Je me concentre pour le sentir en moi quand tout d’un coup il s’arrête pour me dire :

• Aline ? Ça y est ! On est dans l’ère de la quatrième version de la Bible.

Je comprends pas vraiment où il veut en venir. Moi je suis simple maintenant, je veux juste venir. Venir à mon plaisir d’être vivante, de femme, de mère avec notre enfant en moi. La vie c’est aussi simple que ça. Voilà, c’est comme ça, j’ai perdu mon intelligence en fusionnant avec mon double. D’un multivers à l’autre, j’étais aussi ici en tant qu’Alice. Deux corps différents pour la même entité. Elle est partie se cacher au Village avec un autre prénom, « Licia » ou un truc du genre. Moi je suis restée là, avec ce qui reste de moi. Et je me sens bien. Je n’ai gardé que l’essentiel. Je n’ai plus de soucis. Je fais l’amour toute la journée avec mon Willem qui m’aime et que j’aime. Terminé. Je sors de mes pensées et il traîne entre mes cuisses. Je l’encourage pour qu’il continue à me faire venir, à aller à mon plaisir. Plus tard, au cabinet, après les tests, mon médecin, le docteur Hilde Mat, m’explique :

• C’est comme si tu avais eu un accident vasculaire cérébral virtuel, un bout de ton cerveau a explosé. Ça limite ta force de pensée, tu es plus faible maintenant. Ton corps, lui, est intacte. Les ondes des antennes savent le réparer, il est immortel.

Je lutte pour ne pas m’endormir. Maintenant je fais plusieurs siestes par jour. Hilde claque des doigts. Et elle m’embrasse sur la joue. Ça me met en joie. Elle me regarde, pensive :

• Tu es la preuve qu'en amour tout est possible. Ton bébé est parfait.

Elle me regarde avec envie. Je crois qu’elle aimerait bien être à ma place. Elle se fait beaucoup trop de souci on dirait. Pas moi. Willem m’a toujours adoré. Je suis sa mémé préférée. On va voir une fille, Émeline. En attendant je rentre à la maison dans notre couche et on se mélange encore et encore. J’ai comme des absences dans ma journée. Et à chaque fois que je reprends conscience, je vis un moment agréable, je me réveille à chaque fois au paradis.

• Aline, des fois je t’aime et tu n’es pas là.
• Là, je suis là Willem.

Alors il s’affaire sur moi et au plus fort de ses efforts, juste avant qu’il ne s’écroule, il crie : « mémé ! ». Mon arrière petit me prend le petit par derrière. Je lui chante une berceuse pour qu'il s'endorme, comme avant.