IV
J’ai tellement tenu parole que mon premier ami je l’ai choisi justement pour ça, parce qu’il s’en prenait à tous les animaux qui avaient la mauvaise idée de passer pas trop loin de lui. Il nous racontait le lendemain à l’école ses expériences de la soirée.
Ses parents (sales cons !) lui avaient même acheté un pseudo microscope parce qu’il « adorait jouer avec les animaux et les étudier ». Le terme étudier n’était, au fond, pas trop mal choisi et il mettait beaucoup de passion et de précision dans ses « recherches ». Très assidu et méticuleux, il notait tout et, si je ne l’avais pas mis dans mes petits papiers, je parie qu’il serait devenu un grand tueur en série comme on nous en montre dans les séries américaines et les bonnes émissions d’Arte.
Tu sais, il est prouvé par des chercheurs très sérieux que les tueurs en série commencent toujours par maltraiter des animaux dans leur enfance. Toujours selon eux –et je pense qu’on peut leur faire confiance, les deux autres signes annonciateurs que tu vas devenir un tueur en série est de pisser au lit et d’adorer foutre le feu à tout ce qui brûle. Aussi loin que je m’en souvienne, je n’ai jamais foutu le feu à quoi que ce soit et j’ai pas pissé au lit au-delà d’un âge raisonnable. Comme quoi, tout est une affaire de volonté ! Quand on veut, on peut, même si on n’était pas destiné à faire telle ou telle chose.
Bon, j’en reviens à mon petit apprenti tortionnaire : ces animaux préférés étaient les lézards et, crois-moi, il y en avait vraiment beaucoup par chez nous.
Tu sais comment on attrape un lézard toi ? On n’apprend pas ça aux cours de catéchisme ! Je vais t’expliquer.
La première chose c’est la patience, il t’en faut pour la deuxième, l’observation. Tu ne peux pas attraper un lézard si tu ne sais pas où il se cache ! Tu dois connaître son trou dans le mur. Je te parle ici de lézards assez grands, environ 20 à 30 centimètres. Supposons que tu connaisses son trou. Tu dois après trouver un appât; je te conseille un insecte, genre mouche. Cette mouche tu dois la faire bouger un minimum, il n’est pas con le lézard. Ce qu’il faut, c’est attacher la mouche avec une petite brindille ou du fil de pêche très fin et l’agiter devant le trou. Il est vrai que tu peux l’attraper hors de son trou mais c’est très compliqué étant donné qu’il te voit venir avec tes gros sabots.
Donc (et n’hésite pas à m’interrompre quand tu vois que je pars dans des explications à la con et sans aucun intérêt) tu dois faire un peu bouger cette mouche devant le trou. Avec ta main libre, tu devras garder immobile un fil de pêche avec un nœud coulant à son extrémité ; nœud que tu auras pris la peine de confectionner avant. Quand le lézard, alléché par la mouche, sortira pour la gober et que son corps sera dans le fameux nœud, tu n’auras plus qu’à tirer sèchement pour l’attraper.
Je ne suis pas sûr que tu vas aimer la suite, ce cher bambin prenant son pied à crucifier –d’ailleurs, étant donné sa qualité de quadrupède, on peut toujours parler de crucifixion ? Dans ce domaine tu es censé être bien plus compétent que moi. Il les clouait donc sur une planche en bois, sur le dos, et là s’ensuivait, selon l’humeur, des dissections, des queues/pattes/têtes arrachées, des ficelles attachées, d’une part à un membre de l’animal et de l’autre à une poignée de porte… Toutes les fantaisies étaient permises pour autant que ça fasse avancer sa science. Et pas que, le coup de la ficelle sur la poignée de porte était principalement destiné à sa petite sœur. J’en conviens, c’est pas très gentil. Je n’ai, moi non plus, pas été des plus gentils avec lui.
C’est d’ailleurs avec lui que débute à proprement parler ma petite histoire où, étant donné ta condition de confesseur professionnel, ma confession.
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