C'était un matin comme les autres. Ils descendaient la côte en courant et en chantant des vieux airs de marins d'autrefois. Mais alors qu’ils se dirigeaient vers la plage, il eut un mauvais pressentiment. Sans y faire attention, il continua à courir par-delà les dunes devançant de peu ses deux gais lurons de frères dans leur course folle vers la grève.

Ils étaient des triplés. À la naissance, les seules choses qui les différenciaient, étaient pour lui deux grains de beauté sous l'œil droit, pour Tim, une sorte de tâche de naissance en forme de 0 sur l'épaule gauche, et pour Tom-Tom, des "dents de la chance".

Alors que les mouettes, joyeuses, jacassaient à tout va, le roulis inquiétant des premières vagues de la matinée confirma son mauvais pressentiment. Cela n'annonçait guère de bonnes choses...

On pouvait s'attendre à une marée haute dévastatrice.

Il fit alors signe à ses deux frères qui s'amusaient, insouciants, de venir jusqu'à lui quand soudain, au lointain, dans la mer agitée se dessina un mouvement à la surface. Un point noir se rapprochait à vitesse grand V, sa forme se précisant au rythme de son avancée dans l'eau.

Plus il regardait ce point, et plus il lui semblait prendre forme humaine. Ses acolytes accoururent vers lui, quand il put enfin distinguer la chose. C'était un homme, la trentaine environ, et il nageait vers la côte comme si sa vie en dépendait. Comme s'il était poursuivi par quelque chose...

Quand ses frères furent enfin là, il n'eut pas besoin de leur dire quoi que ce soit. La frayeur se dessinait alors sur leurs visages, en même temps qu'une curiosité indescriptible semblait s'emparer d'eux.

Seulement, aussi soudainement que l'homme avait paru au milieu de la mer, il s'était arrêté, là, à une cinquantaine de mètres devant eux, ne faisant plus un seul mouvement.

Alexandre tira alors de son sac ses jumelles et regarda au loin pour en savoir plus sur la situation de l’inconnu. Ce qu’il vit l'étonna, l’homme semblait comme évanoui !

Alors, sans trop réfléchir, Alexandre sauta d’un bond de la dune sur laquelle il se tenait jusqu'à maintenant et parcourut la distance qui le séparait de la mer à toute allure, à la rescousse de la personne échouée, espérant arriver avant qu'il ne soit englouti par les flots.

Il courait, essoufflé, une douleur horrible dans les jambes. Mais il s'en fichait. Tout ce qui comptait désormais, c'était la vie de cet homme. Il lui était bien sûr inconnu, mais chaque vie compte, et il ne pouvait pas se permettre de regarder sans rien faire ce naufragé alors qu'il courait à une mort certaine !

C'est ainsi qu’il commit la plus grosse erreur de toute sa vie.