Chapitre 67: Incertitudes éphémères

2 minutes de lecture

2 heures.

Et 2 minutes.

Alexandre fixait d’un oeil distrait le cadran flou de la vieille horloge. La trotteuse ne semblait pas se lasser de son tour de manège incessant, se contentait d’égrener avec une lenteur aussi appliquée et cruelle que celle d’un arracheur de dents à la tâche, les soupçons de temps passés ici à attendre dont le jeune garçon ne pouvait que souhaiter la fin. Ses paupières fatiguées le suppliaient de se laisser aller à l’assoupissement. Il serait le dernier contre cette idée. Cette nuit n’avait pas été généreuse en sommeil. Seulement, il ne pouvait pas se le permettre.

2 heures 1 minute.

Et 3 minutes.

Non, il serait bien éveillé lorsque ses deux parents franchiraient à nouveau le seuil de la porte d’entrée. S’il s’endormait maintenant, qui sait ce qui le réveillera. Il voulait être dans la pleine capacité de ses moyens pour ce qui était à venir. Il ne ferait pas l’erreur d’attendre à la porte. Ni d’ouvrir la fenêtre pour voir au loin. Au dehors, la tempête faisait flotter des fantômes de terre humide, incertitudes éphémères à jamais perdues dans la brume. Ces mirages d’outre-tombe ne le berceraient pas d’illusions s’il restait ici. Il attendrait.

Les colonnes aqueuses de ce monde extérieur semblaient comme s’insinuer en lui, la tristesse du ciel essayant de le gagner. Pourquoi avait-il toujours à les regarder de loin ? Comme s’ils appartenaient à une toute autre sphère que celle dans laquelle il évoluait. Comme si chacun de leurs mots se contentaient de glisser le long d’une paroi invisible pour s’écraser platement au sol, sans signification aucune. Jamais ne l’atteignaient. De toutes façons, il ne lui étaient pas destinés. Après tout, c’était sûrement de sa faute à lui. L’inutile. Bon à rien. Il n’avait qu’à y penser à deux fois avant de naître ainsi. Mais n’est-ce pas là le rôle d’un père que de guider chacun de ses enfants vers la gloire qu’il mérite ? Si tant est qu’il méritât quoi que ce soit. Alexandre n’était sûrement à leurs yeux que… Le voyaient-ils même ? Ce regard plein d’attentes qu’il leur prêtait n’était jamais qu’à sens unique. Le seul bruit qui viendrait occuper sa solitude serait celui de ce tic tac se réverbérant à l’infini contre les cloisons étroites de sa tête.

2 heures 8 minutes.

Et 10 minutes.

Plus que la tristesse, c’était la peur qui lui susurrait ses mots empoisonnés à l’oreille. Des menaces absurdes, des malheurs aux facettes interchangeables, aux tentacules d’effroi et aux doucereuses paroles. Un seul nom tournait en boucle: Maria.

Maria. Maria. Que cherches-tu ? Que veux-tu ?

Maria…

Qui es-tu ?

Tic.

Tac.

Tic.

Tac…

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