Procrastination en mi mineur
Je n’ai pas le temps d’écrire, c’est sûr. J’ai d’autres choses urgentes à faire, c’est sûr. Je devrais faire mes devoirs. Je devrais travailler mes instruments. Je devrais réviser le code. Mais je suis là. Je noie mes pensées d’automne, je les enveloppe dans les notes si douces d’un violoncelle. Elles se cognent en ricochets sur les cordes du piano, en face. Et j’écoute. Je ne peux que me laisser emporter par la mélodie fascinante qui coule dans mes oreilles. Comment une reprise d’un morceau si commercial peut-elle me transporter à ce point ? Je voudrais disparaître dans cette musique, immédiatement. Je ne veux plus être là. Je ne désire pas mourir, non, pas encore, je souhaiterais juste m’effacer, parfois. Je suis de trop souvent, je le sens. Je ne fais pas partie de ce monde, simple spectatrice trop inutile. Une rue bondée, les passants se pressent, tout se dépêche et je suis immobile sur le trottoir. Je gêne le mouvement général. Les gens me bousculent mais ne me voient pas. La première personne envahit mon texte et cet égocentrisme devient insupportable, alors que le souci est juste : s’effacer. Disparaître, un moment. Regarder le monde tourner sans moi. N’être pas capable de trouver la volonté qui pousserait à accomplir ses obligations ? Alors juste pouvoir s’allonger quelques jours et sourire et penser sous le violoncelle qui pleure de voir l’automne mourir. Trouver un peu de simplicité dans l’inertie amère que procure l’oubli, ou la disparition.
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