Confidences
Est-ce réel ?Après tant d'années ! Les questions se bousculent dans sa tête . « Dois-je accepter son invitation ? Ai-je envie de le revoir ? Que s'est-il passé ?
Cet appel l'a mis dans tous ses états. Elle sort de son appartement, puis ferme à clé derrière elle. Elle descend les escaliers à toute vitesse, manquant bousculer sa voisine du second étage qui la regarde éberluée. Cette dernière secoue la tête . C'est bizarre ! Elle ne l'a jamais vu dans cet état !
La jeune femme arrive dehors. Le ciel est d'un bleu sans nuage. Une légère brise lui caresse le visage. Ça lui fait du bien. Une petite balade lui permettra de mettre de l'ordre dans ses idées peut-être ! Elle presse le pas pour s'éloigner du bruit de la ville.
Elle a le cœur qui bat la chamade. « Que m'arrive t-il ? Elle ne veut pas l'admettre mais elle sait d'où vient son trouble. Après avoir marché sans but, elle s 'arrête dans son parc favori éloigné de six kilomètres du centre. Elle s'asseoit désemparée sur un banc en forme de cygne , son préféré !Le parfum des fleurs lui chatouille les narines. Elle adore cette saison. Lila se remémore une mélodie que sa mère lui chantait quand elle était petite . Elle la fredonne doucement.
« A que mars est un joli mois
c'est le mois des surprises,
le matin au soir dans les bois... »
Ah oui ! Le mois des surprises. Quelle surprise l'attend !
Elle revient à la réalité et se souvient qu'elle a une décision à prendre.
Sa fuite lui avait fait beaucoup de mal et il lui avait manqué. Elle se souvient les bons moments passés avec lui dans sa jeunesse. Il avait été charmant et ils s'entendaient très bien. Elle ne comprend toujours pas les raisons de son départ précipité.
Elle a bien envie de le revoir,cependant elle redoute sa réaction . Elle n'est plus la jeune fille qu'il avait connu. Elle n'a certes rien perdu de son charme. Elle est restée Belle, sportive, avec un corps que la maternité a à peine effleuré. Vingt ans ont passé toutefois!
Lila se lève du banc. Toujours perdue dans ses pensés elle s'éloigne pour marcher dans le grand parc. Elle a pris un copieux petit déjeuner. Elle n'a pas faim. Elle ressent toutefois des aigreurs à l'estomac. C'est la deuxième fois cette semaine! Elle décide de continuer quand même sa balade. Elle en a pour une heure toute au plus pour revenir chez elle.
Au loin dans le ciel, une volée de mouettes rieuses avec leur « karr » perçant et haut perché, la fait sursauter. Elle manque de tomber. Elle se retient de justesse à un frêle arbuste paré de jolies fleurs aux couleurs orangées. Elle en hume leur parfum ce qui a le pouvoir de la requinquer . Ce bol d'air lui fait du bien.
De retour chez elle, elle se jette sur son canapé sans même se déchausser. Cette petite sortie l'a fatiguée. Lila s'endort d'une traite pendant une bonne heure. Elle ouvre les yeux, elle ne sait plus où elle est. Elle a la tête lourde. Elle se masse un peu les tempes. Elle n'a pas envie de prendre de cachet. Sa migraine passera toute seule ! Pendant sa petite sieste, son fixe a sonné. Elle n'a rien entendu. Au loin, elle voit le voyant clignotant de son répondeur. Elle se dirige vers l'appareil, encore toute engourdi, le cœur serré. Elle écoute les messages ; C'est sa mère qui veut avoir de ses nouvelles, son amie Julie qui lui propose de sortir boire un verre et d'autres messages sans importance. Elle ressent un certain soulagement . Elle appréhendait un second appel de Mika.
Il est quinze heures ! Elle a faim . Elle n'a pas le courage de cuisiner . Elle était autant épuisée de sa longue marche que nerveusement admet-elle. Lila se prépare une collation qu'elle prend sur son balcon encore ensoleillé. Catsou vient la rejoindre en s'installant sur ses genoux. Elle dévore des tartines de beurre demi-sel avec de la confiture d'abricots. C'est son pêcher mignon. Elle se régale. Elle se désaltère d'un mug de thé vert à la menthe fumant avec un demi sucre. Elle fait des efforts pour ne plus trop sucrer sa boisson .Son objectif étant de ne plus en mettre du tout ! Un effort supplémentaire pour garder a ligne et rester en bonne santé.
Elle profite de ce moment de quiétude pour lire les dernières pages d'un livre qu'elle a commencé depuis des lustres. Par manque de temps, elle n'arrive pas toujours à s'adonner à la lecture qui est pourtant une de ses passions.
Une semaine est passée depuis l'appel de Mika. Elle revoit mille fois dans sa tête la conversation qu'elle aurait si elle se décide à l'appeler.
« Bon c'est le moment !» pense Lila. Sans attendre davantage,elle s'empare de son portable. Elle éprouve un certain stress, une crainte, mais elle doit se lancer. Confortablement installée sur le vieux fauteuil en cuir noir, Lila compose le numéro sur son nouveau téléphone. Le dernier iphone 11qu'elle a gagné lors d'une émission de radio. Elle n'en croyait pas ses yeux. Pourtant ses amis n'ont de cesse de lui dire qu'elle est chanceuse. La sonnerie retendit plusieurs fois. Elle s'impatiente. Soudain, sur le point de raccrocher , elle entend dans le combiné « Allo ! Allo !
La voix à l'autre bout du fil la surprend. . Elle a le coeur qui bat la chamade.
- Oui! dit-elle hésitante.........C'est Mika ?
- Oui c'est moi ! ..... Lila ? Lila ? C'est toi ?
- Oui !
- Je reconnaitrais ta voix parmi mille! Quelle heureuse surprise! J'avais perdu espoir !
- Ça faisait longtemps ! Si longtemps! Répond la jeune femme les larmes aux yeux.
- Trop longtemps ! Rétorque Mika avec un léger voile dans la voix. »
Ils se rappellent leurs bons souvenirs. Lila est sur un petit nuage, elle attend ce moment depuis trop longtemps. Elle peine à cacher son trouble. Elle ne manque pas de lucidité pour autant. Comment aborder le sujet qui la taraude ? Elle prend son courage à deux mains et l'interroge. Pourquoi s'était-il enfui cet après-midi là sans donner de nouvelles, pendant toutes ces années ?
« Ce jour là, nous avions rendez-vous pour la visite d'un appartement. T'en souviens-tu ? commence son ami . Nous nous étions donnés rendez-vous directement à l'agence car nous ne pouvions pas faire autrement. Quelques heures avant, J'avais reçu un appel de mes parents me suppliant de venir le plus vite possible chez eux. Je ne savais pas quelle décision prendre. Mon père me recommandait de n'en parler à personne, même pas à Lila me dit-il. Dans l'affollement et dans l'inquiétude, je me rendis aussitôt dans mon appartement, mis quelques affaires dans un sac et je partis. Mon rendez- vous avec toi allait être compromis mais je n'avais d'après moi aucune solution.
Je compris dès cet instant la gravité de la situation. Je ne pouvais rien te dire parce que mes parents avaient de sérieux problèmes et que je leur avais promis . Je me rendis chez eux et je trouvai la maison sans dessus dessous. D'énormes cartons étaient posés sur le sol. D'autres plus petits étaient déjà plein de choses diverses. Ils préparaient un déménagement. Je m'aperçus qu'une quantité de débris de vases, de bibelots auxquels ma mère était attachée par dessus tout , jonchaient le sol de la salle à manger. Ma mère quant à elle était terrorisée. Dans la précipitation quelques objets lui avaient échappés des mains. Elle s'effondra à ma vue mais elle ne put rien m'expliquer.
Mon père me prit à part et m'expliqua leurs déboires. Il me mit au courant de choses que j'étais loin de me douter. Leur maison avait été hypothéquée entre autre. Il se rendait compte du sacrifice qu'il me demandait de faire, cependant me dit-il , il ne pouvait compter que sur moi. Mon frère aîné était à l'étranger.
Je t'avais parlé de l'intérêt de mon père pour le jeu ? Auparavant, Il jouait au poker avec ses amis. Il misait des petites sommes jusqu'à là. La plupart du temps il rapportait quelques billets parce que la chance lui souriait . Mais ce jour là, ses amis et lui se sont joints à une autre équipe de joueurs qui elle misait gros. Mon père dans l'euphorie, voulant toujours jouer plus, hypothéqua sa maison sans même se rendre compte. La chance ne lui sourit pas cette fois là. Il avait perdu sa maison. Il essaya de négocier, sans succès !Il devait beaucoup d'argent et la banque ne lui accordait plus de crédit. Ils avaient tout perdu et ne pourraient espérer récupérer leur maison qu'en remboursant intégralement ce qu'ils devaient. C'était impossible !Mon père n'avait pas un salaire assez important et ma mère ne travaillait pas. Ils n'avaient que peu de temps pour s'organiser. Ils avaient besoin de mon aide . Ils devaient vider la maison au plus vite. Nous fimes le maximun dans la journée.
Tu m'avais laissé un message pour savoir ce qui se passait. Je n'avais pas répondu puis j'avais coupé ma ligne parce que je ne voulais pas te faire souffrir davantage ni te mêler aux histoires de mes parents. De plus ils ne voulaient pas que tu sois mise au courant.Ils te respectaient trop !
Mon oncle nous a aidés avec le camion de déménagement de sa société. A la fin de la journée tout était bouclé. Mes parents ont atterri dans la maison que ma mère avait hérité de sa grande-tante décédée quelques années auparavant. Elle n'était pas aussi grande , ni aussi bien équipée que la grande maison familiale néanmoins elle suffisait pour eux deux. Mon père l'avait toujours entetenue.Heureusement ! Il était bon bricoleur et avait un don pour le jardinage.Ils avaient honte, moi également. Mes parents avaient trimé trente années de leur vie pour avoir cette maison et l'entretenir. Ils vivaient très mal la situation. Ils n'avaient pas envie qu'on sache qu'ils avaient perdu leur maison au détriment du jeu. Mon père qui voulait toujours paraître respectable ne s'en remettait pas. J'ai du les soutenir .
Au bout de quelques mois , mes parents étaient bien obligés de s'adapter et d'accepter leur sort. Ma mère qui n'avait pas besoin de travailler a dû trouver un job pour rapporter quelques sous à la maison. Ils attendaient de ma part un soutien moral. Je me rendais disponible pour eux mais je n'habitais plus chez eux. J'ai terminé mes études puis je me suis installé à mon compte en tant qu'avocat en droit immobilier. Quelle ironie du sort ! Diras-tu. Finalement j'ai pu aider mes parents dans leur démarche. Aujourd'hui, ils ont remboursé leur prêt . Il y a eu donc une levée d'hypothèque. Ils ont préféré vendre leur maison parce que de toute façon elle était devenue trop grande !
Pourquoi, je te raconte tout cela ! Ça ne t'intéresse peut-être pas ! J'ai brisé la confiance que tu avais en moi ! Et je m'en veux terriblement! Mika se tût quelques instants et repris. Un autre événement triste est survenu dans ma vie deux ans après. C'était le soir du réveillon de Noël. Je me faisais une joie de passer ce jour de fête avec mes parents et mon frère que je n'avais pas revu depuis longtemps. Mes parents avaient mis les petits plats dans les grands* car ils n'avaient pas vu leurs fils ainé depuis des mois. De plus Noël c'était l'occasion de se retrouver et de partager un grand repas familiale. Ma mère adorait cuisiser. Elle avait mis tout son coeur à préparer divers plats, surtout l'un des plats préférés de mon frère : le chapon farci accompagné de pommes au four et de girolles poêlés. C'était toujours un délice! Il en rafolait! La bûche aux fruits exotiques était au frais depuis la veille. Mon père de son côté, avait aidé à faire le ménage afin que tout soit prêt. J'aidais ma mère à mettre la table quand le téléphone sonna. Je m'interompis pour aller répondre. C'était la police pour nous prévenir que mon frère avait eu un grave accident de la route avec sa moto. Nous étions attérés. Nous nous rendîmes aussitôt à l'hôpital où il avait été admis et opéré d'urgence. Il avait subi un traumatisme cranien , en plus de nombreuses fractures. Il avait peut-être la tête ailleurs, il a foncé dans un arbre au bord de la route. Son pronostic vital n'était pas engagé. Il s'en sortira nous dirent les médecins voyant notre inquiétude. Par la suite , il subit d'autres interventions chirurgicales malheureusement! car les os brisés dûs à la fracture de sa jambe avaient du mal à se repositionner. Sa rééducation fut très longue. Il a dû réapprendre à marcher. J'ai soutenu mes parents dans ces épreuves. J'ai aussi aidé mon frère à reprendre goût à la vie en l'accompagnant dans sa comvalescence. Nous avons peu à peu retrouvé la complicité que nous avions dans notre enfance. Désormais, il est guéri et n'habite pas très loin de chez moi avec sa petite famille. Sa femme Fanny qui était d'ailleurs à ses côtés quotidiennent est kiné à plein temps tandis que lui s'occupe de leur bébé qui vient d'avoir deux mois. Il faut que je te dise que mon frère a succombé au charme de sa kinésithérapeute!Souligne Mika avec un léger sourire aux lèvres. De mon côté, sur le plan personnel, mes relations se sont avérées difficiles depuis...
Lila ne sait que penser. Son histoire la bouleverse. Elle comprend qu'il ait agit comme cela pour protéger et soutenir sa famille . Mais après ?
« Je sais à quoi tu penses ! Reprit Mika (Un long silence s'installe.) Sache que j'ai essayé de te recontacter plus tôt en vain. J'ai compris que je t'avais perdue et que je ne te méritais pas!
Mika fond en larmes après son long récit. Il ne s'en est pas complétement remis. Il dort mal depuis l'accident. Il fait le même cauchemard souvent et se réveille en sueur.
Son père, son frère et lui se retrouvent au bord d'un étang pour une partie de pêche. C'était leur passion à tous les trois. Leur moment de détente et d'évasion. Chacun possédait du matériel haut de gamme offert par leur père. Celui-ci était un passionné de tout ce qui touchait à la pêche. Il avait une quantité de magazines inimaginables sur le sujet et d'innombrables cannes à pêche et autres accessoires. Ils préparent ensemble leurs hameçons et lancent leur cannes en même temps. Après une attente interminable, ça mord du côté de son frère. Sa prise est si grosse qu'il n'arrive pas à la sortir de l'eau. Il appelle Mika à l'aide. Celui-ci se dirige vers lui d'un pas très lourd ce qui l'empêche d'avancer. Impuissant, il voit son frère disparaître dans le lac attiré par sa poids. Leur père ébahi ne réagit pas. Mika hurle, hurle de toute ses forces. Il se réveille en sueur, il ne sait plus où il est. De ses yeux exhorbités coulent de grosses larmes qu'il ne peut retenir. Ce cauchemard le mine au plus haut au point. Il a l'impression d'être moins efficace et perd de l'énergie.Il suit d'ailleurs une thérapie qui devrait l'aider à aller mieux. Il a fréquenté quelques filles. Des relations qui n'ont jamais duré longtemps. Sauf la dernière qui s'est soldée par un échec après 3 ans de mariage quand même! Il n'aime pas en parlé. Il y avait l'ombre de Lila partout où il allait . Il fallait qu'il la retrouve pour lui expliquer son agissement. Il en convient qu'il est impardonnable mais il est soulagé de lui avoir parlé.
La jeune femme troublée, reste muette, sans aucune réaction. Son ami à l'autre bout du fil , ne sait plus quoi dire. Il l'entend se moucher et devine qu'elle pleure. Il ne voulait pas l'attrister. Il prend son courage à deux mains et réitère sa demande « Lila , je souhaite plus que tout au monde te revoir, toutefois je comprendrais ton refus!
-Ton histoire m'émeut. Sache que je ne t'ai jamais oublié. Je suis désolée pour tout ce que tu as vécu. Maintenant, j'ai les réponses à mes questions. Je serai heureuse de te revoir moi aussi ! Mais à une condition !lance Lila sortie de son mutisme.
- Oui! Laquelle?
- Que tu ne me laisses plus jamais sans nouvelle aussi longtemps!
- D'accord! Je te le promets. Merci , merci Lila ! C'est le plus beau jour de ma vie.
Ils se promettent de se voir très prochainement.
Au même instant , le bruit d'un klaxon provenant de la rue la fait sursauter. Ce qu'elle vient de vivre est presqu'iréel. Lila le sourire aux lèvres s'approche de la fenêtre et l'ouvre en grand, laissant passer l'air chargé de mille senteurs. Ses yeux se posent sur le merveilleux jardin collectif de son immeuble qu'elle n'a pas le temps d'entretenir. Son voisin de pallier s'en occupe à sa place car elle ne lui est pas indifférente. Il lui a même offert un jour un bouquet provenant de celui-ci. Elle y passera certainement pour porter main forte un de ces jours. Elle referme sa fenêtre et rentre le coeur léger. Le petit Catsou ne comprend pas l'excitation de sa maîtresse. Il se frotte à elle en ronronnant. Ce fut une journée riche en émotion.
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