Mercredi 2 Septembre 2116. On accompagne les enfants à l’école du quartier où ils retrouvent leurs amis. Un petit bisou et Maëlle m’échappe pour s’envoler à l’Est. Je prends mon vélo pour descendre à l’Agence. Le bâtiment est vide. Je monte à mon bureau pour faire le point en me servant un alcaloïde bien chaud. L’odeur attire deux jeunes, un garçon et une fille, le responsable des radars sols et la suiveuse spatiale, Perla. Je lui sers un mug.

• Désolée Brigitte mais je n’ai pas encore regardé mon ordinateur.
• Pas la peine, les serveurs sont éteints. Mais j’aurais besoin de vérifier au moins la liste des modules, leur activité et leur trajectoire.

Je prends la liste et je la passe au technicien qui réfléchit :

• Pour ça, il me faut réactiver au moins trois radars, le 28, le 10 et le 72.
• Okay, je vais réveiller le serveur pair. On se revoit demain pour checker.

Je m’isole dans mon bureau et je soulève le tableau de commémoration de la mission G-2005, un échec. Derrière, il y a le disjoncteur du serveur pair. Je soulève les boutons 2, 4, 6 et 8. Bip de confirmation et lumière verte clignotante. J’envoie l’info au technicien qui prend la suite depuis la salle des serveurs. Ma journée est terminée. Je m’affale à mon bureau et j’allume mes écrans pour regarder mes messages. Rien d’intéressant. Mon regard se perd par la fenêtre et je regarde avec nostalgie les courts de tennis. Je me lève et je me précipite à mon vestiaire. Il y a tout ce qu’il faut, ma tenue et mes raquettes. Mais, résignée, je referme la porte et j’ouvre l’autre, celle de ma tenue de directrice pour demain, il y aura réunion du Conseil mais on ne sait pas encore où. Alors je mets tout dans une valise pour partir directement de la maison. Je demanderai un rapport à Perla au dernier moment. J’arrive assez tôt pour préparer le brunch. Désormais, on ne travaille que le matin sauf pour les condamnés qui n’ont plus de bonus. En attendant que Maëlle et les enfants rentrent, je vais sur la terrasse regarder le paysage, le ressentir et méditer. Toute cette planète, dans cette dimension, a un créateur, maléfique sans doute, qui a peut-être son double ici et qui ne le sait pas. Vivien. Il a perdu le contrôle de ses personnages. Nous sommes autonomes, avec notre libre arbitre. L’auteur doit être un terrien contemporain de la fiction, on est tous des doubles de son monde à lui, de son entourage et de son imagination. Mais c’est à moi de jouer maintenant, à moi d’écrire ma propre histoire et de laisser les autres écrire la leur aussi. Maëlle rentre avec les enfants et on se fait un gros câlin mais Ewan reste à l’écart. On le regarde, c’est comme si c’était un intrus, un rebus, un garçon.