Corsica - 1 - Candy
Les bagages étaient prêts depuis la veille au soir. Rien n’était oublié : les maillots de bains, les serviettes de plage, quelques jouets pour s’amuser dans le sable, les doudous d’Océane et de Hugo, la crème solaire et tout le reste.
La voiture était chargée, la maison fermée, Claire fit monter les enfants en voiture. Les vacances commençaient. Claire et Richard partaient en Corse avec leurs trois enfants Thomas, Océane et le petit Hugo. Ils avaient respectivement 8 ans, 4 ans et 10 mois. La famille SERRINOT habitait une petite ville près de Lyon. Richard était attaché commercial dans une grande entreprise lyonnaise et Claire s’occupait de ses enfants ; ce qui était finalement bien plus prenant et épuisant que son travail de secrétaire de mairie qu’elle avait abandonné à la naissance de Thomas.
L’été dernier, Claire était enceinte et malheureusement immobilisée : les vacances s’étaient limitées à envoyer Thomas et Océane chez leur grand parents pendant qu’elle et Richard restaient à la maison. Ils n’étaient pas à plaindre puisqu’ils avaient profité de leur jardin et du calme de leur maison qu’ils n’avaient plus connu depuis qu’ils étaient parents.
Cette année, Claire tenait absolument à partir en famille. Avec Richard, ils avaient choisi d’aller en Corse, l’Île de beauté dont leurs amis Chantal et Pierre leur avait fait les louanges. Se fiant uniquement à leur témoignage, Richard et Claire avait réservé un bungalow dans le même camp de vacances que Chantal et Pierre avaient choisi l’année passée. Ce camp s’appelait le Domaine d’Anghione et était situé tout près de la plage sur la commune de Castellare di Casinca, joli petit village perché sur la colline à 5 kilomètres de la mer.
Pour rejoindre la Corse, ils allaient prendre le bateau à Toulon. Thomas et Océane était tout excités par la traversée ; ils n’étaient jamais montés sur un bateau.
Le trajet en voiture commença bien, les enfants visionnèrent un dessin animé en DVD et Hugo s’endormit rapidement. En revanche à la fin du film, Thomas et Océane s’agitèrent tant, se disputant et criant, que Hugo se réveilla et se mit à pleurer ! Une pause sur la route des vacances s’imposait. Richard stationna la voiture sur une aire de repos et Claire accompagna Thomas et Océane aux toilettes pour leur passer un peu d’eau sur le visage. Il faisait si chaud ! Claire espérait que la fraîcheur de l’eau les calmerait, mais ce fut davantage la température en dehors de la voiture climatisée qui ralentit les ardeurs du frère et de la sœur. Pendant que Richard surveillait les aînés qui jouaient sur les portiques et tourniquets installés pour les enfants de passage, Claire changeait la couche de Hugo, allongé sur la banquette arrière et que la chaleur avait assagi lui aussi. Claire avait bien organisé le trajet, comme le faisait toute mère attentionnée, et elle sortit de la glacière rangée aux pieds de Hugo, entre le siège de Richard et la banquette arrière, un biberon rempli de jus d’orange frais pour Hugo et des canettes de Soda pour Thomas, Océane et Richard. Elle se contenta de quelques gorgées d’eau. Tous désaltérés, ils repartirent vers Toulon. Tout en roulant, Claire distribua les sandwiches qu’elle avait préparés. Ils déjeunèrent ainsi sans s’arrêter.
Ils arrivèrent sur le port en tout début d’après-midi. Le départ du ferry était prévu plus d’une heure après. Ils présentèrent leur billet de bateau à l’entrée du port de commerce puis à nouveau lors du contrôle des passagers à un jeune homme avec un gilet jaune fluorescent. Il passa une petite machine sur le billet, consulta l’écran de la machine et celle-ci, cracha une étiquette autocollante en émettant un « bip ». Le jeune homme colla l’étiquette sur le pare-brise et leur fit signe d’avancer vers d’autres hommes fluorescents qui faisaient ranger les voitures, camping-cars et moto dans différentes files d’attente.
Thomas était encore très agité. Le bateau était là, gigantesque, juste devant eux et Thomas voulait l’approcher encore davantage. Il n’avait pas imaginé que le ferry serait tellement immense ! De plus il faisait beaucoup trop chaud pour rester dans la voiture arrêtée en plein soleil. La famille se déplaça donc vers le bord de la jetée. Il n’y avait pas d’ombre à cet endroit mais au moins les enfants étaient contents. Même Hugo dans les bras de sa maman. Il était lourd et Claire s’assit sur une bitte d’amarrage énorme pendant que Richard, aussi joyeux que son fils, racontait des histoires de bateau à Océane et Thomas. Cette heure d’attente que Claire avait redoutée bien avant le départ passa assez vite, et la famille regagna son véhicule afin d’embarquer.
Suivant la voiture précédente dans la file d’attente, la famille SERRINOT monta dans le bateau dirigée par des hommes en combinaisons, jaunes elles aussi mais pas fluorescentes, qui faisaient de grands gestes. Par contre, une fois le véhicule ajusté dans le parking métallique du ferry, la famille eut des difficultés à sortir de la voiture. L’homme jaune qui indiquait aux véhicules comment se garer les avait forcé à serrer les voitures devant et sur la gauche, et le temps de réagir, une autre auto était collée à leur droite. Ils s’extirpèrent finalement tous, mais pour sortir Hugo à bout de bras, ce ne fut guère aisé. Claire abandonna l’idée de récupérer la poussette de Hugo car la manœuvre aurait été trop complexe. Par contre Océane n’oublia pas son doudou, dont elle ne se séparait jamais. C’était une vieille poupée nue avec les membres en plastique et le corps en tissus.
Les cinq SERRINOT rejoignirent leur cabine : heureusement qu’ils avaient réservé cet espace exclusif. En y pensant, Claire se sentait soulagée. Richard portait Hugo et Claire tenait Océane d’une main et le sac contenant tout le nécessaire à la traversée de l’autre. Thomas courait devant. Ils montèrent des escaliers, traversèrent des couloirs, et le self-service, passèrent devant la salle de jeux et le bar. Thomas voulait tout visiter. Avec l’aide d’un homme de service qui ne parlait qu’italien, ils découvrirent leur cabine.
Maman ! Maman ! Regarde il y a les toilettes !
Maman !
Papa ! Papa ! Regarde ! on voit là où on était tout à l’heure !
La cabine comprenait un grand hublot par lequel on voyait le port de Toulon, la ville sur la gauche, la rade sur la droite.
Papa ! T’as vu ? Il y a des bateaux de guerre ?
Papa ! Mais regarde !
Papa ! Maman ! on a la radio dans la chambre !
Non mon chéri, on appelle ça une cabine, pas une chambre…
Thomas eut rapidement tout touché, tout déplacé, et tout trouvé dans la cabine, jusqu’aux petites savonnettes du bloc sanitaire. Thomas et Océane voulait absolument voir le départ de l’extérieur. Toute la famille se retrouva sur le pont. Les enfants firent de grands signes d’adieu à la ville et le bateau s’éloigna de Toulon. La traversée durerait 5 heures. Ils restèrent un moment à regarder Toulon, et sa rade avec les navires militaires admirés par Thomas, s’éloigner. Puis la bougeotte repris le petit garçon.
Dis Papa , on va visiter le bateau ?
D’accord ! lui répondit Richard.
Je vous laisse, je vais donner son goûter à Hugo, vous nous rejoindrez à la cabine, dit Claire à son époux, puis elle demanda aux enfants :
Vous ne voulez pas votre goûter, les enfants ?
Océane hésita Mais Thomas la prit par sa main libre (elle tenait encore son doudou de l’autre main).
- Tu viens, Océane ? On va visiter le bateau et après on ira goûter, d’accord ?
La petite ne répondit pas mais suivit docilement son grand frère.
À toute à l’heure, chérie !
Lorsque Océane, Thomas et Richard rejoignirent Claire et Hugo à leur cabine, Océane pleurait fort.
Ma chérie, qu’est-ce qu’il y a ? lui demanda sa maman en la tirant dans ses bras.
Bouhouhouhou… Candy s’est noyée ! houbouhou. Et océane pleura encore plus bruyamment.
Claire lança un regard interrogateur à son époux, le genre de regard précédant un reproche.
On regardait la mer et les vagues tous les trois et je n’ai pas vu qu’Océane tenait sa poupée au-dessus des flots. Elle l’a lâchée, la poupée est tombée dans l’eau et Océane s’est mise à crier en voyant sa poupée disparaître dans les remous des vagues, expliqua Richard.
Tu aurais pu faire attention ! Lui répondit sa femme, puis se retournant vers la petite et lui caressant les cheveux :
Ne t’inquiète pas ma puce, Candy sait nager, elle ne s’est sûrement pas noyée…
Alors elle arrivera en Corse avant nous ?
Non, je ne crois pas, peut-être qu’elle ne va pas en Corse pour les vacances…
Bouhoubouhouhou… Alors je ne vais jamais la retrouver… bouhouhou.
Et Océane continua de pleurer assise sur les genoux de sa mère. Hugo était sage et Thomas aussi. Claire fit signe à Richard de sortir les biscuits du sac. Il s’exécuta sans rien dire, afin de ne pas énerver sa femme et peut-être aussi pour se faire pardonner. Il ouvrit le paquet de gâteaux et en donna à Thomas et Océane. Manger interrompit les sanglots et la suite de la traversée se déroula sans autre incident.
Le bateau accosta à Bastia en fin d’après-midi et la famille SERRINOT alla directement au Domaine d’Anghione prendre possession de son bungalow rapidement. Les enfants avaient faim, alors ils allèrent tous manger dans la pizzeria sur la plage toute proche et se couchèrent tôt, fatigués par la longue journée.
Leurs 15 jours de vacances se passèrent merveilleusement bien. Océane eut une nouvelle poupée, toute neuve, un peut trop neuve, peut-être :
Candy, elle était coiffée comme moi avec des cheveux qui ne sont pas dans la couette, alors que cette poupée, elle ne me ressemble pas !
Malgré ces détails importants, Océane appela sa nouvelle poupée Candy !
Il fit très beau pendant dix jours puis le temps de dégrada : un vent du nord se mit à souffler, la mer est devenue gris vert, les vagues ont interdit les bains pour les enfants, puis les orages et la pluies privèrent la famille SERRINOT de sortie pendant 2 longues journées. Les enfants comme les parents trouvèrent le temps long au bungalow ; ils en profitèrent pour découvrir les jolis villages perchés de Casinca et de Castagniccia avec leurs maisons de pierres sèches.
Enfin, le matin de leur dernière journée entière en Corse, le soleil était revenu. Ils auraient encore le temps de profiter de la plage jusqu’au lendemain midi, heure à laquelle ils devaient quitter leur bungalow.
Thomas était le plus pressé d’aller sur la plage :
Allez ! On y va ! disait-il sans arrêt depuis 8 heures du matin.
Attends, on va y aller, attends un peu ! lui répondait son père, puis sa mère pendant qu’Océane et Hugo déjeunaient l’une d’un bol de chocolat au lait et l’autre d’un biberon de la même boisson.
Enfin, la troupe fut prête pour aller s’installer sur le sable déjà chaud.
La plage avait changé : du sable était parti, la plage était devenue très étroite par endroits.
Après une longue baignade, Thomas, toujours curieux de tout voulut marcher sur la plage « pour voir si elle est encore là, même là-bas », au delà du Domaine. Claire accepta. Elle prit Océane par la main et abandonna son époux concentré dans son journal avec Hugo s’amusant dans le sable à l’ombre du parasol.
A toute à l’heure mes chéris ! dit-elle en leur faisant un signe de la main.
Thomas marchait devant, il courait parfois. La tempête avait laissé des coquillages et ils se mirent tous les trois à scruter le sol en marchant.
Claire avait déjà une main pleine des trouvailles de ses enfants quand Thomas se mit à creuser et tirer quelque chose du sable : des cheveux.
Maman ! Regarde, il y a quelque chose enterré là. C’est qui ?
Et Thomas creusait et Océane s’agenouilla elle aussi pour gratter le sable.
Candy ! cria Océane. Maman c’est Candy qui a nagé jusqu’ici. Elle veut revenir avec moi à la maison !
En effet, c’était la poupée d’Océane tombée à la mer presque 2 semaines plus tôt, pendant la traversée de la famille vers la Corse. Claire eut du mal à y croire ; pourtant c’était bien la poupée de sa fille, abîmée, avec un bras en moins et les cheveux emmêlés.
T’as vu ? Elle est coiffée comme moi, remarqua Océane.
Le lendemain soir la famille SERRINOT prit le bateau du retour. Océane avait deux poupées.
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