Chapitre 4 (partie 2)
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La suite de l’après-midi s’était déroulée plus calmement pour Hayato. S’étant bien habitué à la présence d’Hana, il faisait à peine attention à son statut de fantôme. La petite fille lui avait posé plusieurs questions sur les évolutions du monde. Même si sur le coup, il n’y avait pas de changements dans les trains de vie, il y avait quelques détails qui l’ont intrigué. Notamment les réseaux sociaux et les smartphones qu’un enfant de huit ans ne pouvait pas encore utiliser. Le lycéen s’était rendu compte que beaucoup d’éléments qu’il utilisait quotidiennement ne lui seraient pas venus à l’esprit il y avait dix ans de cela.
Hana l’avait ensuite interrogé sur ce qu’il était devenu après les fameuses vacances d’été. Hayato fut surpris par sa demande, après une conversation plutôt anodine où la jeune fille rayonnait de joie grâce à sa curiosité, qui s’étanchait avec les réponses qu’il lui apportait. Désormais, le ton de sa voix était peint d’une légère couche de tristesse qui ressortait sur son visage. Sa tête était baissée et elle avait du mal à soutenir le regard du jeune homme. Elle n’avait pas émis le moindre regret depuis qu’elle était réapparue, mais elle voulait savoir comment la vie avait continué sans elle.
- Tu es sûre ? Je n’ai pas l’impression que ça te fasse plaisir…
- Oui, sûre et certaine, répondit-elle, déterminée.
Elle ne pouvait pas échapper à cette envie. Elle savait que la réponse sera à double tranchant : elle sera partagée entre le bonheur d’Hayato et sa tristesse de ne pas avoir pu profiter des mêmes plaisirs de la vie. Le lycéen soupira et chercha par où commencer. Cela le faisait remonter assez loin dans ses souvenirs, mais certains étaient fraîchement revenus.
- Et bien… Après ta disparition, j’ai été abattu. On a tous été sous le choc, dit-il en pensant aux derniers échanges qu’il avait eu avec ses amis d’enfance. Même si on t’avait fait nos adieux, avant ton départ aux Etats-Unis, on avait toujours l’espoir de garder le contact. Mais nous avons fait notre deuil chacun de notre côté, sans jamais s’envoyer un message.
Hana savait déjà tout ça, mais le lycéen voulait repartir du début. C’était l’occasion parfaite pour dévoiler ce qu’il lui avait caché.
- Je ne mangeais plus rien, je broyais du noir. Ma mère essayait tant bien que mal de me remotiver mais rien à faire. Je t’aimais trop.
Hayato lança un regard au fantôme. Elle ne semblait pas vraiment capter le véritable sens de ses derniers mots.
- Je m’en voulais de ne pas t’avoir dit ce que je ressentais pour toi, avant ton départ. Je n’en aurais plus jamais l’occasion.
Un léger sourire se dessina sur ses lèvres. Il était triste, mais du soulagement et du bonheur y étaient mêlés.
- Attends… Tu étais… Amoureux de moi ? fit enfin Hana qui venait de percuter.
Le jeune homme hocha la tête en signe de confirmation. Son sourire ne quittait pas ses lèvres. L’enfant ne savait que penser de cette révélation et resta gênée. Elle n’avait jamais réalisé qu’il pouvait avoir des sentiments pour elle. Ils étaient proches et elle était toujours ravie qu’il la suive dans les grandes aventures qu’elle s’imaginait. A chaque fois qu’elle le voyait à côté de lui, elle était heureuse. Plus qu’avec les autres. Elle n’avait pas fait le rapprochement de son vivant. Alors… ressentait-elle quelque chose pour Hayato il y a dix ans ? Ses joues se teintèrent de rouge, mais apparaissaient rosées sur son corps fantomatique.
De l’eau avait coulé sous les ponts depuis, mais Hayato était soulagé d’avoir effacé un regret de son enfance. Il ne ressentait plus la frustration dans son souvenir. Le petit garçon amoureux de huit ans avait enfin dit ce qu’il avait sur le cœur.
- J’ai ensuite enfermé dans mon coffre à jouet, tous les objets que tu avais laissés. C’est comme ça que j’ai pu tourner la page… En reniant les souvenirs qui t’étaient associés.
A nouveau, un sentiment de culpabilité le saisit. Hana garda le silence tout en lui lançant un regard compatissant. Elle ne lui en voulait absolument pas. Après tout, comment pouvait-il imaginer qu’elle reviendrait ?
- J’ai terminé l’année scolaire en me concentrant sur mes amis et les cours. Je ne voulais penser à rien d’autre. Puis on a déménagé à Takasaki. Mon père en avait marre de voir la mer tout le temps et il voulait habiter dans une plus petite ville qu’Hamamatsu.
Un voile apparu devant ses yeux quand il évoqua son père. La petite fille remarqua son bref changement d’attitude.
- J’ai dû repartir sur de nouvelles bases. Me refaire des amis, redécouvrir tout un monde. Ce n’était vraiment pas facile ! J’étais encore plus timide que maintenant ! Je me souviens que j’avais une boule au ventre dès qu’il fallait que je parle à quelqu’un.
Hayato sourit pour se moquer de lui-même. Les autres enfants de l’école n’étaient pourtant pas méchants pour un sou, mais sa timidité le bloquait vraiment. Même si sa timidité n’était plus aussi maladive qu’à l’époque, elle restait toujours bien présente. A son grand dam.
Il continua son récit sous l’oreille attentive d’Hana. Il lui raconta sa rentrée au collège et sa rencontre dès le premier jour avec Shou, qui deviendra très vite son meilleur ami. Il n’avait pas eu beaucoup d’autres amis, mais il avait fini le collège sans faire de vagues. Il faut dire qu’il longeait les murs quand il y avait un gros dur qui passait à côté de lui, et qu’il était toujours assis à un endroit qui le fondait dans sa classe. Ce n’était clairement pas son nom qui était sur toutes les lèvres.
Il arriva sur le lycée. Sa situation n’avait pas changé : c’était toujours le gars timide et discret, qui ne se faisait remarquer que par la faute de Shou qui était un sacré boute-en-train. Hana fit une moue déçue. Elle s’était imaginée beaucoup de choses sur le lycée et elle avait toujours cru que c’était les meilleures années d’une vie. Une vie trépidante avant l’orientation finale, des rencontres incroyables, des histoires d’amour… Elle ne manqua pas de le faire remarquer à son ami :
- T’es pas amoureux ? dit-elle avec un air innocent, presque taquin.
Hayato fut pris de court. Il ne s’attendait pas à se faire interroger sur sa vie sentimentale. C’était un sujet qu’il préférait éviter. S’il était intéressé par des filles, ce n’était jamais pour très longtemps. Il ne se berçait pas d’illusions et préférait laisser couler à cause de son manque de confiance. Qui pourrait bien s’intéresser à un gars comme lui ?
- Non, répondit le lycéen fermement.
Hana voulait continuer à l’embêter, mais elle n’en eût pas le temps.
- Hayato ? Ton père est rentré ! lança Chizuru depuis le rez-de-chaussée.
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