I.

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Messieurs les jurés, chers collègues, messieurs les juges, il est temps, je crois, de clore ce procès. La défense a pu présenter toutes les preuves qu'elle retient contre mon client, M.Foudupont, qu'elle accuse du meurtre de Mme. Anne du Letaire, et pour lequel elle voudrait faire porter toute la responsabilité à mon client. Ainsi, l'est venu l'heure de mon plaidoyer, qui, je pense, je l'espère, saura clore tout débat.

Dans un premier temps, messieurs, mon client, nous le savons tous, a toujours été très clair sur le sort qu'il réservait à toute personne désirant traverser le pont qu'a souhaité emprunter Mme. du Letaire. Opérant même depuis plusieurs temps, notons bien que c'est la seule occasion qu'il eut pu saisir de mettre à bien ses paroles. Mais alors, la dame, qui avait bien échangé, et donc compris les conditions de M. Foudupont savait précisément, en traversant par cette passerelle, ce qu'elle encourait. Mon honnête client n'avait du fait plus le choix que de rester fidèle à ses paroles. Les deux avaient comme souscrit à un contrat oral de ce qui devait se passer, et la femme, en connaissance de cause, a fait un choix qu'elle seule pouvait alors prendre ! Ainsi, toute responsabilité devrait lui revenir à elle, ce serait ainsi pure logique !

Mais ne soyons pas si manichéen ! Cette sombre affaire repose sur bien des éléments que je m'efforcerai de vous détailler ici. Il y a bien des coupables de ces évènements ! Croyez-moi ! Et mon client n'en est finalement qu'une victime ! Oui ! Une victime ! Victime des choix d'autres individus qui nous ont amenés jusqu'ici !

Premièrement ! Sans vouloir non plus m'acharner sur cette dame, je me dois de rappeler que, dans le rapport de l'enquête préliminaire, il est inscrit au paragraphe 4 que, je cite : "A. du Letaire, s'étant adonnée à l'adultère à l'encontre de son mari M. André du Letaire, avec leur voisin, de l'autre côté du canal, M.Hamment...". Ainsi, ladite femme était, selon l'article 336 du code pénal, une hors-la-loi !
Le procès nous a aussi révélé que celle-ci était coupable de vagabondage et de mendicité ! Ajoutant à sa peine déjà lourde quelque importance !

Ainsi, n'allant pas plus loin, nous pouvons déjà facilement penser que mon client n'a en fait eut le rôle, dans cette malheureuse histoire, que d'un justicier !

Mais ne nous arrêtons pas là ! Si M. Foudupont est ici innocenté, laissez-moi vous expliquer qui, autre que Mme. du Letaire, est dans cette affaire condamnable ! Et tachons alors de prendre une décision qui soit réelle justice !

Dans un premier temps, M. Hamment, l'amant ! Qui devrait lui aussi être jugé d'adultère, connaissant parfaitement la situation de ses voisins ! L'homme a refusé l'aide demandée par une dame en détresse et sans le sou, tandis qu'elle l'implorait à sa porte ! Ne la laissant point rentré, au moins le temps que monsieur mon client s'en aille, la rejetant tel un vieux mouchoir sur le trottoir...
Et bien sur M. d'Ouane, passeur d'un second pont, qui refusât le passage de cette femme quand bien même elle lui eut expliqué tout de la situation, lui demandant un crédit qu'il aurait pu simplement accepter, la laissant là, dans la rue, sans moyen de rentrer chez elle, se rendant ainsi coupable de refus commercial déloyal ! Les deux pouvant être lourdement inculpé pour non-assistance à personne en danger, si l'on voulait, messieurs, rendre justice impeccable à ce procès, alors ces hommes devrait recevoir des peines adéquates à leurs méfaits !

Ensuite ! Portons notre attention sur M. du Letaire, le mari ! Victime d'une part, ile ne peut, lui non plus, s'en sortir sans une part importante de la responsabilité ! N'est-ce pas lui, travaillant du petit matin jusque tard le soir, ne rentrant dans son foyer que pour manger et dormir, qui a, finalement, poussé cette pauvre femme d'abord à rêver d'une meilleure situation, du moins, à un peu plus de considération et qui, après un temps noyée dans ces toxiques pensées induites par seul son mari, a dû passer à l'acte d'immondice l'ayant amener jusqu'à la mort, verdict auquel M. du Letaire avait, de toute façon, déjà condamné sa femme...

Et alors, me demanderez-vous, est-ce bien de sa seule faute s'il n'a pu trouver le temps pour donner à sa femme l'attention qu'elle attendait ? Et là-dessus chers jurés, colègues, messieurs les juges, je vous rejoins tout entier ! N'est-ce pas, en réalité, la faute de M. Gontran de Mans, l'employeur de M. du Letaire ?! Lui qui demande à son employé de travailler autant pour gagner le peu d'argent qu'il veut bien lui octroyer ! S'il le payait plus messieurs, l'homme aurait-il à partir si tôt le matin, à rentrer si tard le soir, exténué au point que cela l'empêche de combler promptement sa femme ? S'il avait moins à faire, n'aurait-on pas évité toute l'affaire qui nous prend à nous-même tant de temps ? Nous condamnant par la même occasion, nous aussi, à délaisser un peu plus nos fidèle épouses ? Qui sait si l'une d'entre elles n'a pas déjà rêvé de connaitre un peu plus le voisin ?!

Ainsi maintenant, vous le voyez bien, je donnerais pour ma part l'employeur comme accusé principal ! C'est, pour moi, le seul homme dont découle ce procès, et donc le plus important responsable dans cette misérable affaire qui nous vole un temps précieux !

Pour finir, je voudrais ajouter que mon client, M. Foudupont, est malade... Eh oui... On lui a diagnostiqué un trouble de la personnalité qui se caractérise par un comportement antisocial, une impossibilité à ressentir quelconque epathie... Le rendant même, selon quelque médecin de renom, inhumain...
Ainsi, permettez moi de vous poser une question, et de finir là-dessus mon argumentaire.
Pourrait-ce être réellement de sa faute ? Ne serait-ce pas là la preuve ultime qu'il n'y est pour rien, que la société, toute entière, n'est tout simplement pas adapté à monsieur mon client. Qu'il est lui-même le seul et unique innocent et que la défense se permet, au titre qu'il soit différent, d'accuser ce pauvre homme d'un crime dont on a vu qu'il avait mille autres suspects de bien plus grande envergure.
Comment alors pourrait-on rendre ce verdict dénué lui-même de compassion et d'empathie face à un homme souffrant...

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