La peur nous mène à la colère
- Dame akane ! Koto ! Yasuharu ! Où êtes-vous ?
Personne ne répondit, Shioko était seul, dans le noir. Il mit la main sur son Katana et se prépara à dégainer. Soudain, des centaines d’yeux émergèrent du noir pour le regarder. Les yeux étaient immenses, leurs blancs étaient injectés du rouge de leurs vaisseaux éclatés. Leurs pupilles serpentines semblaient percées jusqu’au cœur de Shioko. Une voix grave émergea des ténèbres.
- Je suis l’œil de la peur, Shioko Kaïu, tu vas désormais être soumis à mon épreuve.
Les ténèbres entourèrent Shioko pour s’ouvrir sur une petite maison richement décorée. La demeure de ses parents. Elle était reconnaissable entre mille : un petit mobile représentant des renards était suspendu à une solide branche du plus vieux cerisier de la maison. Quelques drapées orangées battaient sous le vent d’Ouest qui venait s’écraser sur la montagne de la grande muraille. Shioko sentit l’odeur des monaka à peine sortie du feu.
Le samouraï voulu dégainer son sabre, mais celui-ci avait disparu tout comme son armure. Il mira ses mains, elle semblait si petite, si frêle. Il avança de quelques mètres vers le ruisseau dans lequel il avait jadis pris sa première baignade alors qu’il n’avait que quatre ans. Il immergea sa main dans l’eau. L’eau était si pure, si fraîche. Elle n’était plus comme çà maintenant.
- Grand frère vient ! C’est l’heure du thé ! Maman a cuisiné toute la journée, ce ne serait pas bien !
Shioko se retourna, une magnifique petite fille à la longue chevelure teintée d’un roux flamboyant se tenait devant lui. Sa peau blanche ornée de deux joyeux d’un bleu et d’un vert étincelant.
- Aikomaru, cria Shioko, tu es là !
Le samouraï prit sa grande sœur entre ses bras et la serra si fort qu’il sentit son cœur battre contre son oreille. Sa main ébouriffa la douce tignasse rousse tandis qu’un long filet de larmes vint tacher le kimono bleu orné de rouge de la jeune fille. La sœur aimante caressa la joue de son petit frère avant de poser ses lèvres contre son front.
- Allez ! Pour aujourd’hui ça ira ! Mais tu dois te souvenir qu’un samouraï digne de ce nom ne dois pas faire étalage de ses émotions, tu dois toujours te montrer courageux.
Shioko renifla un bon coup tandis que sa sœur le prit par la main pour franchir le petit pont qui escaladait le ruisseau vers la demeure de ses parents. Tout était comme dans ses souvenirs, il y avait même la petite stèle que lui et sa sœur avait érigé en l’honneur de saburo lorsque la pauvre bête était morte de vieillesse.
L’enfant pénétra de la pièce, sa mère était là à les entendre en souriant. Son sourire, Shiko n’avait jamais pu oublier le sourire si tendre de sa mère. Elle montrait trop ses émotions, comme lui, mais tout le monde lui pardonnait. Elle avait un visage si harmonieux qu’on lui pardonnait facilement d’irradier la pièce de sa joie.
- Vous êtes en retard les enfants ! J’ai cru que vous ne vouliez pas prendre le thé avec moi, dit-elle amoureusement !
- C’est de ma faute mère répondit Shioko, je me suis laisser bercer par le son de l’eau et par le reflet clair de l'eau pure.
- Ce n’est pas grave mon petit Takara, mange tant que c’est chaud.
Ils mangèrent tous ensemble et burent le thé. À la fin du goûter, ils prirent le temps d’une petite prièrent puis sa mère s’amusa à les émerveiller en invoquant quelques esprits de l’eau qui tourbillonnait tout autour d’eux en des milliers de petites lucioles cristallines. Shioko était heureux.
Soudain, le ciel sembla se teinter de rouge, le bruit des flammes vint faire taire celui de la rivière. Shioko se regarda autour de lui et vit la maison commence à se couvrir de lézardes noires.
- Mère ! Aikomaru ! Nous devons partir.
Mais lorsque Shioko reposa son regard sur elles, elles étaient morte. Sa mère avait le visage arraché par la une griffure d’un oni et le corps de sœur semblait briser de toutes parts. Il était entortillé comme une marionnette qu’on aurait nonchalamment posée sur le sol.
- Non Non Non, balbutia Shiko ! Pas encore ! Non pas cette fois !
L’enfant essaya d’aider sa famille, il prit leur pouls, mais il était aussi silencieux que les yeux de sa sœur, ce saphir et cette émeraude à jamais ternis par le voile fatidique de la mort. Des lames perlèrent du visage de Shioko tandis qu’il tentait de masser le cœur de sa sœur, sans effets.
- C’est fini Shioko ! Elles sont mortes ! Arrête de pleurer et sois digne !
Shioko se tourna et vit la silhouette imposante de son père le regarder fixement.
- Père ! elles sont mortes ! Je… Je n’ai pas pu les sauver.
- Tu aurais pu les sauver, mais tu as fui pour sauver ta propre vie !
- J’étais un enfant !
- Tu étais un samouraï, avant d’être un enfant !
- Je sais ! Arrête de me faire des reproches pitié, supplia shioko alors que ses larmes venaient diluer le sang de sœur étalé sur sol !
- Qu’est-ce que tout cela raconte sur toi Shioko ?
- Que j’étais faible ! Que je ne les ai pas protégés !
- Et tu es toujours faible ! Tu as beau revêtir une armure, porter une arme et tuer ! Ton cœur reste faible, parce que tu es un lâche !
- Oui, je sais !
Shioko souleva péniblement le corps ensanglanté de sa sœur pour le coller contre son épaule. Il caressa ses cheveux, ils n’étaient plus doux, ils étaient rêches, cassant. Ils étaient tachés de son sang. Quand le samouraï voulut poser une dernière fois le regard sur sa sœur, il fut horrifié. Le corps qu’il tenait entre ses bras n’était plus celui de sa sœur, mais celui d’Akane, son regard était vide , son corps nu tailladé et tailladés de toute part. Le samouraï ne remarqua même pas qu’il avait repris sa véritable apparence et repoussa le cadavre de la jeune shugenja avant de se précipiter contre un mur, le souffle coupé et les mains tachées de sang.
- Elle non plus tu ne pourras pas la protéger, annonça lugubrement son père.
- Si ! J’y arriverai ! Ça ne se reproduira pas !
- Ne vous inquiétez pas seigneur Kaïu, lança un Yasunobou émergeant de l’autre côté de la pièce.
- Mon Cher Yasunobu, dit le père en prenant le samouraï entre ses bras, si seulement j’avais pu avoir un fils comme toi, peut-être que ma femme et ma fille serait encore en vie.
Shioko dégaina son sabre et se précipita sur Yasunobou pour le décapiter d’une seule traite. Il planta ensuite à plusieurs reprises sur le corps sans vie du Yasuki sous les regards de son père souriant.
- C’est moi son fils ! C’est moi qui l’aime le plus ! C’est moi qui suis censé la protéger !
Un rire sadique éclata dans la pièce alors que le corps de Yasunobou se changea petit à petit en une gerbe de sang méconnaissable.
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