Chroniques d'un Porteur de Lumière
Je lui tendis une bière et m’assis sur le fauteuil en face d’elle. Habillée d’un vieux jogging à moi et d’un T-shirt trop grand, elle avait pris la bouteille d’un geste machinal. Ses longs cheveux humides tombant sur ses épaules lui donnaient un air abbatu. Elle semblait se ratatiner dans le canapé miteux qui tronait fièrement au milieu de mon salon. Son regard, perdu dans le vide, n’arrangeait rien au tableau.
Je bus une gorgée et attendis qu’elle veuille bien ouvrir la bouche. Je lui avais dit de prendre tout le temps qu’elle désirait mais ma patience commençait à s’étioler. J’avais presque finis ma bière quand elle daigna enfin lever la tête. Nos yeux se croisèrent un long moment avant qu’elle ne les baisse à nouveau. Je finis ma bière et jetai la bouteille dans le pot en fer qui me servait de poubelle. Alors que je revenais avec une nouvelle en main, je repris ma place devant elle.
Elle commença à parler, sans pour autant lâcher le sol des yeux cette fois.
– Vous êtes un Lumineux, n’est-ce pas ? demanda-t-elle.
Je m’éclaircis la voix avant de répondre.
– Normalement, je n’ai pas le droit de parler de ça mais…
Je contemplai les restes d’un katana négligemment posé sur la table. Seul le pommeau et une petite partie de la lame avait résisté.
– Je crois que vous savez déjà pas mal de choses.
Elle se toucha les côtes en grimaçant.
– Pas assez, on dirait.
– Faut dire que s’attaquer à un Ombrume avec une lame, c’est pas la meilleure des idées. Encore moins quand ils sont trois.
Elle me foudroya du regard.
– Vous avez bien une épée, vous !
– Faite en celestium. Quant à mes balles, elles sont en adamantium. Ça ne les tue pas mais ça les ralentit assez.
Je me levai et fis les cent pas.
– Voyez-vous, il nous faut rivaliser d’astuces et de technologies pour contrer tous les outils innés dont ces monstres disposent. Et croyez moi, ils n’en manquent pas. Entre leur dents, leurs griffes. Sans parler de leur force destructrice. Traquer un Ombrume avec une arme humaine, c’est signer son arrêt de mort.
– J’essaierai de m’en souvenir.
– C’était pas vraiment la réponse que j’attendais.
– Vous pensez que je vais sagement rien faire alors que des tueurs surnaturels sont dehors. Ecoutez, ces monstres ont…
– Non mais j’en ai rien à foutre de votre histoire !
J’avais haussé le ton tout en la fixant.
– Vous n’avez rien pu faire face à eux. Si ce n’est jouir du privilège de mon aide. Vous n’êtes clairement pas équipée pour les affronter.
– Parce que vous oui. Les portes de camion font aussi partie de votre arsenal ?
– Ça, c’était de l’impro.
– La crème des Lumineux…
– Je suis pas un Lumineux, grommelai-je.
Je tentai de me calmer en me rasseyant. Je repris, plus posément alors que ses yeux me lançaient encore des éclairs :
-Je n'essaie pas de vous dissuader, d’accord. Enfin si, un peu. Parce que si vous réitérez l’exploit d’être figée de peur comme ce soir, vous n'allez pas faire long feu. Tout ce que je veux dire c’est que vous n'avez pas le matos. Merde, les Lumineux vont par trio et trimballent leur solarium partout où ils vont. Vous avez quoi à part la moitié d’une pauvre lame ?
– J’ai ça !
Alors qu’elle levait ses mains vers moi, une lumière jaillit de ses paumes pour inonder la pièce. Surpris, je n’eus pas le temps de réagir et fus aveuglé. Je l’entendis m’insulter de connard, ce qui était amplement mérité, puis la porte claqua. Ma vision pris de longues secondes à revenir à la normale.
Je me levai pour prendre mon téléphone resté sur mon bureau. La voix féminine qui me répondit était amusée :
– Un appel si tard ! Est-ce que c’est pour ce que je crois que c’est ?
– Non.
Je regardai la porte fermée.
– J’ai besoin d’une épée.
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