Il y a très longtemps, avant que la première étoile ne naisse, un dieu nageait paisiblement dans l'immensité du néant. Il flottait les yeux clos, le visage calme. Seul la douceur régnait jusqu'au jour où il tomba malade. À chaque quinte de toux, une galaxie émergeait du vaste océan noir. Plus l'espace devenait lumineux et plus le dieu faiblissait. Son corps était devenu un fardeau bien trop grand, qui n'arrivait plus à trouver sa place au milieu des cieux. Les planètes l'empêchaient de bouger… Le grand dieu était enfermé par lui-même dans un corps qui le dégoutait à présent, lui qui l'avait tant aimé auparavant… Sa maladie ne se calmait pas, elle s'aggravait même. Le dieu hurlait de douleur en sentant les planètes et les étoiles qui lui lacéraient la chair tant la place était restreinte. Et le sang du dieu banni coulait alors sur la naissance du monde.

Un beau jour, alors que le grand dieu agonisait, une lumière explosa au loin. Il s'agissait d'une femme, à peine plus grande que deux grosses planètes, elle faisait tout juste la taille de l'index du plus grand des géants. La déesse avait les cheveux et les yeux noirs bleutés avec des millions de minuscules étoiles à l'intérieur. Devant son corps nu et ses longs cheveux qui lui chatouillaient les chevilles, le dieu fut tout de suite frappé en plein coeur. Une si petite chose, si belle… Le grand dieu mutilé regarda la déesse qui s'approchait. Il envia sa petite taille ; il envia sa peau dépourvue d'entailles ; il envia sa liberté. La petite déesse vint lui chuchoter quelque chose à l'oreille. Sa voix était trop fine, il ne la percevait pas… Mais il comprit quand même ses mots : "Je t'aime". Ce ne fut qu'un simple murmure, si doux, comme un baume qui apaise les douleurs. C'est après avoir révélé son secret que le corps de la déesse explosa en une nouvelle galaxie. La violence de l'explosion tua le grand dieu. Et ce fut le dernier baiser.

Le monde évolua doucement sans dieu et la vie naquit sur plusieurs planètes.

Les hommes et les femmes qui foulèrent le sol des mondes créèrent de nouveaux dieux. Des dieux sans visages, que personne n'avait vus. Ils étaient devenus des légendes.

Un jour, un des nouveaux dieux prit forme humaine et engendra avec une femme, un enfant. Le numéro zéro, l'originel. Le dieu aima sa progéniture comme jamais il n'aima personne d'autre. C'était une petite fille aux cheveux noirs, à la peau plus pâle encore que la mort, et aux yeux identiques au charbon. Il savait que sa fille grandirait loin de lui, dans l'ignorance totale de l'existence des dieux et de sa véritable nature. Sans savoir qui était son paternel… Il savait qu'elle souffrirait, mais jamais il n'aurait pu imaginer à quel point…

Les frères et soeurs du dieu, étant jaloux de l'enfant, descendirent eux aussi sur les sols et y créèrent des enfants. Mais aucun n'égala la beauté de Ø.

On raconte aujourd'hui que Zéro a ressuscité… Et qu'elle ignore qui elle est…

Et son père l'attend toujours parmi les cieux.