Chapitre 58: Prédateur et proie
Bruissements.
Branches craquelées dans la forêt. Sur le sol, le humus fraîchement piétiné trahissait une présence. Une insulte à mes talents de chasseur. Une proie facile comme on n’en faisait plus, ce ne serait même pas amusant.
D’un coup d'oeil circulaire, j’avertis la meute. Simple habitude. Chacun était déjà à l’affût. J’humai l’air. L’odeur de l’étrangère me fit frémir de plaisir. Les plus imprudentes ont toujours une saveur prononcée.
S’aventurer sur mon territoire était une erreur qui allait lui coûter cher.
L’humaine, naïve comme elle était, ne se douterait de rien. Elle mourrait sans un bruit, mes crocs fichés dans sa nuque. Son accoutrement étrange la rendait aussi visible qu’un arbre en plein milieu d’un champ. Des ses vêtements flottants s’échappaient des bandelettes violacées. Ses cheveux rouge sang dansaient, semblaient en apesanteur puis redescendaient à chacun de ses pas.
Ses yeux…
D’un jaune éclatant, éclairaient la nuit.
Dans la pénombre, je pouvais distinguer son visage. Un sourire s’y dessinait. Alors que je l’observais, mes sens commençaient à s'affoler doucement. Un danger imminent et inéluctable se profilait. Ce sourire, n’était pas celui d’une proie sans défense sur le point de se faire dévorer. Ce sourire, c’était celui d’un prédateur.
Et sa proie, c’était moi.
Mon instinct me criait de fuir. À chaque pas qui nous entraînait plus profond dans la forêt, chaque seconde que je m’efforçais à continuer de la suivre, le piège grotesque se refermait peu à peu. Mais mon rôle de chef me rappelait à mon devoir. Je ne pouvais pas m’échapper la queue entre les jambes devant le reste de la meute. Perdre la face et leur confiance n’était pas dans mes plans. Et puis… Sa chair me faisait envie. Je salivais rien que de la voir. Je n’avais aucune idée du pourquoi, je savais sans possible doute qu’elle se révèlerait un met de qualité supérieure. Je n’allais pas me laisser abattre par des ressentis. Peu importe sa puissance, elle ne pourrait pas échapper aux vingts myriades de crocs acérés et de griffes aiguisées qui la guettaient depuis les feuillages. Sous-estimer mes propres effectifs et notre force de frappe était indigne de ma part. Je me devais d’être fort et de montrer l’exemple. Cette pauvre humaine ne terrifiait personne ici ! J’allais juste me contenter de faire comme avec tous les autres. Contourner la cible, me retrouver dans son dos. Attaquer avant qu’elle ne se rende compte.
Je sortis lentement des taillis, dans son angle mort. Je m’étirai de tout mon long, prêt à bondir. Au compte de trois, son cadavre aux yeux écarquillés s’affalerait dans un gémissement sourd.
1…
Chacun de mes muscles se tendait à l’extrême. Le sang dans mes veines se mettait à circuler deux fois plus vite, affluant toute la puissance dont j’avais besoin au niveau de mes pattes arrières.
2…
Mes poils se dressaient. De peur et d’excitation. La laissant apprécier les derniers morceaux de vie qui lui restaient, me délectant à l’avance de ses derniers instants. Je relâchai d’un coup la tension, m’élançai et…
3 !
"Eh bien…
M’attaquer est une courageuse décision."
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