Chapitre 12

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Amélie prit une profonde inspiration et souffla lentement. Ses poumons vidés, elle ouvrit les yeux.

L’environnement dans lequel elle se trouvait était sombre. Le monde semblait couvert d’un voile gris et trouble. Elle se trouvait dans une petite pièce vide, une chambre étudiante vraisemblablement. LA jeune nécromancienne vit alors ce qu’elle cherchait : l’esprit d’Orianne, nue et recroquevillée dans un coin, le visage caché par sa chevelure. Amélie ne s’étonna pas de voir si bien la silhouette de la jeune femme, d’une certaine façon, elle avait franchi la cloison qui les séparait.

« Toi, tu viens avec moi. »

Orianne sursauta et la dévisagea avec terreur.

Amélie rouvrit les yeux dans sa propre chambre, elle cligna plusieurs fois, ses yeux étaient secs et elle était légèrement aveuglée par la luminosité. Elle songea que le monde des Morts était bien sombre face à celui des Vivants. Elle constata avec satisfaction qu’Orianne était revenue avec elle, cette dernière semblait terrorisée, recroquevillée contre le bureau d’Amélie.

« Comment as-tu fait ça ? Où suis-je ? »

Amélie s’étira et reposa son dos contre le dossier de son lit.

« Mévina, si tu as des questions, c’est maintenant, déclara Amélie avec un sourire suffisant.

- Mève ? »

L’esprit d’Orianne se redressa et fit le tour du lit pour voir le visage de sa cadette. Amélie vit des marques de strangulation autour du cou d’Orianne.

« Elle est là ? » demanda Mévina d’une voix hésitante.

Amélie acquiesça tout en prenant un gâteau au chocolat bien mérité. Sa camarade reprit la parole, la voix tremblante sur le coup de l’émotion, elle avait tant désiré ce moment.

« Orianne, c’est moi, j’ai besoin de te parler… de savoir ce qui s’est passé ! »

Une larme coula sur le visage de Mévina.

« Non. » Orianne secoua la tête énergétiquement. « Non, non et non ! Je refuse. Je m’en vais ! »

A présent qu’Amélie était liée à cet esprit, elle n’avait aucun mal à le contrôler, ce que découvrit Orianne avec stupeur : son corps spectral s’était figé, ne répondant plus à sa volonté, mais à celle de la nécromancienne.

« Qui es-tu ? Qu’est-ce que tu m’as fait ? »

Amélie fronça les sourcils, l’expérience était distrayante, mais pour autant, elle n’avait pas envie qu’elle s’éternise. Elle avait dû l’amener de force et s’il le fallait, elle la ferait parler de force. Elle décida de prévenir son invitée de ses intentions, mais elle ne voulait pas effrayer Mévina, elle choisit d’essayer de parler sur le plan spectral comme elle l’avait fait dans le petit appartement.

Amélie ferma les yeux et se concentra pour ouvrir son œil spirituel. À sa surprise, elle y parvint dès sa première tentative. Elle était toujours dans sa chambre, sur son lit, mais le monde semblait voilé, terne. Elle se retourna pour contempler son corps physique, elle se voyait adossée à son lit les yeux clos et elle percevait Mévina, ou du moins ses geignements dans l’autre monde.

« Orianne… » murmura-t-elle.

Elle constata que les lèvres de son corps physique restaient closes. Parfait. Songea-t-elle avant de se tourner vers l’intéressée et de reprendre la parole.

« Je m’appelle Amélie, je suis une nécromancienne.

- Une quoi ?

- Une nécromancienne, une maîtresse de la Mort. Tu peux m’appeler « Maîtresse » d’ailleurs si tu veux. » Orianne hoqueta de dédain. « Hm. Peu importe. Tu es ici parce que Mévina souhaite savoir ce qui t’est arrivée et pourquoi vos parents refusent de faire la moindre cérémonie et t’enterrer dans le secret.

- Je préfère que ce secret reste dans la tombe avec moi.

- Ce n’est pas une option. Ta sœur veut des réponses et je lui ai dit qu’elle en aurait.

- Et moi je te dis que cela restera un secret ! s’énerva Orianne dont l’aura devint plus dense, plus électrique.

Amélie se rapprocha d’elle, confiante.

- Aurais-je mentionné par mégarde que je te donnais le choix ? Que les choses soient claires : tu es à ma disposition, tu es mon esclave ! Je peux torturer ton âme, la détruire, la donner en pâture à mon démon familier… Et je peux aussi te contraindre à me dire tout ce que je souhaite savoir. Le seul choix que je t’offre est celui-ci : réponds aux questions de ta sœur de ton plein gré ou réponds aux questions de ta sœur contre ton gré. »

Amélie n’attendit pas la réponse d’Orianne pour rouvrir ses yeux sur le monde des vivants. Une fois de plus, elle fut éblouie par la luminosité et l’intensité des couleurs. Elle s’aperçut que sa camarade la dévisageait avec perplexité, les yeux rougis et le visage couvert de larmes.

« Heu… Pardon, j’étais ailleurs… »

Le regard de Mévina se teinta légèrement de colère, outrée par le manque d’intérêt et d’importance que semblait porter Amélie à sa cause.

Amélie se tourna vers Orianne.

« Ta sœur attend ses réponses. »

L’interrogée, incapable de se mouvoir, serra la mâchoire. Elle ne semblait pas décidée à parler. Amélie s’apprêtait à la contraindre, quand elle prit finalement la parole.

« Très bien. Puisque je n’ai pas le choix… Dis-lui que les choses n’ont pas été aussi faciles que le pensais. L’argent que me donnaient les parents couvrait tout juste le loyer de l’appartement, je leur avais dit que je trouverais un travail pour payer le reste de mes factures… »

Orianne marqua une pause, cherchant ses mots. Amélie en profita pour répéter ses propos à Mévina, elle s’efforça d’être fidèle à la version originale, utilisant la première personne. Mévina était attentive, les yeux rivés sur ceux d’Amélie.

« Et ? » demanda-t-elle avec une note d’impatience dans la voix.

Amélie reporta son attention sur Orianne, Mévina suivit son regard et d’une certaine façon elle sembla croiser celui de sa sœur, cette dernière semblait désespérément triste et dévorée par les regrets. Amélie reprit son discours.

« …et je n’en ai pas trouvé. J’ai voulu faire un prêt étudiant, mais il fallait un garant et je savais que les parents refuseraient que je m’endette si tôt. Je n’ai pu emprunter qu’une petite somme, qui a vite été dépensée et qu’il a fallu commencer à rembourser. J’étais vraiment dans la galère et je savais que les parents ne pourraient pas m’aider… Je ne savais plus quoi faire… Une camarade de promo m’a alors parlé d’un site. »

Tandis qu’Amélie reprenait les explications d’Orianne, le visage de Mévina semblait devenir de plus en plus grave et interrogateur. Amélie pressentait ce qui allait suivre, mais garda cela pour elle.

La pause que prenait Orianne s’éternisait. Amélie se tourna vers elle et constata qu’elle essayait toujours de partir, de la fuir elle et sa sœur, de fuir la réalité qui l’avait menée au trépas. Agacée par ce manque de coopération, Amélie se concentra sur l’esprit d’Orianne et exerça une forme de pression sur elle, lui arrachant un cri de douleur. Amélie relâcha son emprise et chercha son regard.

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