I.2 - Les ruines de Saxia
" Aianna, Daygen, éclaireurs. "
Aianna apparut alors, grande épée attachée à sa ceinture. C’était une grande dame, au sourire bien charmant, dont la musculature effrayait les moins audacieux. Elle était originaire du Sud, et était l’une des plus anciennes recrues de la horde. Elle avait connu la fusion avec les Floréal d'Éclatine, la scission en deux hordes avec Antorn d’un côté et Rody de l’autre, et la nouvelle fusion avec les amateurs de Draguinnet. Elle avait donc connu le point culminant de ce groupe, comme Antorn et Pat.
Daygen, lui, était bien plus récent pour la horde. Jeunot aux capacités hors normes, il n’appréciait guère la luminosité, il était bien l’un des seuls à se régaler des terres de Saxathen. Assassin hors pair, il s’agissait d’un hybride dont personne ne connaissait la sorte, mais la horde s’en foutait du passé quand on se montrait efficace ; " Et putain ce qu’il est ! " s'exclamait Pat quand il parlait du jeunot Daygen.
Aianna et Daygen s’en allèrent alors vers les ruines. La guerrière proposa au jeunot de se rendre en hauteur, de se fondre dans les ombres qu’il appréciait tant. Daygen étant moins haut gradé, obéit sans rechigner et se rendit sur l’un des remparts en s’aidant des blocs en ruines. De là-haut, Daygen frissonna… l’extérieur de Saxia ne présentait que des ruines, mais entre les remparts, ce fut une autre histoire. Les bâtisses, notamment au centre de la ville, étaient intactes, construites en pierre d’onyx. Des statues, représentant les hauts personnages de la ville, jonchaient les rues pavées ; la plupart étaient même encore debout. Daygen fit signe à Aianna que rien n’était à signaler, il se jeta alors sur le toit d’en face. Cette découverte, cette vision… C'était pour cela qu’il s’était engagé dans une vie d'hordier. Là où certains y cherchent la gloire, l’argent… Daygen voulait y trouver la découverte, le plaisir de voir ce que la population ne peut plus voir. Les mondes oubliés, les histoires que l’on ne conte plus.
Aianna marchait, main sur le fourreau, dans les allées aux nuances de noir brillant, elle y découvrait les vestiges de ce qui fut une florissante civilisation. Saxia se trouvait au Nord de l’Arbre Monde, du côté des îles tempêtes, non loin de l’Extrême Nord. C’était une ville prenant place à la frontière entre un climat favorable et des terres fertiles, face au chaos démesuré que représentaient les régions Extra-Nordiennes. De ce fait, le peuple Saxate s’épanouissait, l’ingéniosité qu’ils eurent ayant permis de lancer moultes expéditions dans ces dangereux endroits pour y trouver certaines des plus rares ressources, des plus chères, des plus recherchées. De cela, ils devinrent riches. Aianna reconnut des bâtiments qui servaient à l’entrepôt de toute cette richesse. Ils étaient, en plus de l’onyx, sertis de nombreuses pierres précieuses, pour resplendir d’autant plus dans l’obscurité fréquente des lieux. Du rubis, des émeraudes… rien n’était trop extravagant pour un Saxate. Aianna avait déjà entendu l’histoire du Saxate ivre d’arrogance… mais elle préférait en retenir une autre. L’Arbre Monde, au centre de tout, déploie ses racines sur d’inestimables longueurs. Dans la quasi-totalité des religions et des mythes, l’on raconte qu’elles n’ont de fin, qu’elles s’accroissent à l’infini et qu’aucun être ne peut imaginer la grandeur de ses racines sacrées. Pourtant, dans le Sud, de là d’où vient la guerrière, des croyances — blasphématoires pour le Tribunal de l’Arbre-Monde — veulent que les racines de l’Arbre Monde ont une fin, comme tout, comme la cîme de celui-ci. Que le chaos que l’on rencontre à l’Extrême Nord et Est soit symptomatique de cela, que ce sont les assises du divin sylvestre qui fournissent les étincelles de fertilité suffisante à la vie. Pour Aianna, les Saxates se sont rendus dans l’Outre-Sylvestre, au-delà de l’influence de l’Arbre-Monde, et y ont rapporté des malédictions.
C’est pour cela qu’Aianna tenait aussi fermement le manche de son épée, prête à dégainer face à la moindre abomination de l’Outre qui viendrait la défier. Toutes ces ouvertures dans les bâtiments, les rues étroites juxtaposant l’allée qu’elle remontait, autant de lieux pouvant cacher une potentielle mort atroce. Elle ne croyait nullement aux histoires qui racontaient qu'on n'y trouvait plus rien dans ces lieux. Aianna n’avait jamais quitté ses croyances Sudiennes, en dépit de tout.
Daygen la rejoignit au pied d’une gigantesque obélisque noirâtre dont on avait recouvert la moitié par des cristaux étincelants.
" Rien à déclarer de mon côté ".
Lui dit-il, de sa voix qu’il voulait froide et mystérieuse, mais qui trahissait un tintement enfantin.
" Moi non plus, mais nous ne devrions pas trop nous attarder, nous sommes bien trop proches des limites. "
Daygen n’eut aucune réponse, ni aucun jugement, ses croyances à lui il se les gardait bien de toute manière.
" Je vais chercher les autres. "
Alors, il s'éclipsa, laissant Aianna le soin de guetter la moindre activité suspecte. Elle resta devant cet obélisque pour y placer leur campement ; sans doute devraient-ils y passer une nuit avant de repartir.
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