9 jours sur le GR65 – Le chemin de Compostelle
Pas à pas, le vent balaye angoisses et frustrations. Ça ressemble au bruit de la mer, mais ce n’est que l’air qui chasse les sottises du quotidien militaire.
Je (re)découvre le soleil levant avec des yeux sobres. Une aube resplendissante de lumière, celle qui te fait tourner la tête. J’ai envie d’embrasser la terre, j'ai envie de m’affaisser, me taire à tout jamais, me laisser aller.
Pas à pas, je marche la tête vidée, observant les paysages oubliés. On pense être dans un autre pays, parce qu’on oublie trop souvent qu’il y a des bijoux ici aussi.
Je (re)découvre les couleurs d’automne, le vent fait danser les feuilles, la mélodie ressemble au bruit des vagues qui s'éclatent, qui chantonnent. Parfois je pense que je suis perdue, puis je vois les marques que les arbres arborent fièrement. Entière, j'avance sans me retourner, j'écoute le bruit de mes bottines dans la terre mouillée et les cloches qui sonnent rouillées...
Pas à pas, les muscles endoloris, je cause avec les vaches, des inconnus me sourient. J’entends des bouts d’histoires qui ne sont pas les miennes, je respire à plein nez pour que cette fois-ci je m'en souvienne.
Je (re)découvre mon rythme et ceux des autres. Marcher seule, marcher en groupe, en silence on écoute. On s'observe de loin ou de près, on raconte, on partage, on s'émeut, on se dévoile, on retire notre carapace idéale. On reçoit avec plaisir la petite tape sur l’épaule quand ça ne va plus et puis on donne tout ce qu’on a quand ça va mieux. Entouré de bienveillance, je me suis laissée emporter par des fous-rires de fatigue et des larmes en continu, ne sachant plus fermer le robinet, j’ai laissé couler tout ce que j’avais.
Pas à pas, j’emplis mes sens de cris de joie des petits moineaux qui jouent à cachecache sur les toits des vieilles maisons, je goûte aux sucreries locales, je touche les arbres comme mon amant, je respire l’air qui me libère et je regarde fièrement le chemin parcouru.
Je (re)découvre le poids de l’essentiel, celui que je sais porter sur les épaules sans avoir mal. Le superficiel est fatiguant finalement, derrière le matériel tu n'es pas plus belle. Je laisse derrière moi les apparences, la beauté peut se lire dans mes yeux de manière transparente. Je me déconnecte du virtuel, de tous ce vomissement de soi-disant bonheur, qui n'a comme unique but de cacher ton autre toi saboteur. Ton ego a besoin des autres et moi je refuse de te servir. J'ai le vertige, mais je sais aujourd'hui pourquoi je souris.
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