Chapitre 7 : Révélations
Le jet volait déjà dans la stratosphère à vitesse supersonique, pilotée de main de maître par Hector qui le connaissait par cœur. Joanie et Marie étaient les passagers privilégiés de ce vol en première classe pour les États-Unis, plus spécifiquement pour la Californie. Marie avait rassemblé toutes les informations dont Hector avait besoin pour résoudre les dernières énigmes de cette enquête peu ordinaire qui l’avait fait replonger dans le grand bain de ses activités secrètes, suspendues depuis quelques années.
— Marie, montre-moi ce que tu as trouvé sur l’accident. Il a pu t’aider ?
— Il m’a aidée. Regarde, le rapport d’enquête de l’assurance. Tu avais vu juste, une corde de rappel a été sabotée. Mais le copain du cousin était déjà reparti pour la France. Et, tu t’en doutes maintenant, il avait pris une fausse identité.
— Tu as trouvé des photos ?
— Juste des images des caméras de surveillance aux aéroports. On l’a vu entrer dans l’avion, personne ne l’a vu ressortir. Regarde, ça, c’est lui.
— Et rien d’autre ?
— Il a étudié les diverses images retrouvées à Charles de Gaulle, comparé les corpulences à celle du copain. Il y aurait ce type, là. Celui-ci, aussi. Et encore celui-là. Il n’a pas pu être plus affirmatif que ça, mais je dois reconnaître que ce n’était pas simple, en si peu de temps…
— C’est largement assez. Celui à qui tout le monde pense mais qu’on a éliminé tout de suite, de gros moyens, une motivation sans pareil…
— Je te suis, mais… Comment est-ce possible ? On n’avait pas…
— La clinique de Santa Monica, c’est la clé, c’est là qu’on va.
— Mais c’est quoi, cette clinique ? demanda Joanie. Il y a quoi, là-bas ?
— L’oncle de ton père, répondit Hector, qui a offert une couverture idéale à notre tueur machiavélique. Mets ton cadeau, pour ta sécurité. Maintenant.
— Tu es sûr ? s’inquiéta Marie. Elle est jeune… Et la tenue ? Elle vaut quoi ? Tu as vérifié ?
— J’ai confiance, dit Hector d’une voix rassurante, en eux deux. J’ai besoin que tu restes dans le jet, à l’écoute. Jo et moi, on descendra avec le module.
Le module était un petit engin indépendant, arrimé à l’arrière du jet, qui faisait partie des dernières nouveautés que Fred avait offertes à son ami. Il avait fait l’objet d’une étude poussée depuis plusieurs années, et sa fabrication avait été mise en chantier dans les semaines qui avaient suivi. Cependant, il avait pris la poussière après les phases d’essai, n’ayant jamais été livré au centre, après que Fred eut rompu toute relation avec l’équipe d’Hector. Ce n’était que plus récemment que l’ingénieur avait montré l’engin à un jeune pilote de vingt-et-un ans, lors d’une rencontre secrète à l’initiative de ce dernier.
Ce module était commandable à distance, motorisé, et permettait à deux personnes de s’envoler discrètement dans un rayon de trente kilomètres et de revenir au point de départ. L’autonomie relative de l’engin n’autorisait certes pas de grands voyages mais, couplé au rayon d’action du jet, l’engin offrait à ses utilisateurs la possibilité de finaliser une approche de la cible visée dans les meilleures conditions.
Arrivés à la verticale de l'UCLA Medical Center, Hector et Joanie sortirent du jet avec le module, et se rapprochèrent de la clinique, discrètement. Ils entrèrent dans le bâtiment désert et se dirigèrent vers le bureau du Docteur Winter. Ce dernier était assis dans son fauteuil, à son bureau, il avait visiblement subi les foudres d’une brute qui ne lui avait laissé aucun répit. Hector joignit Marie par radio.
— Marie, on a trouvé Winter. Il a l’air mal. Jo va le scanner. Donne-nous des infos, rapidement.
Le résultat de l’analyse tomba après une demi-minute. Marie communiqua d’une voix grave.
— Il est vivant. Hémorragie interne, il lui reste quelques minutes, tout au plus.
Hector s’adressa au médecin sur le point de rendre l’âme.
— Winter, qui vous a fait ça ?
— Monsieur Fischer ? Que faites-vous encore ici ? Fichez le camp !
— Winter, vous avez vécu en faisant des trucs moches toute votre vie. Vous allez mourir, il n’y a rien que je puisse faire pour changer ça. Faites un truc bien, une fois dans votre vie, juste avant de mourir. Donnez-moi des réponses. Qui vous a fait ça ? Un homme, une femme ?
— Je n’ai rien pu voir. C’était… bizarre, comme une présence.
— Winter, le type qui vous a parlé de moi, autrefois, vous le connaissiez déjà ? D’avant ?
— Mais non ! Jamais ! Je ne l’avais jamais vu…
— Je suppose que vous savez, maintenant, ce qu’il est advenu de votre neveu, John… Winter, sa femme, Hélène, que savez-vous ? Dites-moi…
— Cette salope voulait me faire tomber… couler la clinique… Et je laissais quoi à mes héritiers, moi ?
Hector se tourna vers Joanie et l’invita à venir montrer son visage à son grand oncle.
— Approche, ôte ta cagoule.
Winter, dont la vue donnait déjà de graves signes de faiblesse, annonçant la fin imminente de son existence, était maintenant perdu.
— Non, ce n’est pas possible, il m’a assuré que tu étais morte. Tu as été tuée par ses hommes avant d’avoir eu le temps de raconter ton histoire, de montrer tes preuves… Pourquoi a-t-il fallu que tu épouses mon neveu. Tu n’as apporté que le malheur à ma famille…
Hector avait, par ce piège facile, obtenu une confirmation de ce qu’il avait subodoré depuis sa dernière rencontre avec le docteur.
— Vous lui avez donc réclamé sa tête, et il vous l’a promise, c’est ça ? Écoutez-moi bien, Winter. Tout ce qui est ici sera rassemblé et publié, les activités clandestines de cette clinique, tous ses clients, depuis l’époque de votre père… votre mort est imminente, maintenant, vous allez bientôt rejoindre votre père en enfer. Votre fils sera sûrement condamné, pour son implication, pour vous et pour son grand-père, il finira ses jours en prison. Votre petit fils, lui, héritera de ce que vous lui laissez, le nom, la réputation, en un mot, l’infamie…
— Mais, je vous ai dit la vérité, c’est ce que vous vouliez. Par pitié, implora le docteur Winter, ne gâchez pas sa vie…
— Winter, vous avez fait partie d’un complot qui a tué ma famille et mes amis… Dieu pardonne à ceux qui le lui demandent. Je ne suis pas Dieu. Vous aurez l’éternité de l’enfer pour y réfléchir. Je m’en vais rassembler toutes vos reliques.
Sur cette information qui ne lui laissa aucun espoir de mourir apaisé, Winter s’étouffa dans un flot de sang et rendit son dernier soupir. Une voix sortit alors aussitôt d’un haut-parleur.
— Je pense que tu ne vas rien rassembler du tout, mon ami…
Cette voix, Hector la reconnut immédiatement, et n’en fut pas surpris le moins du monde. Tout juste était-ce là la confirmation de ce qu’il avait déjà compris. Le jeune homme dont la photo était appairée à celle du jeune chauve, sur le mur de la chambre secrète derrière le bureau du docteur, était évidemment celui avec qui il s’était lié d’amitié, et qui cachait, sur ses joues velues, les cicatrices d’une opération de réparation chirurgicale passée.
— François ? Alors tu es venu jusqu’ici, toi aussi ? Et tu as mis fin à ton alliance opportuniste. Une relation de près de vingt ans ?
— On dit qu’un clou chasse l’autre…
— Et tu as une nouvelle amie, avec d’autres compétences que Winter, mais intéressantes tout de même.
— Je vais te surprendre, allume le moniteur, sur le bureau… en fait, j’ai deux nouvelles amies…
Reconnaissant la jeune femme blonde aux lunettes colorées qui était ligotée sur le toit du bâtiment, Hector s’emporta.
— Espèce de salopard ! Pour Nathalie, je peux comprendre, mais Angélique, il a fallu que tu l’impliques.
— Surveille ton langage, je te prie. Et puis, de ce que j’ai entendu, tu n’es pas seul non plus… à qui avons-nous affaire ?
— Entendu ?
— Oui, niveau surveillance, ce bon Docteur Winter n’était pas au top, même pas de circuit vidéo. Et toi, tu as la mauvaise habitude d’arriver toujours trop tôt. Je n’ai pas eu le temps d’installer quoi que ce soit dans le bureau… Alors, ne me fais pas languir… tu es avec qui ?
— Plus tard ! Relâche Angélique ! Elle n’y est pour rien ! Elle n’a rien demandé à personne ! Je parie qu’elle ne sait même pas pourquoi elle est là !
— Écoute, tu n’as qu’à me rejoindre, je suis au dernier étage. On discutera des plans que j’ai pour toi…
— Ne t’en fais pas, moi aussi j’ai des plans pour toi. J’arrive, je viens te filer une raclée, ne te défile pas.
Hector regarda Joanie sans un mot, indiquant simplement, en posant son index sur ses lèvres, qu’elle devait garder le silence, et tous deux sortirent sans bruit du bureau de Winter, pour rejoindre la cage d’escalier. Joanie ne comprit pas ce choix.
— Pourquoi pas l’ascenseur ? Treize étages…
— Ici, il y a peu de chance qu’il nous écoute. Là-haut, tu remettras ta cagoule et tu passeras en mode furtif. Et ne me suis pas tout de suite. Attends le meilleur moment. Ne laisse pas ta signature thermique te trahir.
Hector tira la dernière porte de la cage d’escalier. Le couloir était bordé, de son côté, d’un mur blanc immaculé, percé simplement d’une deuxième porte, double, celle de l’ascenseur, et, en face, d’une longue baie vitrée, derrière laquelle un bureau équipé de multiples postes informatiques ainsi que d’un petit salon, canapés en cuir et table basse en verre, était occupé par François et une personne cachée dans une armure flambant neuve, qu’Hector reconnut comme étant Nathalie.
Hector avait démonté le ressort de rappel de la porte de service qu’il avait laissée ouverte. Il la franchit seul, traversa le couloir et ouvrit la porte vitrée qu’il laissa, à dessein, ouverte, elle aussi. Il avait encore en mémoire les conseils de Fred, ses pensées sur les évolutions possibles de l’équipement de son ancienne équipière, ainsi que sa prestation lors de leur précédent affrontement, et décida de supprimer l’un de ses avantages. Il lui fallait jouer sur un point qui réveillerait la colère de Nathalie, de façon à lui faire baisser sa garde.
— Nathalie, j’ai vu ta photo sur le mur… J’ose espérer que tu n’as pas encore laissé ces gens massacrer ton joli visage…
La ruse réussit et Nathalie enleva son casque, se privant du même coup de son dispositif de vision thermique intégrée.
— Mon joli visage ? Arrête ton cinéma… Tu l’as regardé des centaines de fois sans jamais le voir, ce visage…
François sentit que Nathalie tombait dans le piège d’Hector et voulut reprendre le contrôle de sa nouvelle alliée.
— Allons, ma chère, pas la colère… Souviens-toi de ce que je t’ai dit…
— La ferme, coupa sèchement Nathalie, ton plan de grande envergure, je m’en tape, c’est entre lui et moi, maintenant. Pas de promesse, pas de politique, juste une bonne vieille vengeance, à l’ancienne.
— La vengeance, raisonna Hector, tu sais que c’est l’histoire de sa vie ? Une noirceur qui le consume depuis un quart de siècle. Il s’est servi de toi, comme de tant d’autres, pour faire avancer son plan. C’est à moi qu’il en veut. Sais-tu seulement qui il est ?
— Alors tu as enfin compris ? Ça t’a coûté cher, jubila François.
— Bien trop cher. Et je viens te présenter la facture.
— Mais de quoi parlez-vous ? demanda Nathalie, soudain déstabilisée. Je ne comprends pas…
Mais François continua, s’adressant à son collègue de bureau.
— Tu ne vas rien me présenter du tout. Nous avons rendez-vous, ce soir, tous les deux, nous sommes attendus, je ne te dirai pas où, surprise, un vieil ami d'enfance qui veut te rencontrer… Mais si je devais ne pas venir, alors, il y a tant de choses… tant de choses que tu ne sauras pas…
— Il y a déjàtant de choses que je sais, tant de choses que j'ai comprises, répondit Hector, qui relança, dans cet échange, pour renseigner aussi bien Nathalie que Marie, laquelle enregistrait le signal radio qu’elle recevait toujours.
— Que tu as comprises ? demanda François, montrant une fausse naïveté pour cacher une certaine jubilation de voir son plan expliqué dans le détail.
— Tu t’es débrouillé, il y a bien longtemps, pour trouver Hélène, tu as monté un bobard incroyable pour lui donner l’idée de s’expatrier, tu lui as ouvert la voie pour qu’elle vienne travailler dans cette clinique.
— Très fort, quasiment aussi fort que mon plan, non ?
— Tu voulais qu’elle soit loin, qu’on se lamente, là-bas, de son absence. Son frère avait raison à ce sujet…
— Un sacré con, celui-là, s’indigna-t-il faussement, même pas à la hauteur de mes espérances, je vois… Figure-toi qu’il devait te faire cracher tes dents, t’affaiblir avant notre rencontre finale. Histoire de réduire ton avantage…
— Alors lui aussi ? Qui encore ? John, le neveu de Winter ? C’était lui, l’industriel américain, celui que tu as rendu responsable du chômage puis du cancer de ta mère, je me trompe ? Je sais déjà pour son cousin… Tu as fait venir Hélène ici pour quoi ?
— Je devais l’impliquer dans une tentative de meurtre, pour venger ce qu’il avait fait à ma mère. Il faisait tuer ta princesse, je faisais d’une pierre deux coups… Tous mes plans, tout mon plan était parfaitement huilé, et tu as presque tout gâché, étape par étape. Heureusement, pour Jones, j’ai eu une seconde chance, j’ai pu avoir sa peau il n’y a pas si longtemps, chez lui, tu te souviens ? Et toi, ce soir, tu ne pourras pas échapper à ton destin… On entre dans la phase finale, mon ami.
— C’est dramatique de voir à quel point tu es un grand malade, reprit Hector.
— J’ai des excuses, tous les psy de la terre te le diront. Avec l’enfance que j’ai eue, à cause de vous deux, toi et Jones, ça ne pouvait que mal finir.
— Ne te réfugie pas derrière ces malheurs ! Ton père était un meurtrier, il s’est fourré tout seul dans la mouise.
Cette dernière phrase d’Hector provoqua une métamorphose de François, qui libéra toute sa colère.
— Il est mort par ta faute ! Et à cause de cette salope de Marie !
— Dis-moi, de quoi vous parlez ? demanda Nathalie, soudain sortie de cette espèce de paralysie de stupéfaction en entendant ce nom.
— Tu sais parfaitement que ce n’est pas vrai, reprit Hector, ignorant son ancienne amie. Et ta mère, elle, n’a pas eu de chance, mais ça arrive à des tas de gens.
— Non, c’est faux ! Si l’autre enfoiré d’américain arrogant ne l’avait pas foutue à la rue, elle ne serait pas tombée malade, elle serait toujours en vie. Au lieu de ça, elle est morte alors que j’avais encore besoin d’elle, je n’étais encore qu’un gosse ! Ce fumier devait payer pour ce qu’il a fait !
— Mais tous les orphelins ne deviennent pas des tueurs psychopathes. Tu aurais pu choisir une autre voie, dès le début. Quand tu es venu me voir, à l’hôpital, tu parlais de devenir un étudiant brillant. Tu as réussi, tu pouvais avoir une vie normale. Mais c’est toi, tout seul, qui as préféré entretenir ta colère et ta haine.
— J’ai consacré du temps à élaborer ce plan parfait, reprit François, de nouveau calmé, comme par magie. Ç’aurait été dommage de ne pas le mettre à exécution.
— Si ton plan est tellement bien huilé, provoqua Hector, dans l’espoir de déstabiliser son interlocuteur, tu sais où tu peux te le carrer…
— Ne parle pas comme ça, ce n’est pas toi… Je dois t’emmener à ton rendez-vous, ce soir… Elle va m’aider à te convaincre… Il te reste tellement de choses à découvrir.
— Comme quoi ? La superficialité de tes liens avec Nathalie ?
— Mais qu’est-ce qui se passe, ici demanda Nathalie, surprise d’entendre que, tout à coup, elle devenait l’objet de la discussion entre les deux hommes.
— Des choses, continua François, ignorant toujours celle qu’il avait définitivement corrompue, comme tout ce que j’ai vraiment fait pour te faire souffrir, des choses comme quel est le vrai potentiel de ta petite stagiaire, des choses comme le poids d’un immeuble de treize étages sur tes larges épaules…
— Quoi ? Au lieu d’installer un système de vidéosurveillance dans le bureau de Winter, tu as perdu du temps à gaver l’immeuble d’explosifs, juste pour l’effondrer sur nous, même au risque de passer l’arme à gauche, toi-même ?
— Qui te dit que j’ai posé des explosifs ? Il y a d’autres moyens de faire tomber des murs, tu sais ? Mais oui, tu le sais, tu as travaillé sur ce sujet, il y a quelques années. Et tu avais fait arrêter un vieil ami à toi. Mais il est sorti, et, entre temps, il a fait développer de son côté l’engin que tu lui avais confisqué. Tu ne le savais pas, ça ?
— Il y a une chose que je sais, c’est que tu es un grand malade, obsessionnel, qui n’hésite pas à enlever, à tuer des innocents, je vois que tu es même prêt à faire écrouler ce bâtiment sur nous, pour te bercer d’illusions, depuis plus de vingt-cinq ans, sans avoir jamais tourné la page.
— Merde, réagit soudain Nathalie, Hector, tu peux arrêter de faire comme si je n’étais pas là ? De quoi tu parles, bordel ?
— Plus judicieuse serait la question : à qui tu parles, bordel ? reprit François.
— Quoi ? demanda Nathalie, prenant conscience qu’une information importante lui avait sans doute échappé.
— François Muslin est un pseudonyme, expliqua Hector, pour cacher son ancienne identité. Une anagramme pourtant simple que je n’ai jamais relevée. Ta volonté de te venger de moi, elle t’a aveuglée. Je parie que ton casque permet de scanner ce type, mais tu n’y as même pas pensé.
Nathalie remit son casque, observa François à l’aide d’une vision par rayons X, et eut la désagréable surprise de voir que sa mâchoire et son avant-bras étaient en fait des prothèses métalliques.
— Qu’est-ce que c’est que ce bordel ?
— Ce pseudonyme devrait te mettre la puce à l’oreille. Francis Moulins était son père. Ta sœur, les électrochocs, la prise d’otage, c’était lui, Alban. Et le type que j’ai poursuivi, qui est tombé de la falaise, il nous a fait croire que c’était lui, quand on a retrouvé un morceau de bras et un maxillaire. Triste et macabre mise en scène. Élisabeth, et Bruno, et Roger, c’était encore lui, mais, cette fois, avec ton aide… Tu t’es fait avoir, comme nous tous. Et tu t’es égarée sur un chemin dangereux qui ne t’honore pas.
Nathalie, envahie par la colère, se jeta sur François. Hector intervint pour l’empêcher de le tuer et le combat s’engagea entre les deux anciens équipiers dont la complicité avait définitivement disparu.
— Nathalie, arrête, il doit être jugé !
— Il a déjà fait de la prison, il n’y est pas resté ! On a tous vu le résultat ! Laisse-moi le punir définitivement !
— Tu sais bien que je ne peux pas ! Je ne te laisserai pas faire !
— Alors tu vas payer le prix de ton ultime trahison !
François, jubilait de voir la dernière étape de son plan se dérouler comme il l’avait prévu. Il redevenait Alban, l’homme qui avait été à l’origine de la mort de son père allait enfin être puni, mieux encore, il allait périr du bras de son ancienne amie, que lui-même avait armé.
— Bien, déchirez-vous. Mais laisse-m’en un peu…
Soudain, avant même d’avoir eu le temps de finir sa phrase, François eut le souffle coupé. Alors que les diverses lames du costume de Nathalie échouaient systématiquement sur les avant-bras armés d’Hector, François sentit une violente douleur ponctuelle dans le biceps du bras gauche, puis aussitôt dans la cuisse droite. Bien qu’aucune blessure apparente ne lui donnât d’information sur ce qui lui arrivait, François sentit une angoisse monter en lui quand il vola par à-coups dans la pièce, se tordant de douleur de façon erratique. Hector virevoltait pour esquiver les attaques de Nathalie, moins vive que lui, comme l’avait prévu Fred. François tomba tout à coup sur le bureau de verre qui se brisa en milliers d’éclats, au moment où Hector parvint à saisir Nathalie par le cou. François passa à travers la paroi vitrée, et se retrouva dans le couloir, ne comprenant pas ce qui lui arrivait. La porte de l’ascenseur s’ouvrit et présenta un gouffre de vide, derrière François, incrédule. La force qui le retenait se concrétisa soudainement lorsque Joanie quitta le mode furtif et ôta sa cagoule, arrachant la seule question possible à François.
— Putain, t’es qui toi ?
— Fais un effort, connard, il paraît que je ressemble à ma mère…
— Incroyable, la fille cadette d’Hélène…
— Non! Juste un ange de la mort. Et je viens te chercher, du con !
— Jo, non, supplia Hector qui voulait éviter de voir l’immeuble s’effondrer avant d’avoir pu sauver une dernière innocente, prisonnière sur le toit, ne fais pas ça !
Mais Joanie, qui ne l’avait pas entendu, asséna à François un coup de pied de côté à l’estomac. Déséquilibré, ce drenier bascula dans le vide. Profitant de l’effet de surprise, Nathalie planta une lame dans le bras d’Hector, sur un coup de pied retourné circulaire. Hector, de son autre bras, tout en ignorant la douleur, lança un coup de poing de revers à Nathalie, qui vacilla. Elle se rua de nouveau sur Hector, qui coupa son élan d’un coup de pied de côté au menton. Alors qu’elle s’écroula, un énorme craquement se fit entendre dans le bâtiment. De la poussière tomba du plafond. Hector appela dans l’urgence.
— Jo, viens là, dépêche !
Joanie accourut auprès d’Hector qui releva Nathalie, inanimée. Une corde fut nouée entre les trois corps qui se jetèrent par la fenêtre. Hector pianota sur son avant-bras blessé, le drone surgit et récupéra les trois corps en chute libre, alors que l’immeuble s’effondra dans un terrible nuage de poussière.
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