Tristesse triste
Je suis en train de m’effacer
de lentement
m’en aller
aspiré à l’intérieur
noyé dans mes artères
je vis de ce voile
qui me couvre
me recouvre
m’empêche de discerner
de me sentir
de me voir exister
peut-être que je m’oublie
peut-être est-ce de ma faute
cette sensation
de renier l’existence
peut-être ai-je trop intégré ma tête
peut-être ai-je fait de mes silences
des brèches à ces absences
je pensais aller mieux
je voulais certainement
ne pas entendre
mon cœur qui criait non
non non non
peut-être aurais-je dû entendre
dans mes discours
le bruit de la douleur
qui s’immisce
peut-être aurais-je dû sentir
cette folle course de l’angoisse
qui s’installe
peut-être que ce voile
ne représente que mes yeux
mon regard abîmé
qui a cessé de me voir
ou qui n’a jamais su
me voir (croire)
je me sens embrumé
une lumière aveuglée
je tente de me toucher
sur ma peau
de receler l’étoffe de ma chair
contre mes mains
peut-être suis-je en train de
définitivement
quitter mon corps
ou peut-être m’avale-t-il
pour me faire payer
les injures, les négligences
et les coups de la(r)mes
peut-être lui aussi crie non
non non non
à cette anxiété dévorante
à ce malaise grandissant
à me sentir trop étroit
à cette souffrance lancinante
à ces doutes permanents
à cette fatigue immense
à cet appétit éteint
à cette haine illusoire
qui ne renferme qu’une tristesse
triste
une tristesse triste
parce que qu’est-ce que la tristesse
peut être d’autre
peut-être aurais-je dû offrir à mon corps
toute la nourriture qu’il quémandait
toutes les caresses qu’il méritait
tous les je t’aime qu’il valait
peut-être devrais-je cesser
de l’importuner avec mes cris de chair
mes cris de guerre
une guerre de moi
de tristesse triste
peut-être devrais-je apprendre
à souligner ma peau, ses contours
son toucher
au lieu de sans cesse l’achever
de prendre la lame
pour une liberté
pour me libérer
elle ne libère que mon sang
encre rouge
dans ma guerre de moi
de tristesse triste
un sang qui crie à l’aide
quand mes lèvres ne le font pas
peut-être est-ce moi qui ait posé
déposé ce voile sur moi
peut-être est-ce le drapeau blanc
la paix amenée, supposée
la riposte éreintée
le cri de mon corps
face à ma guerre de moi
de tristesse triste
peut-être que mes je vais bien
ne vont pas si bien.
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