Cœurs de verre

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Mon cœur de verre, où mon âme y est enfermée.

C'est grâce à cela que je vis. Mais comment ?


Je brandis mon arme de cristal, celle-la même qui palpite dans mes mains, qui palpite autant que mon propre cœur. Il est face à moi. Nous sommes tous deux fait de la même matière, fait par le même créateur... Et pourtant nous sommes en tout et pour tout différents. Il est fait d'une pierre aussi noir que le fond de l'univers, et moi je suis d'un verre blanc, pure, luisant. Il est le mal, et moi le bien. Et pourtant, il exerce sur moi une attraction tout autre que celle de le tuer.


Je suis vouée à mourir si une seule matière ou une seule main touche mon cœur si fragile. Et redoutablement puissant.


Il brandit lui aussi une épée, une épée noire de suie, noir de sang, noir comme lui. Elle palpite autant que mon arme, mais d'une lueur rouge profonde, chaude, et non pas aussi glaciale que la mienne. C'est un combat éternel entre le feu et la glace...

Mais en ce jour, c'est le dernier combat, la fin, la balle de match...

Je veux le laisser attaquer en premier, je veux le laisser me montrer sa force et sa rudesse, sa rage et sa haine. Des sentiments que je ne peux connaître, je suis beaucoup trop généreuse.


Les sentiments, les miens, ne peuvent être que bon, je ne peux pas être égoïste. Je suis faite de manière à ne ressentir aucune haine, aucune colère, aucune envie de tuer.

Et pourtant, je suis une machine de guerre.


Cette fois, c'est bon, il saute et se dirige enfin vers moi, son sourire carnassier aux lèvres, et ses yeux de braises qui me font face. Il brandit son arme pour m'atteindre à la tête, mais j'esquive d'un pas, n'utilisant même pas mon arme.

Il est rapide, très rapide. Il se retourne d'un coup. Son épée siffle dans l'air. Je le stoppe en faisant retentir une cacophonie de claquements métalliques. Chacun de ses coups, je les connais d'avance. Chacune de ses parades, chacun de ses mouvements, je connais sa manière de penser et sa manière de faire autant qu'il connaît la mienne.


Nous sommes fait de telle manière que nous sommes identiques. Tout en restant les deux opposés. Nous sommes fait du même métal et du même verre. Et pourtant dans leur plus profonde compositions, tout est diffèrent.

Je suis la Lune et il est le Soleil, voilà comment notre Créateur nous nommait.


J'esquive de nouveau son attaque et recule pour reprendre mon souffle. Il est une machine de mort et moi celle qui génère la vie. Et pourtant nous sommes mortel l'un comme l'autre et semblons tout aussi vivant ainsi face à face.

Nous avons tout deux un destin : celui de s'entre-tuer...

Cette fois je sais que c'est à moi d'attaquer et de briser ce silence de mort. J'avance donc un pas après l'autre, brandissant mon arme. Je ne devrais pas agir ainsi, je ne suis pas la violence, c'est contre mon programme informatique... Mais pourtant, je sais que je dois le faire. Car je sais que c'est mon Destin.


J'ai ouvert les yeux la nuit. Sous les astres nocturnes tel que les étoiles et nos très chère Lunes. Sur cette planètes, la vie s’éteint un peu plus chaque jour et le désert prend le dessus. Il faisait chaud et pourtant le fraîcheur de la Lune rouge m'a donné envie de vivre.

Mon Créateur m'a alors dis que ce serait à nous de créer un cataclysme assez puissant pour détruire, mais aussi pour… reconstruire… ce monde qui serait alors le notre…

Ainsi mon alter ego devait détruire le monde existant et moi créer le prochain.


Mais tout ne se passe pas toujours comme prévu. Plus je me rapproche de lui, plus je vois son regard hésiter, plus je le vois baisser son arme. Veux-t-il tant mourir ? Il est la mort incarnée, oui, mais ressent-il se besoin lui-même ? Ressent-il le temps qui s'écoule dans ses veines lumineuses d'un rouge de lave ?

« Tu ne devrais pas agir ainsi. Tu ne devrais même pas penser ! » me dit-il d'une vois robotique, presque sans aucun ton.

Et pourtant je sais qu'il est comme moi, insensible, dénué de sentiments… quoi que peut-être trop…


Après notre Créateur, c'est lui que j'ai vue. Je n'avais pas encore l’instinct de tueuse à ce moment là, alors je ne lui ai pas sauté à la gorge. Je l'ai vue ouvrir les yeux alors que notre soleil illuminait toute la zone, plus puissant que d'habitude et prenant presque tout l'horizon d'assaut. Ce soleil rouge, virant parfois sur le bleu. Il était sur sa fin de vie… Voilà pourquoi, il représentait notre mort.


Je m'approche et je brandis de plus en plus mon arme, je sens mon cœur de verre battre d'autant plus rapidement. L'excitation me prend, je sens cette chaleur venir jusqu'à mon visage. C'est irréel car je ne devrais pas ressentir de chaleur. Je suis froide, aussi froide que la glace. Je sais que je devrais freiner mon geste, mais je n'ai qu'une envie : en finir.

Il baisse alors définitivement son arme, mais je le sens sous tension autant que moi. Je m'arrête quelques instants, évaluant mes chances de le tuer. Il le sait, il doit mourir… Tout comme moi…


Le Créateur s'est éteint quelques temps après. Nous n'avons pas eut le temps d'apprendre plus que l'essentiel. Il savait que son temps était compté, mais il ne pensait pas mourir si tôt. Il nous a donc laissé un étuis chacun, contenant notre arme de cristal, la mienne d'un blanc d'ivoire et la sienne d'un noire comme le néant.

Nous nous sommes regardé un instant. Il m'a salué d'une révérence avant de quitter l'habitat de notre père. Nous ne nous sommes revus que pour combattre. Mais chaque combat nous en apprenait un peu plus sur l'autre. Ainsi nous avons appris à nous connaître.


Désormais nous sommes seul, et devons prendre nos décisions par nous-même. Que ce soit les bonnes comme les mauvaises. Cela devient urgent que nous agissions, très urgent. La vie suffoque, et le monde s'épuise. Je prends alors cette décision si terrible. Je ferme les yeux un instant juste pour savourer les dernières sensations. Le vent qui siffle, le froid, le chaud, les odeurs… Les sentiments, les miens comme les siens.

Puis j'agis, je brandis bien haut mon arme et ouvre grand les yeux, me précipitant droit vers lui. Je fonce, courant de toutes mes forces. Ma vitesse est hyper sonique et pourtant, j'ai l'impression d'être un de ses animaux gluant que l'on voyait avant les jours de pluies. Je crois que le Créateur les appelait les Escargots - drôle de nom à mon goût.

Je cours, et enfin j’atteins ma cible : son cœur luisant. J'entends qu'il se brise sous la pointe de mon épée. Mais il y a un autre craquement, un autre bruit étrange et inquiétant. C'est alors que je sens le froid et la douleur, cette étrange sensation qui nous donne envie de nous contorsionner et de crier.

Je lève alors la tête et le regarde droit dans les yeux. Ils sont luisant eux aussi. Et nous avons tous les deux peur. Peur de disparaître alors que notre vie a été si courte.


Lors de notre premier combat, c'est lui qui m'avait vaincu. Il ne m'a pas achevé comme il aurait pu le faire. Non, il a préféré prendre mon menton entre ses mains et m'embrasser. Je ne sais pas d'où lui est venu cette idée. Ce geste n'est bon que pour les être de chaire et de sang, nous ne sommes que des machines. Pourtant il l'a fait, et m'a dit que le Créateur voulait peut-être la fin de ce monde, mais il possédait trop d'amour pour mettre définitivement fin à tout ça. Alors il a choisi de me créer et donc, de reconstruire, de redonner vie. Il avait de l'espoir.


Nous nous regardons longtemps, très longtemps. Puis, je le vois fermer les yeux et faire place à quelque chose. Je sens en moi une sensation nouvelle : de la tristesse, de la culpabilité. Est-ce lui qui ressent cela ? C'est étrange, ce n'est pas dans son programme, et pourtant nous le ressentons tous les deux. Je vois alors une larme bleu couler le long de sa joue bionique. Une larme, une vrai, faite d'eau. Mais comment est-ce possible ?

Je tends alors la main, et retire tout de suite la larme de son visage d'un geste. Finalement, nous sommes pareil. Il ressens peut-être plus de haine que moi, mais nous sommes identiques. Moi je ne ressens peut-être que l'amour, mais n'est-ce pas pareil que la colère ? N'est-ce pas aussi puissant ? Je crois bien que si. Je crois désormais en beaucoup de choses.

Il rouvre les yeux. Son regard s'éteint. Tendre, rassurant, mais il est déjà en train de mourir. Il n'a pas lâcher son arme, tout comme moi.


Nous sommes le même esprit, nous sommes les deux manières de penser d'un même corps. Il nous suffit de nous réunir. Voilà ce que veux le Créateur. Mais comment faire ?


Il suffit de faire ce que nous sommes en train de faire : mourir ensemble. Je sens à mon tour quelque chose chose d'humide courir sur ma joue, une larme. Une autre, faite elle aussi d'eau… Nous ne sommes techniquement pas fait pour pleurer. Mais ce court séjour dans ce monde nous a beaucoup appris, énormément je crois.

Nous regardons nos armes. Elles partent peu à peu en morceaux, comme nos esprits, ou devrais-je dire notre esprit. Il se dissipe. Nos deux épées se fragmentent et disparaissent en explosant en petites poussières dorées. Puis c'est au tour de ma main tenant mon arme. Plutôt nos mains, car tout se mêle dans mon esprit, ses pensées, ses sensations, ses souvenirs.

Nous devenons peu à peu fragmentation et lumière. Illuminant tout ce qui nous entoure. Il fait sombre, c'est le crépuscule… Mi-jour, mi-nuit… Le meilleur moment pour créer un autre monde. Un monde meilleur…

Dans un dernier élan de fatigue, dans un dernier espoir de vie, il me tend alors sa main de poussière, mon esprit est ailleurs, mais mon corps réponds toujours. Je lui prend cette main, et il m'attire à lui.

« Tu te souviens ?

- De quoi ?

- Le Créateur aimait… Il nous aimait…

- Oui, et alors ?

- Nous sommes fait de la même pierre, nous avons les même cœurs. Pas le même sang…

- Devrions nous mêler notre sang ?

- Peut-être… Sûrement… »

Et il se colle à moi, et notre sang coulant de nos cœurs se mêle. La lumière qui émanent de nos corps devient bien plus puissante. Jusqu'à ce qu'il n'y ait plus que cette lumière.


Le début ressemblera à la fin. Le monde est né dans la lumière, il mourra dans la lumière. La vie et la mort est un cycle sans fin. Un cycle qui se répète inlassablement. Mon monde est mort. Mais j'ai décidé de vivre une autre vie. Je ne renoncerais pas.

L'espoir fait vivre. Il m'a fait vivre la fin, il me permettra de renaître.

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