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J'ai du sang sur mes hanches.

je n'ai pas les mots

je ne les ai jamais eus

avalées, les lettres qui me sauveraient

retenus, les sanglots qui m'apaiseraient

silence interne, silence inerte

une autre nuit, une autre douche

quelques cris dans mes éclaircies

détresse passive dans mes membres

corps anesthésié, cœur anéanti

miroir de haine face à mon reflet

les mots qui me consument

les mots qui m'emprisonnent

les mots qui me désemparent

j'ai l'estomac qui vrille

qui résonne face au silence

me laisser parler par d'autres façons

vomir les mots pour cesser de les avaler

les cracher sur mon corps comme des déchets

les faire exister pour cesser de me brûler.

j'ai du sang sur mes hanches.

je ne me sens pas vivre

pantin effacé, pantin désarticulé

me laisser choir sans me relever

me regarder tomber sans me pardonner

l’irréel dans ma réalité

m'effacer de mon existence

y faire couler mon encre

la nostalgie me dévore

me dévorer des instants que je n'ai pas vécu

plus vraiment, jamais là

effacé, effacé

regard externe

j'ai la mémoire qui flanche

des souvenirs dont je fais partie

sans en faire partie

la brume pour mon ombre agitée

à part dans une foule animée

éteint dans des interactions normalisées

je me désactive, j'intègre ma tête

de mes propres vécus, elle me supprime

de mes ressentis, elle m'éteint

revenir à la réalité juste un moment

se rappeler que j'ai un corps qui s'active

que mes yeux sont les miens

que j'occupe un espace

que l'on me voit, l'on me sent, l'on me parle

se rappeler que les battements ne sont pas

les coups de douleur contre mes côtes

mais le rappel organique de ma chair qui survit.

j'ai du sang sur mes hanches.

s'infliger la douleur

pour s'empêcher d'imploser, d'exploser

s'infliger la douleur

pour s'éviter la morbidité des mots

l'éclat sanglant des actes infâmes

s'infliger la douleur

comme preuve de survie, d'existence

comme preuve de maintien, de soutien

s'infliger la douleur

l'absorber, l'adopter, l'arborer

s'infliger la douleur

même si elle ne me réanimera pas

même si elle ne me sauvera pas

même si ses reliques sur mon corps ne cesseront jamais d'exister

s'infliger la douleur

pour me sentir

exister, respirer, trembler, frissonner

toucher sa peau, la griffer, la dévorer

rassasier le monstre en moi

s'infliger la douleur

pour éviter de s'infliger la mort.

j'ai du sang sur mes hanches.

j'ai du sang sur mes hanches.

j'ai du sang sur mes hanches.