Chapitre 2 (partie 2)

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Il avait enfin compris. Le visage désespéré de la petite fille fut remplacé par un sourire, et des larmes perlèrent au bord de ses yeux. Elle les essuya rapidement.

  • Je suis heureuse que tu prononces mon nom.

Hayato n’en revenait pas. Il contemplait son amour d’enfance devant lui, flotter dans les airs, identique à la fillette qui était sur la photo. Il n’avait plus aucune peur, mais l’incompréhension subsistait.

  • Mais… Mais comment ça se fait que je te vois c… comme ça ?

Hana resta pensive, essayant de trouver une explication qui pourrait satisfaire son ami d’antan.

  • Hum… et bien… disons que je suis restée enfermée dans ce souvenir, et il fallait que tu te rappelles de ce jour pour que je me réveille.

Voyant que le jeune homme restait dubitatif, elle soupira.

  • Bon je suis juste un fantôme que tu as libéré. Pour faire simple.
  • Un fantôme, hein…

Il se doutait bien de ce que la petite fille pouvait être, mais il n’arrivait pas à mettre de mots dessus. Tout ça lui paraissait encore si soudain et irréel. Et pourtant, elle se tenait là, la langue bien déliée et toujours là pour donner quelques claques au jeune homme. Enfants, c’était elle qui le dirigeait et l’entraînait dans des aventures. Le petit garçon timide qu’il était se faisait bien malmener. Toutefois, c’était ce qui faisait son charme, et la raison pour laquelle il en était tombé amoureux. La revoir ainsi, sans qu’il s’y attende, lui faisait chaud au cœur. Il se sentait empli d’une douce nostalgie. Mais en contrepartie, une immense tristesse commença à lui embuer les yeux.

Hana n’était qu’un fantôme. Un esprit du souvenir de cette photo. Elle n’existait plus dans le monde de chair et d’os. Elle n’avait pas grandi. Elle était restée figée dans son temps, figée depuis ce fameux jour où ils lui avaient souhaité un joyeux anniversaire. Avant qu’elle ne rejoigne définitivement les cieux. Hayato avait pourtant réussi à tourner la page. Il était allé jusqu’à l’effacer de sa mémoire en l’enfermant dans le coffre aux nuages. Mais maintenant qu’il croisait son regard, il culpabilisait.

La jeune fille s’approcha du lycéen et posa sa main immatérielle sur son épaule. Il ne pouvait pas la sentir, elle non plus, mais le geste lui donna du courage et il essuya ses larmes. Elle lui sourit de toutes ses dents et lui laissa encore du temps pour digérer les informations qui devaient se bousculer dans sa tête. Le fantôme se dirigea ensuite vers le coffre pour y examiner son contenu. Hayato avait laissé en plan la photo et les deux autres objets.

  • Oh je me souviens ! C’était le stylo que je t’avais prêté ! Je vois que tu as oublié de me le rendre… Et le cygne ! J’adorais les origamis, en plus celui-là est vraiment réussi. Je suis contente qu’il n’ait pas été si abimé que ça.

Mastuoka Hana resplendissait de bonheur. Malgré sa position entre deux mondes, elle se sentait vivante. C’était dans sa nature. Il n’était pas possible de l’imaginer sans sourire, sans rire, sans courir. C’était ce qui faisait sa force.

  • Tout va bien Hayato ?

L’interpellé sursauta et vit sa mère qui était remontée. Chizuru soupira de soulagement quand elle vit son fils sur ses pieds.

  • Oui, oui ça va mieux. Merci pour le verre d’eau.
  • Tant mieux alors, je m’inquiétais vraiment. Tu étais très pâle. Plus que tu ne l’es d’habitude, plaisanta-t-elle.

Hayato eut un rire forcé. Il ne trouvait pas sa remarque très drôle. Elle lui proposa de l’aide pour ranger le bazar qu’il avait mis, mais il parvint à la convaincre qu’il se débrouillerait seul. C’était de sa faute s’il avait défait tout le travail de sa mère. Une fois « seul », il se tourna vers Hana qui affichait un sourire farceur :

  • Tu prends toujours aussi facilement les coups de soleil ? dit-elle en pointant la photo du doigt.

Le silence et le regard fuyant qu’elle eut en guise de réponse lui suffirent amplement. Elle rit devant l’air gêné du jeune homme. Même dix ans après, il n’avait pas changé. Elle s’attarda sur les autres protagonistes de la photo et un sentiment de nostalgie l’envahit. Elle se rappelait parfaitement d’eux. Juliet, la jolie métisse anglo-japonaise passionnée de photographie dont la générosité n’avait pas d’égal. Junsei, le garçon à l’égo surdimensionné et qui faisait très attention à son apparence. Et Shiro, qui adorait les sucreries et qui n’avait peur de rien. Ils formaient une drôle de bande, aux caractères très forts et qui pourtant, s’entendait à merveille.

  • Tu sais ce qu’ils sont devenus ? demanda-t-elle.

Hayato s’était approché du fantôme quand il remarqua qu’elle fixait intensément la photo. Il afficha un air désolé, presque coupable, et secoua la tête. Les épaules d’Hana s’affaissèrent. Elle resta figée pendant très longtemps. Le lycéen commença à s’inquiéter de ne plus la voir en mouvement, quand soudain, elle se redressa et le regarda, fâchée :

  • Non, ça ne peut pas être possible ! On a une promesse à tenir ! On devait se revoir !

Le jeune homme ne savait pas quoi répondre. Certes, ils avaient fait une promesse, mais c’était il y a dix ans ! Tous avaient dû oublier, comme lui-même, avant qu’il ne revoie Hana. Il n’eut pas le temps de lui expliquer qu’elle enchaîna :

  • On est quel jour ?
  • Heu… Lundi, dit-il pris au dépourvu.
  • Non, la date, patate !
  • Ah d’accord, on est le 15 juillet, il me semble… répondit-il en confirmant après avoir regardé son smartphone.

Le visage de la petite fille s’illumina. Il y avait donc encore de l’espoir ! Son visage s’approcha de celui d’Hayato qui ne s’attendait pas à un tel mouvement de sa part. Il pouvait parfaitement voir les étincelles dans ses yeux. Cela n’annonçait rien de bon.

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