Chapitre 5. Ambre et ses collègues

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Les trois compères rigolaient souvent des techniciens de radiologie ; trouvant ce métier stupide, réservé à une catégorie de population adorant se terrer dans des caves, derrière de murs et des tabliers en plomb. Ce qui leur donnait, à leurs yeux, un air tellement ridicule… Pour eux, seuls comptaient le paraître et l’avancement. Le reste, ils s’en moquaient, ou en jouaient...

Ils se sentaient tellement supérieurs à ces petits techniciens, eux qui ne s’adressaient qu’aux médecins et ne parlaient que de luxe et cadeaux griffés, comme ceux qu’ils transportaient pour les offrir à leurs clients. Qu’est-ce qu’ils rigolaient de voir les « technologues en imagerie médicale » discuter entre eux dans leur petit bureau quand ils n’étaient pas en salle d’examen, avec leurs tasses individualisées l’un avec des effigies Disney, l’autre avec un I love NY ou encore, « je suis un super papa ». Ils trouvaient cela tellement « grotesque » … Un jour, à la suite d’un énième fou rire de moquerie dont ils étaient friands, les trois compères avaient décidé de pousser la plaisanterie plus loin, en s’impliquant un peu plus et en s’octroyant un prix pour le gagnant… Parce que, « tout a un prix ».

Le « prix » de leur pari était un city trip à Barcelone, un voyage qu’avait reçu Alban, l’un des « joueurs » suite à une promotion… Un succès qui était remercié par ce genre de cadeau dans la société dans laquelle ils travaillaient. Pour Alban, mettre en jeu son « cadeau » était excitant ; il s’agissait de booster l’esprit créatif de ses collègues… L’aspect humain des victimes de ce pari n’avait aucune espèce d’intérêt.

Chacun avait son challenge ; Alban devait obliger le bègue à parler en public, avec 10 termes particuliers à lui faire dire, Denis devait draguer « l’obèse » voire coucher avec elle, ce qui lui donnerait un « bonus » dans le pari ; l’avion en first classe. Et Ambre, devait, elle, draguer « le roux », voire de coucher avec lui, ce qui, comme pour son collègue, lui fournirait le même « bonus ».

Les dés étaient jetés…

Seul, dans son salon, réfléchissant à la situation de l’époque, Louis se souvint que Sophie avait été très grossièrement draguée par un représentant médical à cette même période…

C’était justement de cela que Sophie venait lui parler quand elle était tombée sur Ambre et lui, dans le bureau. Sophie venait lui expliquer qu’elle était « lourdement draguée » par un représentant médical qu’elle ne connaissait que de vue. Elle venait de l’éconduire assez sèchement et espérait trouver Louis dans le service afin de sortir de l’hôpital avec lui parce que la personne en question faisait le pied de grue devant la sortie du personnel…

Lorsque Louis et Sophie avaient quitté l’hôpital, il était effectivement là, Louis avait eu le loisir de le dévisager et ce dernier n’avait pas osé approcher Sophie en sa présence.

Par la suite, cela s’était très mal passé, cet homme s’était montré harcelant à l’encontre de Sophie, la poursuivant partout ; à la cafétéria, dans les couloirs de l’hôpital…

Sophie avait fini par s’en plaindre à ses supérieurs, et, pour compléter le témoignage d’une infirmière, la direction lui avait demandé d’autres preuves. Du coup, dès qu’elle en avait eu l’occasion, Sophie avait pris le temps et le courage de filmer et d’enregistrer discrètement, avec son téléphone portable, les moments où Denis la suivait dans les couloirs et lui faisait des propositions très directes et très crues, ou encore les moments où il tentait une approche plus physique, comme par exemple lorsqu’il tentait de la coincer et de l’importuner dans l’ascenseur…

Louis se souvint de ce qui heurtait le plus Sophie à l’époque, comme elle le lui avait alors expliqué :

Il n’en avait rien à faire du fait que je sois mariée et maman, que je sois heureuse en ménage et pas du tout attirée par ce type un peu trop « tiré à quatre épingles » et pomponné à mon goût.

Elle ne comprenait pas cette attirance dont il lui parlait à tout bout de champ et elle avait, dès le départ, senti quelque chose de malsain dans toute cette situation. Elle ne fut que très peu surprise lorsqu’une notion de pari avait fini par ressortir des discussions que la direction avait eue avec les supérieurs de l’harceleur.

À la suite de cela, il y avait eu un petit scandale et les bruits de couloir au sein de l’hôpital, autour de cette notion de pari, de gain, de complicité… Denis, l’harceleur, ayant chargé ses collègues, Alban et Ambre.

Ces deux derniers avaient alors joué patte blanche tant au sein de leur boite que dans l’hôpital ; ils devaient absolument éviter de faire un impair et dévoiler la motivation première de leurs soudaines amitiés avec le personnel qu’ils n’étaient pas censés côtoyer dans le cadre de leur travail de représentants.

Sur base de témoignage et des vidéos et enregistrements faits par Sophie et dans lesquels Denis avait un comportement totalement inapproprié, il fut renvoyé pour faute grave.

Depuis cette affaire qui fit très mauvaise presse pour la société, la direction d’Alban et Ambre garda toujours un soupçon à l’encontre des deux collègues pointés par Denis. Les deux compères avaient été « vus en entretien » à plusieurs reprises et « surveillés », avec les rencontres « surprises » de certains membres de leur hiérarchie lorsqu’ils étaient à l’hôpital.

Louis, à cette époque, n’avait pas fait attention à ce genre de chose ; pour lui, Ambre était bel et bien amoureuse de lui, il n’y avait donc rien à craindre de ce côté-là…

Il se souvint du lendemain de leur première rencontre, elle avait répondu à son texto et lui avait donné rendez-vous pour prendre un lunch avec lui à l’hôpital.

Leur deuxième rencontre s’était révélée moins « chaude » que la première, mais tellement enivrante pour lui. Son orgueil de mâle, superbement gonflé par le fait d’être, au vu et su de tous, en train de se restaurer avec une si belle femme.

Qu’est-ce qu’il était fier et en même temps si nerveux… En fait, il n’avait pas osé y croire. Puis, il y avait cru, oh oui, pour lui, elle incarnait ce qu’il avait toujours attendu d’une rencontre : une bonne entente sexuelle, le projet commun de fonder une famille et voyager.

De fait, Ambre lui avait donné tout ce qu’il voulait entendre… Son but à elle étant bien ailleurs !

Elle avait retrouvé ses compères la veille, autour d’un verre, et ils avaient échangé par rapport à leurs « avancées » dans le cadre du pari.

Ambre comprit qu’elle avait de l’avance sur ses deux complices lorsque Denis exposa ses « avancées » ;

— Alors, vous en êtes où Ambre, Alban ? Moi, j’ai déjà pris contact, je pense que ça pourra se faire vite, même si elle dit que je ne suis pas son type d’hommes… Pff, elle m’a même dit qu’elle était heureuse en ménage et qu’un coup de canif ne l’intéressait pas du tout ! N’importe quoi !

— Moi, j’y vais mollo avec le bègue… Faut déjà qu’il arrive à me dire bonjour.

Alban éclata de rire. Après avoir plaisanté avec ses compères, Ambre, quant à elle, déclara :

— Eh bien moi, j’ai déjà pu tâter la marchandise !

Alban s’enquit,

— Ah ouais ? Et quoi, ça s’annonce bien au moins ? Histoire que tu ne sois pas frustrée au déballage !

Ils éclatèrent à nouveau de rire.

— Oui, mais moi, je trouve qu’Ambre à plus de facilité… On sait bien, nous les mecs, que quand un bon lot comme Ambre nous fait des avances, ben, tu réponds, sinon, c’est que t’es gay ! Perso, avec l’autre fille-là, je vais devoir draguer et être créatif… Ça ne peut pas rajouter un bonus en plus, ça, non ??

— Oh dis, arrête Denis, et tu ferais bien de la retenir un peu plus la Sophie, parce qu’elle m’a empêché de conclure ce marché dès ce jour en débarquant dans le bureau ! L’autre, il était chaud à point, encore une demi-heure et je gagnais haut la main le pari !

Alban se montra sceptique,

— Oui, c’est ça, c’est ça, mais n’oublie pas qu’on a besoin de preuve, ma chérie, un préservatif usagé n’est pas une preuve… Il faut une « reconnaissance publique », style, tu annonces à la cafeteria que vous sortez ensemble ou tu le travailles ouvertement pour bien montrer votre « degré d’intimité » tu vois, sinon, Denis aussi, il ramène une capote usagée et il dit que c’est celle utilisée avec Sophie. Comme pour moi, le bègue, il faut que « la preuve » soit fournie en place publique !

C’est avec la tête remplie de ces consignes-là qu’elle prit un lunch avec Louis… Et qu’elle se montra « tellement attentive » à tout ce qu’elle entendit de la bouche de Louis.

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