemble et qu’il… est toujours amoureux de vous.

Ok il est un peu trop futé là. On l’a peut-être un peu trop bien formé. Je fais un signe de tête et il continue.

— Je sais que ça ne me regarde pas, mais… qu’est-ce qui s’est passé ?

— Le passé, c’est le passé et ce n’est pas très bon de le remuer.

— Je comprends, mais imaginez qu’il se soit mis en tête de vous récupérer.

— Tu ne le connais pas comme je le connais.

Il me regarde avec un air suppliant.

— C’est vrai que nous avons un passé en commun, mais…

— J’en étais sûr ! me coupe Matt, content de lui.

Je sens qu’il va se faire des films alors autant lui dire la vérité.

—… nous n’avons pas su remonter la pente après mon avortement.

— Vous… commence Matt.

Je vais me lancer dans les explications mais sans trop en donner non plus. Ca fait partie du passé et ça doit le rester.

~ POINT DE VUE MARK ~

Me voilà enfin arrivé chez Laurent, mais comme on aurait pu s’en douter, il n’est pas là. Seule la mère de John est présente. Au fur et à mesure de la discussion je me rends bien compte qu’elle n’est au courant de rien. Au moins il a fait les choses bien pour une fois, elle ne sera pas impliquée.

~ POINT DE VUE STEPH ~

Quand j’arrive au domicile de la mère de John, je vois la voiture de Mark garée dans l’allée. J’arrête la mienne devant le portail qui est resté ouvert, prends mon arme qui est posée sur le siège à côté de moi et sors de la voiture. J’espère pour Laurent qu’il n’est pas ici, sinon j’arrive trop tard.

J’avance à pas croisés jusqu’à la porte d’entrée, jette un œil aux fenêtres de chaque côté de la porte. Tout est calme, je décide de tourner le verrou de la porte et l’ouvre. J’entre, vérifie toutes les pièces et je vais voir dans la cuisine.

Je vois Mark assis sur une chaise autour d’une table avec la mère de John.

— Qu’est-ce que tu fais ici ? me demande Mark.

— Il m’a semblé que...

— … j’allais faire une connerie.

— À vrai dire, c’était l’explication la plus plausible au vu de la situation actuelle, lui dis-je, en baissant mon arme.

— Tu me connais mal.

— Non, bien au contraire.

Je range mon arme dans son étui et m’avance vers eux.

— Tout le monde s’inquiète et toi, tu bois un café ?

— Ça te pose un problème ? questionne Mark.

— On a beaucoup de travail et tu prends du bon temps.

— Je n’en ai pas l’air mais figure-toi que je travaille. Avant que tu n’arrives, nous parlions de Laurent.

— Ah...

La mère de John me regarde, elle a l’air triste.

— Vous voulez un café ? me demande-t-elle.

— Je veux bien, merci.

Je tire une chaise et m’y assois.

— Vous étiez en train de parler de l’enquête ?

— Oui, me répond la mère de John en me servant le café.

— Julie me disait que Laurent était parti avec un sac rempli de vêtements.

— Il ne compte pas revenir, mais ça, on s’en doutait un peu, dis-je.

— Il ne t’a pas dit où il allait ? lui demande Mark.

— Il ne parle jamais du boulot quand il passe la porte, c’est la règle. Mais là, il était très agité.

— Agité dans quel sens ? questionnais-je.

— Comme un enfant. Mais je pensais qu’il devait partir pour le boulot, qu’il était sous couverture.

Mark boit une gorgée de café et ajoute quelque chose qui ne va pas lui plaire.

— En fait, il y a une chose que je ne t’ai pas dite.

— Il y a un problème avec Laurent ?

— C’est lui, le problème.

— Comment ça ? demande-t-elle.

— On a découvert que Chris avait un complice qui lui fournissait des informations confidentielles.

Le faciès de Julie se tend en l’espace de quelques secondes.

— Il … il n’a pas fait ça ?

— J’ai bien peur que si, lui répondis-je.

— Vous savez depuis quand il travaille pour lui ? questionne Julie, en nous regardant tous les deux.

— Demain matin, on aura accès aux vidéos des Beaumettes et on pourra te répondre. Mais je pense que ça fait pas mal de temps déjà, lui dit Mark.

— Comment ai-je fait pour ne rien remarquer ? demande-t-elle.

— Ce n’est pas de ta faute. Il sait très bien se mettre dans la peau du personnage.

— Ça fait quand même quatorze ans qu’on est ensemble. Il y a des choses qu’on sent et je n’ai rien vu.

— Dans un couple, on ne peut pas tout voir tant que l’autre ne le veut pas. Tu n’as rien à te reprocher, lui dit Mark.

— Et… est-ce que mon fils est au courant ?

— Nous ne le savons pas, lui répondis-je.

— Pendant très longtemps et encore maintenant après la mort de son père, je prie pour qu’il ne retourne pas du mauvais côté. Plusieurs fois, je suis allée le chercher au poste parce qu’il avait fait des bêtises et je lui en ai voulu, mais depuis qu’il est avec Nicole, il a changé. Je suis très fière de mon fils.

Mark sourit et je fronce les sourcils. On ne peut pas changer à ce point. Personne ne peut … surtout avec ses antécédents.

— Quand il m’a dit qu’il allait être père à son tour, j’ai vu le même regard que Matthias m’avait fait lorsque je lui ai annoncé ma grossesse. J’en suis très contente pour lui, c’est une nouvelle étape dans sa vie. Puis, il m’a raconté ce qui se passait au bureau, qu’il devait s’absenter pendant quelque temps pour une affaire, mais il n’a pas pu m’en dire plus sauf que je ne devais pas essayer de le contacter.

— On est au courant, lui dit Mark.

— J’espère de tout cœur que Laurent ne va pas croiser le chemin de John parce que ça ne sera pas beau à voir. Je ne veux pas qu’il aille en prison parce que j’ai commis l’erreur de le laisser entrer dans ma vie et dans celle de mes enfants.

— Ne t’en fais pas. Il sait ce qu’il fait et il a toujours un coup d’avance.

— Vous auriez une idée d’où il pourrait être ? lui demandais-je.

— J’ai quelques adresses qui pourraient vous aider, mais ça m’étonnerait qu’il y soit.

Elle se lève, prend une feuille de papier ainsi qu’un stylo et écrit les adresses où elle pense que Laurent est puis elle donne la feuille à Mark.

— Tu as l’autorisation d’en faire ce que tu veux, lance Julie à Mark.

Ouais bon, si on arrive à mettre la main dessus avant qu’il ne soit trop tard.

Nous restons encore une demi-heure puis nous partons. Nous prenons chacun notre voiture et nous nous rejoignons devant le commissariat. Nous entrons chacun notre tour et allons dans le bureau de Laurent sous les regards des collègues.

— Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? questionnais-je.

— On va essayer de localiser ces adresses et on va envoyer des équipes sur place en espérant qu’il y soit.

— Je vais m’en occuper tout de suite. Tu devrais y aller.

— Tu veux toutes les faire ? me demande Mark.

— Je suis de garde, alors ça ne me dérange pas.

Mark me tend la feuille de papier qui contient les adresses et ressort du commissariat.

Je vais à mon bureau et commence à traiter une par une les adresses données par Julie.

~ POINT DE VUE MARK ~

Avant d’arriver à l’hôpital, je me suis arrêté devant une pizzeria puis reprend la route. Je sais que Nicole adore ça. Être tous les deux avec une bonne pizza bien grasse. Sa préférée : Chèvre Miel.

Alors je sais que c’est une grande sportive et qu’elle est censée faire attention à ce qu’elle mange mais elle ne s’est jamais privée de manger ce qu’elle voulait.

~ POINT DE VUE NICOLE ~

Suite à mes explications, Matt semble mieux comprendre la situation. Il veut reprendre la photo, mais je ne la lui rends pas.

— Commandant, si je ne remets pas cette photo à sa place, il va s’apercevoir que j’ai fouillé et je tiens à ma tête.

— Ne t’en fais pas. Il ne te touchera pas.

À cet instant, Éric ouvre la porte et mon père entre, suivi d’Éric.

— Qu’est-ce que tu fais là ? demande mon père à Matt.

— J’étais venu prendre des nouvelles. Je vais vous laisser, maintenant.

— Tu ne veux pas rester manger avec nous ? lui demandais-je.

— Je ne voudrais pas vous déranger en famille.

— Mais non, tu ne déranges pas. Pas vrai, papa ?

— Tu aimes le chèvre - miel ? interroge mon père, en lui proposant une part.

— J’adore.

Il prend sa part et commence à manger avec nous.

— Alors poussin. Comment s’est passée ta journée ?

— Plutôt pas mal. Pierre est passé ce matin et Éric a servi de cobaye pendant toute la journée. Puis, je me suis disputée avec Stéph.

— À quel sujet ?

— Bordeaux et mon utérus.

— Il est toujours là-dessus ?

— Toujours.

— J’irai lui parler.

Oui bien sûr tu vas lui parler. Je te connais par cœur et là le verbe « parler » n’est pas utilisé de la bonne manière.

— Papa, juste parler avec la bouche, pas avec les poings.

— Parole de scout, me dit-il avec le langage des signes.

Tout le monde rigole. Éric et Matt partent en fin de soirée après avoir bien mangé.

— Je suis passée à la maternité cette après-midi.

— Ça s’est bien passé ?

— Super bien. La sage-femme a répondu à toutes mes questions. Elle m’a montré plein de choses, c’était vraiment bien. Je me languis que ce soit mon tour.

— Je m’en doute, mais profite de ta grossesse aussi.

— T’inquiète pas papa, je sais que c’est peut-être la seule et unique chance que j’aurai d’avoir des enfants. Je vais en profiter un maximum même si John n’est pas là.

Je me redresse dans le lit.

— Au fait, tu pourras passer à la maison pour me reprendre des vêtements et quelques bricoles ?

— Tu me fais la liste et je te les amènerai demain soir.

— C’est déjà fait, lui dis-je, en lui remettant la feuille.

— Tu as vraiment besoin de tout ça ? demande-t-il, après avoir parcouru la liste des yeux.

— Oui. Et il faudrait que tu prennes le chat, aussi.

— Il est déjà à la maison. En le voyant, je me suis demandé comment il faisait pour rester en vie, tout ce temps.

— Il n’est pas si vieux que ça. Puis, il mange bien, il bouge beaucoup.

— Il a quand même quinze ans...

— Ça prouve une fois de plus que je m’en occupe bien.

Nous rigolons encore quelques minutes puis j’éteins la lumière et mon père tire les rideaux. La nuit commence pour nous. J’espère que tout va bien pour John et Alex. Je m’en voudrais à mort si jamais il devait leur arriver quelque chose.

~ POINT DE VUE JOHN ~

J’ai rejoint Alex à la planque après avoir quitté l’hôpital.

— Qu’est-ce qu’il y a ? questionnais-je.

— J’ai reçu un appel, il y a un quart d’heure. Il se pourrait que notre couverture soit compromise.

— Comment ça ? demandais-je, étonné.

— Il y a une taupe qui travaille avec nous et pour mon père.

— Tu sais qui c’est ?

— Malheureusement, non.

— On a peut-être encore une chance, dans ce cas. Si on arrive à le trouver avant qu’il nous trouve, on pourra sauver notre peau.

— Le problème, c’est qu’on n’a aucune piste, lance Alex.

— Tu sais te servir d’un ordinateur ?

— Oui.

— Tu sais entrer dans un système sans te faire choper ?

— Ça dépend. Tu veux que j’entre dans lequel ?

— Les Beaumettes. Ton père a forcément dû le voir plusieurs fois en dix-sept ans.

— Les Beaumettes ont un système de sécurité beaucoup trop dur à craquer...

— On n’a pas vraiment le choix et le temps d’attendre qu’ils viennent nous descendre.

— Je vais essayer, mais je ne te garantis pas le résultat.

Alex part prendre son ordinateur et commence à travailler. Le système de sécurité des Beaumettes est vraiment très difficile à contourner, mais il y parvient au bout de plusieurs tentatives. Les premiers résultats se font sentir au petit matin.

— Je suis entré dans le système, mais je ne sais pas combien de temps ça va tenir.

— C’est déjà mieux que rien, lui répondis-je, assis sur le canapé et n’ayant pas fermé l’œil de la nuit. Je me lève et vais rejoindre Alex dans la salle à manger. Je tire une chaise et m’y assois.

— Il faut trouver les vidéos des parloirs avec ton père.

Alex met une bonne heure à trouver ces vidéos et nous commençons à les regarder en buvant un café bien noir et bien serré. Durant les premières images, nous ne voyons rien d’étrange. Entre les visites de son avocat et celles d’Alex, rien ne cloche. Puis apparait une troisième personne, mais nous ne voyons pas son visage.

Le portable d’Alex se met à sonner et nous sursautons tous les deux.

— Oui.

— Appelle John et venez à la planque d’ici une demi-heure.

— Ca va, on arrive.

Il raccroche et pose son téléphone sur la table.

— C’était mon père, il veut qu’on aille au QG dans une demi-heure.

— Il t’a dit quoi ?

— Jamais au téléphone. Une fois là-bas, on saura pourquoi.

Alex lance un regard au logiciel de reconnaissance faciale pour identifier la personne qui est venue rendre visite à Chris puis nous partons en laissant l’ordinateur allumé.

Nous allons à notre voiture et prenons la route du QG. Le trajet dure une bonne demi-heure.

~ POINT DE VUE NICOLE ~

Mon père s’apprête à sortir quand le docteur entre.

L’infirmière a, me semble-t-il, parlé au docteur Ford car il est de bonne heure dans ma chambre.

— Y a un problème ? questionne mon père.

— Pas que je sache, lui répond le doc.

— Je lui ai demandé de passer. J’ai des questions à lui poser.

Mon père vient m’embrasser puis rejoint sa voiture.

Une fois mes questions posées, il sort de la chambre. Après que la porte soit fermée, je le vois aller parler à Éric. Une fois la discussion terminée, je vois le docteur Ford faire un geste ambigu vers Éric, qui lui répond avec un regard et un sourire. Vous savez le genre de regard que l’on offre à son amoureux. Alors là, j’ai dû manquer un épisode.

Quand Éric se retourne, je fais celle qui n’a rien vu, mais je n’en pense pas moins. Bande de petits cachotiers.

~ POINT DE VUE MARK ~

Après ma nuit à veiller sur ma fille, je suis repassé chez moi pour prendre une bonne douche, me changer et donner à manger au chat. La maison est bien vide sans ma femme, bien trop silencieuse.

Après m’être préparé, je vais au commissariat pour voir ce que Stéph a trouvé, en espérant qu’il est trouvé quelque chose.

Lorsque j’entre dans la pièce principale, tout le monde est là et travaille déjà. Je vais voir Matt qui s’apprête à sortir.

— Je vais aux Beaumettes chercher les vidéos des parloirs. J’en ai au moins pour une heure, me dit-il.

— OK. Stéph est déjà parti ?

— Il vous attend dans son bureau.

Matt met sa veste, prend le fax du procureur et rejoint sa voiture. Je prends un café et va dans le bureau de Stéph. J’ouvre la porte, entre et le vois étendu sur sa chaise, les pieds sur son bureau.

Je claque la porte d’un coup sec et il sursaute tellement fort qu’il tombe par-dessus sa chaise. Imaginez-vous le spectacle.

— Je ne t’ai pas réveillé, au moins ? lui demandais-je, ironiquement.

— Pas du tout. J’aime faire une journée complète et ne dormir que cinq minutes.

Il se relève tant bien que mal, se rassoit sur sa chaise et se passe les mains sur le visage pour se tenir éveillé.

Ah, enchaîner les gardes, qu’est-ce que ça ne me manque pas.

— Tu as pu obtenir quelque chose ?

— Encore heureux. J’ai localisé toutes les adresses, trouvé des informations sur tous ces endroits.

— Quoi, comme infos ?

Stéph sort toutes les feuilles qu’il a imprimées et me les montre toutes, une par une.

— Bon, peut-être que comme ça, tu ne remarques rien, mais il y a un lien entre toutes ces adresses.

— Lequel ? questionnais-je, en buvant mon café.

Stéph assemble toutes les feuilles comme pour faire un puzzle. Toutes ces adresses se rejoignent entre elles et en forment une nouvelle en son centre. Il sort alors une carte routière et me la montre.

— Tu as passé toute la nuit à me pondre ça ?

— Tu sais combien de temps ça m’a pris pour penser à faire ça ? J’ai essayé plusieurs techniques avant d’arriver à ce résultat.

— Tu as l’air un peu tendu. Et au fait, il faudrait qu’on parle un peu, tous les deux, lui dis-je.

— De quoi ?

— Nicole m’a dit que vous vous étiez disputés.

— Et alors ? Ça arrive à tout le monde.

— Oh, bien sûr que ça arrive, mais pas pour les raisons qu’elle m’a exposées.

— Qu’est-ce qu’elle t’a raconté encore ?

— Je ne sais pas exactement ce qui s’est passé entre vous, à Bordeaux, mais ça doit être assez important pour que tu sois comme ça maintenant.

— Tu ne sais pas ce qui s’est passé là-bas parce que ça ne te concerne pas.

— Mais si tu mets la santé de ma fille en danger, je te préviens que tu vas en baver.

Stéph sourit, comme pour me provoquer.

— Tu sais, j’ai promis à Nicole que je te parlerai avec la bouche et pas avec les mains, mais si tu me cherches, tu vas me trouver.

Je prends la carte ainsi que les feuilles et sors du bureau. Je vais dans le mien et ferme la porte. Stéph rejoint sa voiture et rentre chez lui pour se reposer. Je prends mon téléphone et appelle le chef des équipes d’intervention.

— Lee, j’écoute.

— Bonjour Lee, c’est Mark.

— Qu’est-ce que je peux faire pour toi ? demande Lee.

— Voilà, mon équipe et moi sommes sur une enquête assez particulière et j’aurais besoin de plusieurs de tes équipes.

— Ça va dépendre de combien tu en as besoin. En ce moment, on est en sous-effectif.

— J’ai cinq adresses à vérifier, informais-je.

— Ça va le faire. Je te les envoie au poste.

— Je te remercie, lui dis-je.

— Tu travailles sur l’affaire Cook ?

— Oui. Mon équipe avait très bien commencé, mais ils n’ont jamais eu une affaire comme celle-là.

— Je suis sûr que ça se passera bien. Ils sont sous tes ordres et entre de bonnes mains, affirme Lee, confiant.

— Le devoir m’appelle. Je te dis à bientôt et encore merci.

— Au plaisir.

Je souris puis raccroche. J’ai toujours aimé travailler avec Lee, c’est un bon gars. Je rassemble toutes les feuilles et la carte puis vais dans la salle de réunion. Je scotche les feuilles et la carte sur le tableau puis je prends un gros feutre rouge et repasse les traits que Stéph a fait au stylo. Je vais ensuite dans la pièce centrale et parle aux collègues.

— Votre attention, s’il vous plaît.

Tout le monde lève la tête et arrête de faire ce qu’il fait.

— J’ai besoin de savoir qui parmi vous a l’habitude d’aller sur le terrain ?

Quelques mains se lèvent.

— Très bien. Ceux qui ont levé la main, vous venez avec moi dans la salle de réunion. Les autres, vous continuez à bosser.

Je les envoie dans la salle de réunion et je les rejoins quelques instants plus tard, avec les équipes d’intervention qui viennent d’arriver.

— Les gars, voici le S.W.A.T, avec lequel vous allez travailler.

Tout le monde se salue et ils attendent les directives.

— Pour ceux qui ne le savent pas, nous avons débusqué une taupe au sein de notre commissariat. Le Commandant Camelin et moi-même avons trouvé des adresses où il serait susceptible d’être. J’aimerais que plusieurs équipes se forment afin d’être plus opérationnelles. J’ai besoin de cinq équipes, plus une avec moi.

— À quoi correspond cette carte ? demande Greg.

— Les cinq adresses y sont représentées et entourées en rouge. Le Commandant Camelin a remarqué un lien. Grâce à cette réflexion, il a pu déterminer une nouvelle adresse qui se situe ici, répondis-je, en montrant le centre de la carte.

— Vous pensez qu’il se trouve dans un de ces endroits ?

— Franchement, je ne sais pas. Mais espérons-le. Sinon, nous aurons deux cadavres à trouver et je ne veux pas que ça se passe comme ça.

— Bien monsieur, me dit Greg.

Nous nous préparons et partons.

Quand nous arrivons, nous ne nous doutons pas de ce qui nous attend. Nous sommes très anxieux, mais nous essayons de ne pas le montrer, car avec une personne comme Chris, un signe de faiblesse nous coûterait cher.

Nous ouvrons la porte d’entrée et entrons l’un derrière l’autre.

~ POINT DE VUE JOHN ~

Avec Alex, nous sommes arrivés au QG. Chris et Eva nous invitent à nous asseoir et nous attendons que l’orage éclate. Nous ne savons toujours pas qui nous trahit et qui pourrait nous mener à notre dernière heure. Je n’aime pas ça du tout.

— Vous voulez manger quelque chose ? nous demande Eva.

— Non, merci.

— Tu n’aimes pas ? interroge Eva, en regardant la boîte de gâteaux qu’elle m’a proposée.

— Je suis allergique aux noix.

— Avec un joli visage comme le tien, ça serait dommage que tu gonfles.

— Bon, assez discuté bouffe. Nous avons du travail, lance Chris.

— Pourquoi tu nous as appelés ? lui demande Alex.

— J’ai besoin d’une raison pour que tu sois avec moi ?

— Ce n’est pas dans tes habitudes de fonctionner sans raison, lui répond Alex.

Chris sourit et quelqu’un frappe à la porte. Chris se lève, va ouvrir pendant que nous nous regardons avec Alex. Nous entendons discuter puis la porte se refermer. Chris revient dans la pièce. Il parait heureux, content de lui et ça sent pas bon du tout pour nous.

— En effet, tu as raison, mon fils. Il y a une raison pour chaque chose.

— Nous t’écoutons.

Autant paraître le plus normal possible.

— Durant ces dernières années, j’étais un peu isolé du monde extérieur à cause d’une petite garce. Mais grâce à une personne, j’ai vite retrouvé le goût de vivre.

— Qui est-ce ? demandais-je.

— On ne met pas la charrue avant les bœufs. Laisse-moi finir mon histoire.

— Vas-y.

— J’ai appris comment fonctionnait ma succession.

Alex se redresse sur sa chaise. L’anxiété vient de nous gagner à nouveau.

— Mon fils, la chair de ma chair, qui devient un poulet. Quand j’ai appris ça, j’ai eu le sourire aux oreilles. Une belle carrière en tant que fonctionnaire, comme ton père.

Quand Chris a terminé de parler, le soulagement s’empare d’Alex. Il s’attarde ensuite sur moi.

— En revanche, celui qui m’a le plus surpris, c’est toi, John.

— Comment ça ? questionnais-je.

— Après ce qui est arrivé à ton père, je pensais que tu serais moins coopératif. Mais tu m’as agréablement surpris. D’après ce que je sais, tu as déjà une belle carrière derrière toi, tant sur le terrain que derrière un bureau. Tu es tellement brillant que tu as l’étoffe pour devenir un excellent commissaire, m’a-t-on dit.

— Je préfère être sur le terrain pour les sensations fortes.

— C’est ce que j’ai pu remarquer à la galerie d’art, puis chez la vieille dame. Ça me plaît assez et c’est pour ça que je vais avoir besoin de toi pour la suite.

Il marque une pause, regarde Alex et reprend la conversation.

— La personne dont je vous ai parlé tout à l’heure, vous la connaissez. Toi en particulier, John, nous dit-il.

Tout à coup, la peur m’envahit. Bien sûr que ça réduit le champ de recherche, mais nous ne savons toujours pas qui est cette personne qui nous trahit depuis tout ce temps. Je cherche dans ma mémoire la plus éloignée pour avoir une petite idée, mais rien ne vient.

C’est alors que quelqu’un s’avance un peu plus dans la pièce, mais elle reste dans l’ombre, jusqu’à ce qu’elle ouvre la bouche.

— Bonjour, John.

Il reste encore quelques secondes dans l’ombre puis s’avance dans la lumière.

Avec Alex nous échangeons un regard puis nos yeux se scotchent sur Laurent. Nous ne nous serions pas doutés une seule seconde que c’est lui qui nous trahissait. Mais nous redoutons une seule chose.

Laurent est parfaitement au courant de notre mission à tous les deux.

À quel jeu joue Laurent ? Ést-il réellement un ripou ? Va-t-nous balancer ?

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