Chapitre 69: Je me suis réveillé

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Je me suis réveillé.

Une lueur blafarde, néons hagards, fumée et pénombre.

Un seul arrêt desservi.

Chemine, chemine.

Sans cesser jamais.

Pas de halte, aucune.

Allongé au sol.

Le long du couloir.

Au milieu des passagers.

Qui ne me regardent pas.

Qui ne me voient pas.

En fond, un son singulier.

Intangible.

Effacé, inexistant.

Quelque chose qu’on ne peut pas partager.

Je me suis réveillé.

D’un coup.

Comme si j’avais toujours été là.

Sur le sol.

Dans ce train.

Un seul arrêt desservi.

Cheminant, cheminant.

Sans cesser jamais.

Je me suis réveillé.

Parmi les ombres susurrantes.

Leurs prières retenues d’aller se perdre dans le ciel.

Par ce plafond bien bas.

Si bas…

Allongé comme ça, je pourrais presque le toucher des doigts.

Au sol, le long du couloir.

Je me suis réveillé.

Et je ne peux pas me rendormir.

Mes paupières se soulèvent.

Absorbent le peu de lumière qu’il reste ici.

Je suis bien éveillé,

Dans ce train.

Qui chemine, qui chemine.

Jamais ne cesse.

Pas de halte, aucune.

Où va-t-il ?

Je me suis réveillé.

Peut-être seulement à demi.

À demi empêtré dans ce rêve qui ne me quitte pas.

Ne me quitte plus.

Ne m’a jamais quitté.

Mais je suis dans ce train.

Allongé.

Au milieu des passagers.

Où va-t-il ?

Mon rêve ne va nulle part lui.

Il reste là.

Avec moi.

Sur ce sol-là.

Dans ce train-là.

Qui va…

Qui va là-bas.

J’aurais aimé me réveiller.

Mais le rêve revient.

Plus fort.

Persiste.

Plus douloureux.

Son silence assourdissant me poursuit.

Il se délecte de mes chairs, se nourrit de ma pensée.

Il chemine.

Chemine.

Le train.

Jamais ne cesse.

Aucune halte, aucune.

Son four brûle des désirs ardents qui l’alimentent.

Combustible inépuisable, transforme la bête de fer en cachot inextinguible.

Cercueil à roues, spectateur muet de ses occupants en sursis.

Je me suis réveillé.

Peut-être une seule seconde, un seul instant.

Insuffisant.

Je suis resté à contempler.

Ce rêve lointain.

Mes souvenirs…

Où va-t-il ?

Où va-t-il sinon nulle part ?

Puisque le voyage n’aura jamais de fin.

Moi aussi prisonnier de la bête, son fourneau brûlant de flammes vives.

Je me mettrai à prier.

Prier pour qu’enfin tout ne recommence pas.

Pour que ce ne soit plus la première fois chaque fois.

Pour que le train, freiné par le poids des regrets, perde lentement de la vitesse.

Lentement.

Que le temps écoulé signifie enfin quelque chose.

Que ce rêve…

Que ce rêve.

Que ce rêve existe quelque part, à quelque époque que ce fut, que ce soit, et qu’il ne sera jamais.

Je me suis réveillé.

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