094 - transmission
Dimanche 2 Août 2116. Je me sens assez forte pour aller parler avec Greta après la Messe dans le Jardin du Couvent de la Cathédrale de Laguna City. Je préfère ce terrain neutre à sa Caserne qui me fait plus penser à un piège qu’autre chose. Sabine lâche ma main et je m’isole sous la tente blanche des serveuses où Greta vient me rejoindre. Je prends deux flûtes sur une table et je lui en présente une en guise de bonjour. On trinque. On boit. On attend que l’alcool fasse son effet. Les serveuses viennent se ravitailler, de jeunes belles sœurettes. On les regarde avec convoitise. On place deux chaises au fond de la tente et on s’installe pour les observer. Elles nous ravitaillent aussi.
- Adèle, tu n’es peut-être qu’une Fée, mais tu vas y arriver.
- Je n’ai pas besoin de tes conseils. Je sais déjà quoi faire. En fait, je ne peux pas faire grand-chose. Par contre, je peux faire faire. Énola a merdé, à elle de réparer. Mais c’est ma n+2 alors je viens voir d’abord la n+3, toi, pour en parler, la prévenir, lui demander. Je verrai ensuite avec ma n+1. C’était aussi compliqué que ça sur Terre ?
- Bien plus. Il y avait 8 milliards d’âmes à gérer et je ne te parle que des vivants. 76 milliards de fantômes essayaient de revenir, 40 milliards d’entre-eux étaient très motivés, ils étaient morts dans les deux derniers millénaires, des âmes modernes, les pires. Ici, il y a moins d’un millier d’âmes à gérer, fantômes compris.
- Comment ils t’ont trouvé ?
- C’est moi qui les ai trouvé, Adèle, tous ceux que j’ai ramené ici.
- Elle a dû en baver. Je me demande comment elle n’est pas devenue folle. Je pose une main sur sa cuisse, en signe de compassion et de réconfort.
- Folle ? Je n’ai pas pu devenir folle et tu sais pourquoi ? Je l’étais déjà.
Et on part en fou rire alors qu’une troisième tournée arrive. Je me sens mieux, je me sens bien. J’ai l’impression que tout est réglé, que tout va être facile. Je sens que Greta me transmet de la force, de l’envie, de la passion. On se regarde rire, comme au ralenti, yeux dans les yeux et quand nos lèvres se touchent on en lâche nos flûtes tellement c’est intense, comme un court-circuit de l’Invisible. Mes yeux se ferment et je n’ose plus les rouvrir. Elle me caresse la joue et je reprends mes esprits, je sors du brouillard pour revenir à la réalité. Greta est là, immaculée, elle brille, elle irradie de bonté, d’amour. Elle remue ses cuisses comme pour contenir son désir. Heureusement qu’on est là et pas dans sa Caserne sinon elle m’aurait déjà sauté dessus. On se lève et on se serre dans les bras, très fort, un gros câlin.
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