Le marchand d’idées
La boutique du marchand d’idées n’était pas bien grande, mais les étagères croulaient sous le poids de ses nombreuses idées géniales.
Sa renommée dépassait les frontières, on venait du monde entier chercher les idées-forces que nulle part ailleurs on ne trouvait.
Les amateurs d’idées originales se bousculaient devant sa vitrine sur laquelle un panneau indiquait « Jamais plus d’un visiteur à la fois SVP. Merci. »
Quand chacun leur tour les clients poussaient la porte, une douce mélodie retentissait.
Le marchand d’idées apparaissait et dès cet instant on percevait bien que les idées étaient dans l’air.
Tous, avec une égale impatience, lui adressaient semblable demande :
« Je suis à court d’idées, que me proposez-vous ? »
Et à chaque fois le marchand se plaisait à leur répondre :
« Vous n’avez pas la moindre idée, pas même une toute petite derrière la tête ? »
C’est toujours avec soin qu’il lançait ses idées qui se bousculaient.
Celles-ci voulaient que l’on croie en elles, celles-là préféraient que nous mourions pour elles.
Le marchand n’était pas avare d’idées, et que l’on eût les idées larges ou pas, chaque idée qui s’imposait, bonne ou mauvaise, faisait s’envoler les idées reçues.
Celles qui posaient problème, tout comme celles qui ont de la suite dans les idées, ou encore les idées noires, les idées préconçues, les idées maîtresses, mais aussi les idées fixes, empêchaient le futur acquéreur d’avoir les idées claires.
Jusqu’au moment où, immanquablement, une idée de génie s’imposait.
Le client enfin heureux de s’être fait une idée, ne manquait jamais de remercier le brave marchand satisfait d’avoir fait passer ses idées.
Mais avant que le client ne ressorte de sa boutique, le marchand avait toujours la riche idée de lui en offrir une de rechange, car, prévenait-il, n’avoir qu’une idée en tête peut tourner à l’obsession.
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