Les cours

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Le proviseur nous l’avait annoncé au début de l’été. À partir de la prochaine rentrée, une nouvelle matière serait enseignée. À tous les élèves de terminale, elle était destinée.

Dès la cloche sonnée, un professeur d’une trentaine d’années, à nous s’était présenté.
« Mon nom est : Lebon-Dévot. Je suis votre professeur de bien-pensance. Vous aurez chaque semaine dix heures de prosélytisme zélé, dont deux chaque jour en début de matinée. Ni cahiers ni livres ne sont préconisés, seule votre entière attention sera exigée. À la fin de ce cours vous sera distribuée la liste des règles créées pour vous éduquer. Comme vous pourrez le constater, toutes commencent par Ne pas, ou, Il faut, ce n’est pas bien compliqué. »

Un élève à l’expression affectée, avait levé son doigt en premier.
« Monsieur, en quoi consiste la bien-pensance, s’il vous plaît ?

— Je vais juste après vous l’expliquer. Pour commencer, aucune interaction ou débat entre vous et moi n’est à envisager. Durant mes cours, vous devrez vous taire et m’écouter. Il ne s’agit pas pour vous de réfléchir ou de vous questionner. Chaque précepte devra être assimilé, avait répondu Lebon-Dévot, en frottant ses mains serrées.
Alors, un bien-pensant, qu’est-ce que c’est ? Il est fort simple de l’identifier. Sont qualifiées de bien-pensantes toutes les personnes persuadées que ce qu’elles pensent est juste et sensé. À bien noter ce que je vais ajouter : jamais elles n’oublient de tenter de museler ceux dont les idées sont opposées. Les bien-pensants détiennent la sainte Vérité, ils ont donc parfaitement raison d’ainsi se comporter. » avait-il ajouté d’une voix nettement plus élevée, dans le but évident de nous impressionner.

À notre chaise en bois usé, nous sommes tous restés scotchés, tels des pantins muets spectateurs de la longue agonie de notre liberté d’agir et de penser.
À peine le temps d’afficher notre air stupéfait, que l’envoyé de l’Éducation nationale poursuivait.
« J’ai des leçons à vous donner puisque du politiquement correct je suis agrégé. Mon rôle consiste à vous façonner pour que tous ici vous passiez du bon côté. Par mes maîtres désignés, les meilleurs sentiments je dois prôner, nos principes et raisonnements vous inculquer. Le temps où l’on vous laissait croire que votre libre arbitre vous appartenait est désormais acté. Fini les sous-entendus rusés et les discours de vains espoirs enrobés. À notre vision vous convertir vous devez, à notre généreuse et tolérante pensée, adhérer. »

À l’issue de cette laborieuse année passée à étudier, nous étions tous fiers et diplômés ; sur le bout des doigts l’on connaissait les codes réglementés.
Vint alors notre tour de traquer les insubordonnés, les amener à bien se courber, afin de les transformer en citoyens dociles et modérés.

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