Chapitre 61 : Point final
À Matt, Sabrina, et Maeva,
Je ne sais pas comment commencer cette lettre. Je ne sais même pas pourquoi je l’écris. Vous ne me lirez peut-être jamais, et même si vous le faisiez, je doute que mes mots changent quoi que ce soit.
Mais je dois écrire. C’est tout ce qui me reste.
Matt,
J’ai détruit tout ce que nous avions. Tout ce que tu m’as donné.
Tu m’aimais, et moi, je t’ai trahi. Non, pire : je t’ai utilisé. Je t’ai pris ton amour comme une bouée de sauvetage, un pansement pour mon vide intérieur. Tu croyais que j’étais forte, douce, honnête. Mais la vérité, c’est que je ne suis rien de tout ça. Je suis un mensonge ambulant, une ombre qui s’accroche aux autres parce qu’elle ne sait pas comment briller seule.
Tu ne le savais pas, Matt, mais chaque fois que je posais pour lui, chaque fois que j’obéissais à ses ordres, c’était ta voix que j’entendais dans ma tête, me suppliant d’arrêter. Mais je ne t’écoutais pas. Je continuais. Je continuais parce que je croyais que c’était tout ce que je méritais. Et maintenant, regarde où cela nous a menés. Je t’ai perdu. Et c’est tout ce que je mérite.
Tu as raison de me haïr. J’ai tout gâché. J’ai brisé ton amour, ton respect, et je n’en vaux même pas la peine.
Mais sache une chose, Matt : je t’ai aimé. Même si je ne savais pas comment le montrer, même si je ne le méritais pas, je t’ai aimé de tout mon cœur. Et je suis désolée. Désolée de ne pas avoir été la fille que tu méritais. Désolée d’avoir souillé ce que nous avions. Désolée de t’avoir fait croire en moi, alors que je ne croyais même pas en moi-même.
Sabrina,
Tu étais ma sœur de cœur, la seule personne qui me connaissait mieux que moi-même.
Mais tu ne savais pas tout. Comment aurais-tu pu ? Je ne t’ai jamais laissé entrer complètement. Je t’ai menti, encore et encore, parce que j’avais honte. Honte de ce que j’étais. Honte de ce que je devenais.
Je vois encore ton visage ce jour-là, dans cet entrepôt. La façon dont tes yeux se sont posés sur moi, incrédules, horrifiés. Tu n’as même pas eu besoin de parler pour que je sache que tout était fini.
Tu as raison de m’en vouloir, Sabrina. Tu as raison de me détester. Je ne suis pas celle que tu pensais. Je ne suis même pas sûre d’avoir jamais été ton amie. J’ai pris ton amitié pour acquise, je l’ai utilisée comme un refuge, et je l’ai trahie à chaque mensonge que je t’ai raconté.
Mais je t’aimais, Sabrina. Je t’aimais comme une sœur. Et perdre ton amitié, c’est comme perdre une partie de moi-même.
Maeva,
Je ne sais même pas par où commencer.
Tu étais tout pour moi. Ma meilleure amie, ma confidente, celle qui savait toujours quoi dire pour me faire rire, pour m’apaiser. Et toi, tu as attendu dans l’ombre, patiemment, en nourrissant une haine que je n’ai jamais vue venir.
Je comprends maintenant. Je comprends que tout ce que tu as fait était pour Marius. Pour ton frère. Pour ce jour-là, au bord de la rivière, où tout a basculé. Je n’oublierai jamais ce jour, Maeva. Pas une seconde. Pas une minute de ma vie n’est passée sans que je me rappelle ce que j’ai fait. Ce que j’ai causé.
Tu étais brillante, Maeva. Brillante dans ta haine, dans ta vengeance. Même maintenant, alors que je m’effondre sous le poids de ce que tu as fait, une part de moi ne peut s’empêcher de t’admirer. Tu m’as comprise mieux que personne. Tu savais exactement où frapper, et tu n’as pas manqué une seule cible.
Tu as gagné. Et moi, je m’incline devant toi. Parce que c’est tout ce que je peux faire.
Merci de m’avoir détruite, Maeva. Parce que c’est dans cette destruction que j’ai découvert qui j’étais vraiment, même si je n’ai pas su quoi en faire.
Et maintenant…
Vous avez tous raison.
Je suis un monstre. Une menteuse. Une égoïste. J’ai détruit tout ce que je touchais, tout ce que j’aimais. Je ne mérite ni votre pardon, ni votre pitié. Je ne mérite rien.
Je ne suis plus qu’un vide. Une coquille. Une ombre.
Et je ne veux plus vivre comme ça.
Ce soir, je vais avaler cette boîte de somnifères.
Puis je vais aller prendre un bain. Un bain chaud. Un bain long.
Une part de moi espère encore que quelqu’un lira cette lettre avant qu’il ne soit trop tard. Mais je sais que ce n’est qu’un rêve. Un rêve que je ne mérite même pas d’avoir.
J’ai besoin de repos. D’un repos que je n’ai pas trouvé depuis des années.
Un repos profond. Un repos éternel.
Adieu.
Cloé
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