Ces trois mots
Je veux mourir
ces trois mots
que j’ai gravés
sur ma peau
initier sa vérité
j’ai commencé par les penser
puis par les écrire
j’ai fini par les ressentir
je veux mourir
parce que le monde a un problème avec moi
ou plutôt j’ai un problème avec lui
j’ai un problème avec moi
je ne sais quoi penser de mon identité
je ne sais où chercher ma quête de validité
illégitime, que faire de cette douleur
qui n’expire pas
qui ne respire pas
de cette douleur sans précédent
cette douleur sans cause
tellement forte, tellement morte
ses lames lissées dans mes membres atrophiés
je veux mourir
boule anxiogène glissée dans mon ventre
sanglot dévasté coincé dans mon antre
entre destruction et abandon
je ne cesse de me voir disparaître
je ne cesse de me voir
je ne cesse
je veux mourir
disparaître
m’ouvrir
me découvrir
mon âme éventrée
pour satisfaire
toutes mes culpabilités
toutes mes invalidités
pour caresser
l’écume de ma hargne entravée
délaissée
enveloppe vide, vide de vie
vie écourtée
je veux m’avaler
parce que
parce que le fruit de ma destruction
c’est moi
ça a toujours été moi
petit enfant écœurant
rejoint l’espoir
la lueur de désespoir masquée
celle de croire que tout ira bien
quand tout va mal
quand tout déraille
je m’en vais
dis-lui adieu
adieu à l’enfant qui s’accroche
l’enfant vierge de souvenirs
l’enfant qui voit dans la réalité
de la magie éparpillée
je lui dois l’univers
je ne lui offre que mon cimetière
mon amertume amère
mon corps dans la poussière
je veux mourir
j’avais des étincelles dans les doigts
des arabesques dans les yeux
je tendais mes mains
pour attraper les cieux
j’ai perdu l’aube cristallisée
le soleil ne se lève plus
depuis des années
je crois qu’il n’en peut plus
de sentir les gouttes tomber
l’avalanche de mes larmes
dans leur course effrénée
il n’y a pas d’éternité
pour les mots déversés
et ceux manqués
je veux mourir
j’ai été avalé
par l’obscurité
celle de ma chambre le soir
quand la douleur frappe dans le noir
nourrir son ardeur
de mes fureurs
mes peurs
mes rancœurs
admirer le plafond
de mes réflexions
se fracassant les os
se heurtant au cosmos
cette porte ouverte
qui déborde
de tous mes moi
de tous mes moins
je veux mourir
je les ai beaucoup pensés ces mots
je les ai même adoptés
je les ai tellement ressentis
jusqu’au fond de moi
ils faisaient leur loi
ces trois mots
trois mots de trop
qui créent des séismes en moi
des raz de marées
des fins du monde
qui ne sont que des fins de moi
je suis mort des centaines de fois
étendu
mon cœur cognant faiblement contre le sol
j’ai côtoyé ma perte trop de fois
étouffé
mon souffle s’invitant lentement à subsister
je veux mourir est une expression
qui n’a jamais traversé mes lèvres
parce qu’elle fait partie de celles
que je ne dis pas
à voix haute
pourtant je devrais la hurler, la crier
elle est moi
totalement moi
dans les moments de malheur
elle est mon navire
la porte de sortie
de cet océan sans joie
si je n’ai pas le courage
de côtoyer son entièreté
c’est parce que je ne sais
si sa beauté traverse
le masque obscur
de sa mise en action
je veux mourir
mais je veux aussi vivre
sentir encore le vent
l’espoir
la pluie
sentir toutes les possibilités
les milliers de choses que je peux accomplir
voir ce qu’il faut voir
écrire encore
avaler les livres
dessiner dans des carnets dispersés
partager les rires et les sourires
me couvrir des rayons du soleil
m’émerveiller des lueurs des cieux
de la douceur des balades
de l’explosion émotionnelle qu’est la musique
faire revivre les moments intenses
que des êtres ont gravés dans ma mémoire
admirer le génie humain et toute sa beauté
prendre des mains, des mots, des cœurs
je veux mourir
mais
je veux vivre aussi.
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