Dernière lettre d'amour

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Roxane,

Si toujours la vie m’a privé de votre présence, peut-être la mort daignera m’accorder cette faveur. Roxane, les mots sont comme des pierres dans mon cœur, m’enfonçant toujours un peu plus dans l’abîme de mes remords. Ces lettres, ma douce, n’ont jamais été écrites que par un fou, rongé par l’amour qu’il avait pour vous. Ces lettres ma belle, n’ont jamais été parcourues par la plume de feu Christian mais bien par la mienne inspirée de mon panache, piètre consolation de ma repoussante apparence. Personne n’appartient à personne en ce monde, et pourtant mon cœur est entièrement vôtre. Pourquoi faut-il que je vous aime, vous qui êtes si loin de moi ? Parmi toutes les blessures que le temps a pu m’infliger, celle qui ne se voit pas est la plus douloureuse. L’amour n’est rien s’il n’est pas partagé. Tendre Roxane, il m’a suffi de regarder une fois, une seule, l’azur de vos yeux pour vous écrire ces lettres, que vous avez si longtemps cru être celles de Christian. Le pauvre hère vous aimait, Roxane, n’en doutez point mais l’éloquence lui faisait défaut. Ses sentiments à votre égard n’en étaient pas moins brûlants, sachez ma douce que nul amour ne naît sans passion. Il est difficile de réduire mes sentiments à une simple lettre Roxane, il me faudrait un livre entier pour vous dire « je vous aime ». En lisant ces mots, je vous imagine plus belle que vous ne l’avez jamais été. Etes-vous attablée, au chevet d’un malade ou au milieu d’un jardin ? Pourquoi n’êtes-vous pas près de moi, pourquoi n’êtes-vous pas là où nous pourrions être ensemble ? Je croyais vous connaître mieux que personne, je trouvais en votre compagnie la chaleur de l’été alors même que l’horizon était blanc immaculé. Nos destins sont deux chemins semblables, Roxane, et nous seuls pouvons en faire une route unique. Puisqu’en ce bas monde je n’ai pu vous rejoindre, je vous trouverais parmi les cieux, mon étoile dans la nuit. Puisque vivant je n’ai pu vous atteindre, il me faudra pour vous renoncer à la vie. Voyez ! Je n’ai pas même le courage de quitter ma plume, je me réfugie derrière l’encre de mes larmes. Venez à moi, Roxane, m’arracher ce pupitre qui a causé déjà tant de mal et puissiez-vous m’absoudre de tous mes pêchés. Tuez-moi vous-même, ainsi vous vengerez Christian et m’enverrez aux portes de notre paradis, où je pourrais vous espérer chaque jour comme si c’était le dernier. Mais m’aimez-vous seulement ? M’aimez-vous assez pour me donner la mort ? Je n’aurais pas dû jouer avec la réalité en vous écrivant sous le nom de l’homme que vous aimiez, ou que vous aimez encore. Le théâtre est mon avenir, mais voilà qu’il devient celui qui y met fin. Faut-il que mon monde s’écroule pour qu’enfin je le comprenne ? Je vous aime, Roxane, et rien au monde ne pourra y changer quoi que ce soit ! Pas même vous. Pas même moi. A présent vous savez tout et je n’attends rien, seulement le trépas qui viendra me sauver. L’amour est cruel, mais peut-on lui en vouloir ? Contre lui, nous n’avons aucun pouvoir et les ailes qu’il nous confère nous permettront un jour, tendre Roxane, de voler côte à côte sans avoir à dire un mot, une lettre, et de changer ma plume noire d’encre en plume blanche, en plume d’ange.

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