Chapitre 6: La marée haute (partie 2)

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Le père fit signe à la demoiselle de s’asseoir. Elle s’installa alors confortablement sur un fauteuil face aux deux parents, et réunis qu’ils étaient autour de la table basse, ils commencèrent la discussion:

«Aurélie, je te présente Maria, la femme de Fabien. Maria, je vous présente Aurélie, ma femme.

  • Je vous en prie, vous pouvez me tutoyer, je ne suis pas si vieille que ça !

  • C’est bizarre, commença Aurélie, la dernière fois que nous avons vu Fabien, il nous avait présenté sa femme, et je me souviens qu’elle s’appelait Hélène.

  • Mais voyons, répondit Amir, tu sais très bien que Fabien change de femme comme de veste ! Ah ! Euh… excuse-moi, Maria ! Ce n’est pas ce que je voulais dire !

  • Ne t’inquiète pas, ça ne me gêne pas. Je sais très bien que Fabien est un véritable Don Juan, mais c’est justement pour cela qu’il a réussi à me séduire !

  • Dans ce cas, je suis curieuse de savoir comment vous vous êtes rencontrés !» dit Aurélie.

Tandis qu’il écoutait d’une oreille distraite la discussion qui avait lieu dans le salon, Alexandre se dirigeait discrètement vers la cuisine afin de voir quel bon petit plat sa mère avait préparé.

À pas de loup… Argh ! Non ! Tout sauf un loup !

Euh… Alors à pas de renard. Il avança lentement mais sûrement en direction de son but, sans le moindre bruit.

«Eh bien, vous savez, avant je vivais en Chine, dans la province du Sichuan à Chengdu, sa capitale.

Là-bas, j’étudiais la médecine, mais j’apprenais aussi à parler le Français, car voyez-vous, j’ai toujours adoré la France et sa culture, les Français sont si romantiques... Mon plus grand rêve à cette époque était de pouvoir un jour ne serait-ce que faire un voyage en France.

  • Donc, vous êtes chinoise à la base ! C’est surprenant, on ne voit pas souvent d’étrangers par ici ! Vu qu’on est entre nous, vous pouvez bien nous apprendre un ou deux mots ! supplia Aurélie.

  • Je t’ai déjà dit que tu pouvais me tutoyer tu sais. Mais bon, qu’à cela ne tienne, je vais vous apprendre une phrase: 你開始讓我喝醉.

  • Eh bien dis-donc, je ne savais pas que le Chinois était une langue avec des intonations si difficiles. Alors, qu’est-ce que ça veut dire en Français ? demanda-t-elle.

  • Cela signifie que je te trouve très belle !

  • Oh ! Vous me flattez !

Là, devant lui sur le plan de travail, se dressait une petite marmite venant à peine d’être sortie du feu. L’odeur alléchante d’un met délicieux s’en échappait et venait chatouiller ses narines. «Hmmm ! Qu’est-ce que ça sent bon !».

Se rapprochant de plus en plus près, il huma l’air, fermant les yeux et se guidant seulement à l’odorat. Maintenant au-dessus du récipient, il se saisit d’une spatule en bois avant de la plonger délicatement à l’intérieur et de la porter à ses lèvres. Il n’y avait pas de doute là-dessus: sa mère était bien une des meilleures cuisinières au monde !

Cette soupe était divine, rien à y redire.

«Vous voulez peut-être une petite infusion pour vous réchauffer ? demanda Aurélie à la jeune femme.

  • Eh bien volontiers !» répondit-elle.

Argh ! Si sa mère me voit en train de piquer dans le plat je suis mort ! Vite ! Un endroit où se cacher ! Alors que la menace venait dangereusement par ici, Alexandre s’empressa de s’enfouir sous la table à manger avant de rabattre la nappe devant lui.

Les bruits de pas cessèrent. Le pan de nappe se souleva et sa mère lui jeta un regard sévère et amusé à la fois, avant de soupirer et de s’exclamer: «Tu es irrécupérable.»

Avec un sourire plus que gêné, le garçon sortit de sa cachette et marmonna: «Désolé...

  • Va plutôt tenir compagnie à tes frères, tu vois bien qu’ils s’ennuient ! Et puis cette fois je compte sur toi pour ne pas faire de bêtises petit chenapan !»

Pendant ce temps, la discussion continuait au salon:

  • Et maintenant cela va faire trois mois que nous sommes ensemble.

  • Eh bien dis donc ! Ce doit être l’amour fou ! Mais au fait, j’aimerais savoir, pourquoi Fabien n’est pas arrivé en même temps que toi ?

  • Ah ! Cela, vous savez, il aurait bien aimé… Mais au dernier moment, alors que nous nous apprêtions à partir, un client l’a appelé. Et Fabien, pour qui les affaires ne marchent pas très bien en ce moment, ne pouvait pas refuser, vous voyez ?

  • Et toi, comment ça se fait que tu sois arrivée si tard par rapport à l’heure du rendez-vous ?

  • Tout ça, c’est à cause du vent d’aujourd’hui ! Les conditions étaient loin d’être bonnes pour se permettre d’utiliser la voie maritime en toute sérénité. J’avais donc décidé d’y aller par le train qui passe par le pont qui relie les deux îles, mais à cause de la tempête qui avait déjà commencé à faire rage, un arbre est tombé en travers de la voie, et le temps qu’ils appellent des agents de chemin de fers, et que ces derniers dégagent le passage, il était déjà 17 h 00 ! Le trajet a encore duré trois quarts d’heure, et comme si cela ne suffisait pas, à mon arrivée sur l’île, le cocher que j’avais appelé censé venir me chercher à 14 h était déjà reparti depuis longtemps, et l’argent de mon virement avec ! Bref ! J’ai dû faire la totalité du chemin à pieds, sous la pluie cinglante, et le vent sifflant dans les hautes branches. Heureusement, j’avais mon parapluie, mais comme tu peux le voir, il ne m’a que piètrement protégée, et je suis trempée jusqu’à l’os !

  • Votre tisane arrive, Maria ! s'exclama une voix depuis la cuisine.

  • Ah ! Merci, je n’en pouvais plus d’attendre !» dit l’intéressée, une voix empreinte de reconnaissance.

Aurélie sortit de la cuisine, trois tasses remplies de tisane posées méthodiquement sur un plateau, contourna ses trois fils en train de jouer à la bataille sur le sol, puis vint s’asseoir à sa place jusqu’ici laissée vacante après avoir posé le plateau au centre de la table basse. Maria s’empressa de saisir sa tasse et commença à siroter le doux mélange avant qu’une expression de bien-être profond se peigne sur son visage. Puis, la discussion reprit son cours:

«Mais au fait, vous n’avez toujours pas de nouvelles de Fabien depuis votre arrivée ?» questionna Aurélie.

Au moment même où elle posa cette question, une lueur amusée s’alluma au coin des yeux de la jeune femme cible de la question. Elle ouvrit la bouche dans un rictus désapprobateur, avant d’afficher un sourire répugnant tant il éblouissait, et de dire:

«Non, toujours pas en effet.

  • Bon, il commence à se faire tard mesdames ! Je propose que nous passions à table ! déclara Amir.

  • Oui, effectivement ! Je n’avais pas vu l’heure passer ! répondit sa compagne, Les enfants ! À table !

  • Youpi !!! » cria Alexandre.

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