Lettre à D.

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Je ne sais pas comment te saluer. Je ne veux pas le faire, ce serait te conférer encore plus d'importance que je ne t'en donne déjà avec cette lettre.

Non, je ne dirai pas ton nom au complet, tu ne le mérites pas.

Alors je vais simplement t'appeler "D."

D., c'est bien. C'est court, et j'aime ça. Si je suis chanceuse, ton séjour chez moi le sera encore plus.

Tu t'es invitée, D. Je ne t'ai pas appelée, nous ne sommes même pas amies. En fait, je t'ai toujours méprisée. J'ai toujours encouragé ceux qui avaient été surpris par ta visite à ne pas se laisser abattre, à ne pas te laisser leur manger la laine sur le dos, à ne pas te laisser le moindre espace.

Mais tu as tellement le don de transformer les gens, que même les plus coriaces ont plié, se sont affaissés sous le poids que tu leur imposais. Et tu es restée chez mes amis beaucoup, beaucoup trop longtemps.

Tu m'as bien eue, en te faisant passer pour ce que tu n'étais pas! Tu ressembles beaucoup à ta cousine, et vous vous vêtissez de la même façon. En plus, vous avez la même initiale!

On la connaît bien, ici, ta cousine, on y est habituée. Elle est demandante, elle aussi, mais au moins elle repart généralement au printemps, quand le soleil fait fondre la neige et dégèle les oiseaux. Elle ne laisse derrière elle qu'un vague souvenir de jours bruneux, tristes et gris.

À vrai dire, je continue à croire que ce n'est pas toi, D., mais ta cousine, qui squatte en ce moment. Je vois la belle saison se profiler et j'espère. Que puis-je faire d'autre?

Comme je l'ai déjà dit, D., tu n'as pas ta place chez moi. J'ai vu ce que tu as fais aux gens que j'aime, et il est hors de question que je me laisse faire. Tu as commencé à faire peur à I., et ça, c'est intolérable. Je ne te laisserai pas l'éloigner de moi. Quant à S., je sais qu'il se fait moins sentir dernièrement, car tu prends trop de place et qu'il a bien du mal à se manifester sans que tu l'étouffes ensuite avec ton vide.

Oh, et ta meilleure amie, A., je la vire aussi. En fait, je commence par elle, parce que j'ai vachement l'impression que c'est elle qui t'a invitée quand elle a vu que j'avais découvert son subterfuge.

Puisque vous êtes comme les deux doigts de la main, tu ne m'en voudras pas d'espérer que son départ provoquera le tien, hein? Je te jure, ses affaires, je suis en train de les plier soigneusement depuis quelques semaines, en savourant chaque élément que je remets dans sa valise. Comment, elle n'en avait plus? Oh, mais tu le savais pas? Je lui en ai acheté une la semaine dernière. La tienne, elle est juste à côté, il y avait un solde. En plus, vos bagages sont assortis!

Profites bien de tes derniers instants, D., parce que dès que je me serai occupée des affaires d'A., je me charge des tiennes.

Tu ne pourras pas dire que je ne t'avais pas prévenue.

(Pas très) Cordialement,

L.

L. = Lucidité
A. = Anxiété
S. = Sourire
I. = Inspiration
Cousine = Déprime
D. = Dépression

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