Après 4h48

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Il existe une infinie souffrance, celle de ne rien vouloir.

Je ne comprends pas la vie.

C’est comme un rêve duquel on ne se réveille jamais, je n’ai jamais vécu réellement. C’est comme être quelqu’un d’autre dans la vie d’une personne que je ne connais pas.

Il faut le cacher, sans cesse mentir. C’est épuisant.

Dieu existe. Ça on s’en fout.

Il est là. Et ça c’est important. Il m’est apparu. Et pour la première fois j’ai ressenti quelque chose. Une joie infinie et une infinie tristesse. Une sensation de vivant. Il était là. Devant moi. Je sais qu’il était là. Je sais que c’était lui. Mais je ne sais pas pourquoi il est venu me voir moi.

Seigneur que veux-tu me dire ?

Qu’il faut vivre ?

J’attends une seconde naissance qui serait pour moi la première.

Quelque part une lumière. Mais j’en ai peur. Y’a des frissons qui m’échappent. J’ai raté quelque chose que je ne rattraperai jamais. 

C’est un peu comme une douleur. Quelque part j’ai mal, mais pas physiquement.

Ça fait quand même cinq fois que je pleure cette après-midi et déjà c’est ridicule et pathétique et puis c’est énervant, et je ne comprends pas pourquoi je suis comme ça. Je voudrais ne pas être comme ça. Je n’ai pas de raisons de me sentir mal et je me sens mal.

J’ai peur que les gens ne me comprennent pas.

J’ai peur que les gens me rejettent.

Je ne sais pas ce que j’ai.

J’en ai marre.

C’est comme si je n’étais pas faites pour vivre comme les autres.

Pour vivre avec les autres.

Je voudrais rencontrer d’autres gens comme moi.

J’ai l’impression de ne pas être capable de vivre.

Ça me semble beaucoup trop compliqué.

C’est quand je vois les autres vivre, ça me fait mal.

Je rêve d’avoir de vraies raisons pour souffrir, pour être malheureuse.

J’ai peur d’expliquer ça aux autres. Que ça ne va pas.

Y’a ces moments où j’ai envie de tout arrêter. Tout abandonner.

Je n’ai envie de rien et c’est horrible. Je suis un être neutre et sans désir. Morne.

Je suis fatiguée de vivre alors que je n’ai pas encore vécue.

Ma musique intérieure est sombre. Je ne la trouve plus. Je cherche juste du silence.

En vérité j’ai besoin d’aide.

Je devrais crier au secours mais je ne sais pas crier. Je ne sais pas qui peut m’aider.

Je fais quoi ?

Rien.

Je reste là, j’attends. Des choses se passent sûrement quelque part ailleurs. Je ne le sais pas. J’ignore la vie. Et elle m’ignore. Je n’existe pas pour elle. Je suis dans un autre espace-temps. Seule.

Celui de la solitude.

La dépression c’est l’absence de désir.

Savez-vous ce qu’est la solitude ? C’est un isolement. Un oubli de vie. Un espace sombre dans lequel on s’enferme soi-même. Et d’où on ne veut pas sortir car on a peur. La peur crée la solitude. La solitude crée la peur. C’est un cercle vicieux, on n’en sort pas, on retombe toujours. Une lutte épuisante et inutile.

Un combat pour la vie. Ou contre la vie. Je ne sais plus. Ou je n’ai jamais su.

Qu’est-ce que je cherche ?

Une envie peut-être.

Je devrais y aller.

Où ça ?

Vivre.

Ou non.

Faire un choix.

Comme une douleur qui me déchire, me tue, m’empêche d’exister. Il n’y a que moi qui la vois, qui la sens, qui souffre. Je souffre seule, hurler en silence, pleurer en silence, vivre en silence, ne pas vivre, mourir en silence, ne pas mourir. Ne pas exister. Je n’existe pas, j’ai la sensation que je n’existe pas et je ne saurais jamais si c’est vrai ou non.

Si on ne vit pas, on meurt quand même.

Dans le fond je pense passer la plupart de mon temps à lutter contre cette putain de sensation, contre cette chose qui m’entaille un peu plus profondément à chaque respiration. Ne pas lâcher, ne pas lâcher. J’ai si peur de ce qu’il se passerait si je lâchais.

C’est un combat, un combat à vie.

Cette perspective ne fait que renforcer la douleur : condamnée à se battre.

Mais il y a ces moments, des répits, où tout se calme et tout s’agite, je semble devenir vivante sans que cela ne me demande le moindre effort. Enfin, une vraie inspiration, une vrai expiration, un souffle libre. Comme un étau qui se desserre. L’étau de la vie, l’étau de ma vie.

C’est à ces moments où je ne lutte pas pour vivre que je suis réellement vivante.

Le reste du temps, il est rouge.

Si je me suicide, s’ils-vous-plaît, à mon enterrement, ne venez pas, mettez vos plus beaux habits, réunissez-vous ailleurs, loin et riez beaucoup. La vie est une vaste blague, et j’ai eu peur de la fin.

Si je tiens jusqu’au bout, je vous en prie, à mon enterrement passez-y le Dernier Repas de Jacques Brel, portez des vêtements colorés, venez nombreux et faites la fête. La vie est une fête, et j’en connais la fin.

Et surtout, peu importe, faites-moi porter en terre, dans une montagne, dans un endroit isolé, très haut, brumeux et vert. Pas trop loin d’un torrent.

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