• Il n’aura fallu que 9 jours… ”

Le vieil homme, les sourcils froncés dans un air grave, lui semblait bien sérieux. Seulement, après ce récit des plus étranges, Émeric ne savait trop que dire. Il regardait désormais Grégoire de son oeil droit valide, perplexe. De toutes façons, quel intérêt l’homme aurait-il de le tromper alors même qu’il l’avait sauvé d’une mort certaine. Dans le froid, avec pour seule compagnie sa propre folie, il ne serait déjà plus de ce monde à l’heure qu’il est. Et pourtant…

Cela restait particulièrement difficile à croire. Même après tout ce qu’il avait vécu, toutes ces choses auxquelles il avait assisté. Il se sentait comme si tout cela n’était qu’un jeu et que de l’autre côté de l’écran, la personne qui le dirigeait à la manière d’un chef d’orchestre esquissait un grand sourire. Sa marionnette préférée lui procurait un intense plaisir et il s’amuserait avec elle jusqu’à ce qu’elle soit complètement hors d’usage avant de la jeter, sans une once de sentiments, dans le caniveau. Oui, Émeric se sentait comme le jouet malmené d’un effet pourri gâté. Il ne comprenait jamais rien à ce qui lui arrivait et pour cause: tout était délirant. Cela faisait désormais presque une éternité que les bases de son monde s’était écroulées sous le poids de l’irrationalité, laissant place au chaos dans sa forme la plus pure. Il ne pouvait pas s’échapper, alors à quoi bon lutter ?

Chaque choix lui paraissait alors futile. Demain, tout ce qu’il aurait acquis aujourd’hui, tout ce qu’il croirait enfin avoir compris… disparaîtra. Souvenir lointain d’une désillusion amère.

Émeric se leva brusquement, il savait quoi faire. Sous le regard ébahi de Grégoire, il s’élança vers la porte, l’ouvrit, courut encore plus vite vers la sortie. Une autre porte. Tourna la poignée, poussa, se trouva au dehors.

Devant lui, la neige à perte de vue.

Il n’avait plus qu’à reprendre son chemin insensé, sa course effrénée. Rien ne l’arrêterait si ce n’est la mort. Il fit un premier pas mais…

• Fuir. C’est donc tout ce que tu sais faire ?”

Il fit volte-face.

• Je vois qu’encore une fois tu fais le choix de la facilité. Tu n’as toujours pas compris la leçon.”

Comme dans tous ces autres moments.

• Continue comme ça, oui, continue. On verra bien où ça va te mener.”

Personne autour de lui.

• Mais de quoi as-tu peur ? De toi-même ? Ha ! Ridicule !”

Le vieil homme ne l’avait pas suivi.

• Et maintenant ? Et maintenant ? Dis-moi ! Je suis curieux ! Que comptes-tu faire ?”

Il faisait si froid maintenant.

• Alors ? Je ne t’entends pas ! Tu as si peu de volonté, c’est affligeant…”

Il n’était plus si sûr de son choix maintenant. Pourquoi tout devait être aussi compliqué ? Qu’avait-il fait pour mériter ça ? Qui était-il à la fin ? Tant de questions et pas une réponse.

Il leva le visage au ciel, cria:

• EST-CE QUE QUELQU’UN M’ENTEND ?”

Rien.

Puis:

• La neige est belle n’est-ce pas ?

• …

• Vous êtes perdu, je le vois.

Vous n’avez pas forcément à me croire tout de suite. C’est tout à fait normal de se sentir dépassé. Les réponses viendront avec l’acceptation et l’acceptation viendra avec le temps.

Vous savez…

Ça fait bien une trentaine d’années que je vis dans cet endroit et pourtant je trouve la neige toujours aussi fascinante. Chaque flocon qui tombe est unique mais éphémère.

Comme les Hommes…

Nous ne sommes que poussière dans un univers à la taille démentielle. Nos actes n’ont aucun impact à l’échelle de l’existence de ce monde. Pour ainsi dire, nous sommes insignifiants.

Je crois cependant que certains sont plus unique encore. Comme lorsqu’on dit que nous sommes tous égaux mais certains plus que d’autres. Quand on a ce pouvoir de changer les choses, doit-on le faire ? C’est là que réside la question. Émeric, serez-vous prêt ? Ou déciderez-vous d’attendre et de laisser faire le temps ?

Ce choix n’appartient qu’à vous. Réfléchissez-y. Réfléchissez-y bien. Prenez en considération chaque élément qui vous semble important. Ouvrez grand votre esprit.

Quand vous vous serez décidé, vous saurez quoi faire.