Un an plus tard...

Vendredi 27 juin 1986 | Rivermouth High School

Dakota Wheeler patiente dans sa classe en se faisant les ongles. L'heure des vacances d'été approche à grand pas. Pourtant ces dix dernières minutes sont sûrement les plus longues de toute sa vie. Elle a l'impression que les minutes se transforment en heures. Dakota mâche son Hollywood Springs Gum à la fraise avec insistance et nervosité, ce qui agace son professeur Monsieur Goodwin, qui tapote les doigts de sa main gauche sur son bureau, comme un signe d'impatience. Huit minutes. Les élèves ne tiennent plus en place. Ross Hampton, la tête brûlée de la classe, veut sortir de la classe en force, mais c'est sans compter Monsieur Goodwin qui bloque la seule issue sécurisée de la classe, à savoir la porte de la salle.
— Bien essayé, Hampton. Encore un coup de ce genre et je rajoute dix minutes d'attente supplémentaire pour tout le monde !
— Mais on se fait chier, répondit Ross en retournant s'asseoir lourdement sur sa chaise.
Samantha Rowe, la délégué et première de la classe, prend la parole et demande au prof :
— Monsieur Goodwin, puis-je m'adresser à mes camarades ?
— Allez-y mademoiselle Rowe. Ils vous écoutent.
— Qu'est-ce que tu nous veux, Sam la Sainte Nitouche, rétorque Dakota en faisant une bulle avec son chewing-gum. Tous ses camarades éclatent de rire.
— Mademoiselle Wheeler ! Votre chewing-gum, s'énerve le professeur Goodwin. Jetez-le à la poubelle !
— Eh bien, je suis contente que tu le demandes, Dakota. Ce soir, comme vous le savez tous, se tiendra la veillée pour nos deux camarades disparus pendant la Fête Nationale de 85 : je parle bien sûr de Scott Major et Meredith Lutz. Et bien sûr, je compte sur votre présence à tous, ok ?
— Ce n'est pas possible pour moi. D'ailleurs, ce n'est pas possible pour nous tous.
— Et pourquoi ça Dakota, demande Samantha, agacée par le comportement désinvolte de la belle blonde rebelle.
— Parce que je fais déjà une soirée en leur mémoire chez moi ce soir ! Qui est partant ? Vous ne serez pas déçus ! Oh, et Sam’ tu n'es pas la bienvenue !
Tous ses camarades semblent emballés par l'idée d'une fête, surtout quand c'est Dakota qui les organise chez elle. Samantha, elle, s'énerve en serrant les poings jusqu'au sang.
— Moi je parle d'une soirée respectueuse en leur honneur ! Pas d'un pseudo prétexte pour faire la fête !
— Ça va, arrête ton cinéma Samantha. Je suis sûre qu'ils auraient approuvés ma soirée en leur mémoire. Et puis d'ailleurs, ils ne te parlaient même pas ! Ils te trouvaient barbante et chiante à mourir ! Alors arrête de faire semblant !
Humiliée devant toute la classe, Samantha repart s'asseoir sous les moqueries taquines de ses camarades. Il ne reste que trois minutes avant le coup d'envoi des grandes vacances. Plus personne dans la salle de classe ne parle. Tous leurs petits yeux globuleux se focalisent sur l'horloge accrochée au-dessus du tableau. Plus qu'une petite minute avant la sonnerie finale. Tous les élèves bouillonnent d'impatience. Des tiques de nervosité apparaissent sur certains d'entre eux, dont Dakota qui mordille les bouts de ses cheveux et fait bouger sa jambe gauche avec insistance, comme si le chewing-gum qu'elle mâchouille dans sa bouche ne suffit plus. Dix secondes. Dakota manque de s'étouffer avec son chewing-gum, puis hurle :
— Allez horloge de merde ! Tu vas te bouger le cul oui ou...
La sonnerie retentit enfin et les cours sont officiellement terminé. Dakota et ses camarades jettent leurs affaires d'école et s'empressent de sortir de la classe sans souhaiter de bonnes vacances à leur professeur qui se sent bien seul sur le coup. Dakota traverse le long couloir bondé d'élèves, pousse les grandes portes de l'école et goûte à la liberté des vacances d'été. Sentir la chaleur étouffante du soleil sur sa peau, c'est tout ce qu'adore Dakota. Avant de prendre son scooter et de rentrer chez elle, la jeune fille adresse un dernier message à tous les élèves de Rivermouth High School :
— Ce soir, afin de célébrer la fin des études et le début des grandes vacances, je vous invite tous à venir faire la fête chez moi ! Soyez au rendez-vous les amis !

Tous les étudiants cris de joie à l'idée d'aller faire la fête chez Dakota, dont les soirées sont réputées pour être inoubliables. Soudain, un jeune homme met ses mains sur le visage de la jeune fille en cachant ses yeux, puis dit :

— Est-ce que j'ai le droit de venir moi aussi ?

En entendant sa voix, Dakota reconnaît la personne derrière elle, puis répond en se retournant, tout sourire :

— C'est une obligation pour toi de venir, Steven.

Steven Poole est un jeune homme au charme indéniable. Son corps athlétique témoigne de ses excellentes prestations au sein de l'équipe de football universitaire de Rivermouth, ce qui lui confère une allure à la fois énergique et séduisante. Il porte fièrement sa veste marron, ornée d'un "R" blanc et d'une broderie représentant les marmottes, emblème de Rivermouth. Sa coiffure blonde et soyeuse à la Marlon Brando encadre son visage, ajoutant une touche de jeunesse et de vitalité à son apparence. Mais ce qui rend Steven vraiment captivant, c'est son sourire ravageur qui illumine son visage chaque fois qu'il est aux côtés de Dakota. Dakota ne peut s'empêcher de sauter dans ses bras, puis l'embrasse langoureusement, séduite par son charisme irrésistible.

— Alors... ce soir on va le faire ? Demande Dakota en regardant son amoureux avec des papillons dans les yeux.

— Tu es sûre d'être prête ? Rien ne presse mon bébé, répond-il, en lui faisant des bisous dans le cou.

— Je suis prête.

***

Dakota et Steven s'éloignent en riant vers le parking, laisse derrière eux un sillage de rumeurs excitantes parmi les élèves encore massés devant l'école. La chaleur de l'été bat son plein, la sensation de liberté accompagne la fin d'une année scolaire bien chargé.

À quelques pas de là, un jeune homme à l'allure plus réservée observe la scène depuis l'ombre d'un grand chêne. Wesley Montgomery ajuste ses lunettes et tente de calmer les battements de son cœur. L'excitation de la foule le submerge presque, mais son attention reste fixée sur Dakota. Malgré son amour de longue date pour elle, Wesley n'a jamais trouvé le courage de lui avouer ses sentiments. Sa timidité maladive l'a souvent relégué au rôle de spectateur, mais cet été, il est déterminé à changer cela.

Alors que Dakota disparaît au coin de la rue avec Steven, Wesley prend une grande inspiration et suit le flot des étudiants vers les portes de l'école. Sa démarche est hésitante mais déterminée. Aujourd'hui, il se promet de faire le premier pas vers sa transformation personnelle.

S'arrêtant devant son casier pour récupérer quelques livres, Wesley tombe nez à nez avec Daniel Griffith, un de ses amis proches et complice dans de nombreuses aventures enfantines. Daniel, toujours le sourire aux lèvres, tape amicalement dans le dos de Wesley.

— Alors, Wes, prêt pour l'été ? Tu viens à la fête de Dakota ce soir ? Ça va être épique ! lance-t-il avec enthousiasme.

Wesley pince ses lèvres, son estomac se noue à l'idée d'assister à une soirée aussi importante, surtout une organisée par Dakota.

— Je ne sais pas encore, Daniel. Je... J'ai peut-être d'autres plans, répond-il d'une voix incertaine.

— Allez, Wes ! Ce serait une occasion en or pour toi de... tu sais, passer un peu de temps avec Dakota. Qui sait, peut-être que cet été est ton été, dit Daniel en lui donnant un clin d'œil complice.

Wesley rougit et ferme son casier un peu trop brusquement.

— Peut-être... Je vais y penser, murmure-t-il, avant de se diriger vers la sortie de l'école.

À l'extérieur, Wesley s'éloigne des groupes bruyants d'étudiants et se dirige vers le parc qui jouxte l'école. Là, sous les branches protectrices d'un vieux saule, il sort un petit carnet de ses affaires. Sur la première page, il a écrit une liste de résolutions pour l'été 1986, avec en tête de liste :

"Dire à Dakota ce que je ressens".

Wesley soupire en lisant les mots gravée d'incertitude et d'espoir. Soudain, un bruit de pas le sort de ses pensées. Levant les yeux, il voit Hope Wheeler, la petite sœur de Dakota, qui s'approche avec un sourire timide.

— Salut Wesley ! Tu viens ce soir chez nous ? Dakota organise une fête et elle serait super contente que tu viennes, dit Hope, ses yeux pétillant d'excitation.

Le cœur de Wesley s'emballe. L'invitation inattendue de la part de la sœur de Dakota pourrait être le signe qu'il attendait.

— Oui, je... je serais là, répond-il, un sourire naissant finalement sur ses lèvres.

Hope saute de joie et serre Wesley dans ses bras avant de courir rejoindre ses amis. Wesley range son carnet, un large sourire se dessine sur son visage blafard. Ce soir, il irait à la fête et il commencerait à changer le cours de son été, et peut-être, sa vien entière.

***

Vendredi 27 juin 1986 | Domicile des Wheeler

Dakota Wheeler claque la porte de sa chambre derrière elle, ses posters de Duran Duran et Madonna accrochés au mur manque de se décrocher du mur. Sa chambre baigne dans la lumière de fin d'après-midi, filtre à travers des stores rose néon. Sur sa commode, une cassette de Thriller de Michael Jackson repose à côté d'un gros boombox qui diffuse le dernier tube de Whitney Houston.

Sa mère, Susan Wheeler, se tient dans le couloir, les bras croisés, inquiétude et résignation se démarquent sur son visage.

— Dakota, je ne pense vraiment pas que ce soit une bonne idée d'organiser une fête quand je ne suis pas à la maison, lance-t-elle par-dessus la musique.

Dakota lève les yeux au ciel en fouillant dans son placard. Elle en sort un éventail de tenues aux couleurs vives.

— Maman, c'est juste un petit rassemblement. Et puis, Hope sera là. Elle t'appellera si quelque chose se passe mal, répond-elle sur un ton désinvolte.

Susan soupire, s'appuyant contre le chambranle de la porte.

— C'est exactement ce qui me préoccupe, Dakota. La dernière chose dont j'ai besoin c'est d'un appel à l'hôpital en plein milieu de mon service parce que quelque chose est arrivé lors de l'un de tes 'petits rassemblements'.

Depuis la chambre voisine, Hope Wheeler intervient, sa voix claire et rassurante.

— Ne t'inquiète pas, maman ! Je garderai un œil sur tout. De plus, on est dans les années 80, tout le monde fait la fête quand les parents sont de sortie. C'est presque une tradition !

Elle apparaît dans l'embrasure de la porte, les mains couvertes de peinture néon qu'elle utilise pour faire une bannière pour la fête. Cette dernière affiche "ÉTÉ ‘86" en lettres fluorescentes audacieuses.

Dakota sélectionne finalement une mini-robe bleue scintillante et la tient contre elle, examine attentivement son reflet dans le miroir.

— Écoute maman, je te promets que tout est sous contrôle. On a les mixtapes prêtes, plein de Tab et de Pringles, et Steven apporte sa nouvelle caméra VHS. Ça va être tranquille, dit-elle, une excitation palpable dans la voix.

Voyant ses filles si animées, si éxcitées, Susan ne peut s'empêcher de sourire, malgré ses réserves.

— Bon d'accord, mais je vous tiens toutes les deux responsables. Gardez ça à l'esprit ! Et Dakota, pas de cascades comme la dernière fois. Je vous aimes mes bébés.

— Merci, maman ! Nous aussi on t'aime ! Ce sera tranquille, tu verras !

Susan part enfin pour son service de nuit à l'hôpital, quand soudain, les premières notes de la musique "Girls Just Want to Have Fun" de Cyndi Lauper montent en volume depuis le boombox de Dakota. Hope retourne à sa peinture, et Dakota commence à aménager le salon, déplace les canapés pour créer une piste de danse improvisée. Elle place plusieurs lampes à lave autour de la pièce et vérifie les piles de vinyles et de cassettes.

— Bon Hope, faisons de cette fête la plus incroyable que Rivermouth ait jamais vue ! s'exclame Dakota, sa voix remplie d'excitation.

Hope acquiesce avec enthousiasme, son visage juvénile illuminé sous les lumières stroboscopiques.

— On va mettre le feu ! Et de façon responsable, bien sûr !