4.1
La vie s’éternisait dans l’entrepôt, avec les problèmes inhérents à la promiscuité. Des querelles éclataient parfois dévoilant le vrai visage de notre voisinage. Souvent, c’étaient des peccadilles mais dans ce milieu ingrat toute infraction aux règles et aux convenances amplifiait inévitablement les discordes. Au paroxysme du conflit, les esprits s’échauffaient. Parfois, elles en venaient aux poings. Les gardes alors, intervenaient et sanctionnaient les deux combattantes.
C’est dans cette atmosphère particulière que Jahyan vint me chercher.
— Quelle ambiance !
— Ouais bon, qu’est-ce que tu me veux ?
J’étais allongée sur mon lit mesurant toute l’absurdité de la situation. Elle ne visait pas seulement les deux belligérantes et les disputes incessantes. Elle concernait surtout ma vie. Il fallait bien se rendre à l’évidence, j’étais en réclusion à perpétuité. Il fallait que je me sorte de ce traquenard.
— Tu sais à quoi tu me fais penser ?
— Non, mais j’imagine que tu vas me le dire.
— Au muguet.
— Au muguet !
— C’est une fleur qui pousse dans l’ombre.
— Mouais, j’imagine que tu n’es pas venu me voir pour parler fleur de printemps ou de vin d’Alsace.
— Qui t’a parlé de vin d’Alsace.
— Laisse tomber.
Il soupira.
— Faut que je t’affranchisse.
— Quoi, tu me prends pour une jument.
— Allez, viens, c’est sérieux.
Nous arrivâmes dans la salle où Sylvie s’était fait dépecer. Des bouteilles de lait en plastique et des paquets de coke avaient remplacé la table d’opération. Une fille s’affairait autour de la table. Jahyan m’invitait à faire quelque chose que je ne comprenais pas. Comme il insistait, la fille, sans un mot, agacée par mon ignorance, déclipsa la bouteille qu’elle tenait en main. Un paquet de coke se tenait à l’intérieur. Elle la referma. Une deuxième table en était couverte. Elle prit un sac et les posa dedans. Quand elle eut fini, elle me le présenta.
Je regardai Jahyan.
— Ta première livraison, seule.
Il renchérit, cynique.
— Une vraie promotion.
On sortit de l’entrepôt.
— Tu trouveras sur ton portable l’adresse de livraisons. Sandrine t’attend. Tu poses le paquet, tu prends l’argent et tu te rends directement au club de Marie.
— Comment je saurais que c’est bien Sandrine ?
— Parce que sa photo est sur ton portable.
Des voitures étaient garées en épi sous l’abri du parking.
— Tiens voici ton carrosse.
Il avait quelques kilomètres au compteur.
— Quoi qu’il arrive, tu ne t’arrêtes pas. Tu contournes, mais tu ne t’arrêtes pas. C’est pour éviter de te faire nettoyer. Tu roules à vitesse constante si tu veux avoir les feux verts. Le GPS t’indiquera les bouchons. Mieux vaut faire un détour.
Je m’installai sur le siège. JaHyan me donna les clefs. En fait de clef, c’était un tournevis.
— Si tu te fais arrêter par les flics, tu leur donnes cette carte.
Il me tendit un bristol sur lequel étaient inscrites les coordonnées d’un avocat.
— Et surtout tu ne dis rien.
— Ah bon ? j’étais pas au courant.
— Cesse donc de faire la maligne !
— Il me semble que j’ai fait mes preuves.
— En quoi ça m’interdit de te le répéter ?
— Rien !
— Dernière chose. Marie t’a confié une mission. N’imagine même pas de t’enfuir. Ce serait une très mauvaise idée.
Il me fixa de ses grands yeux noirs. Ce regard là me gratifiait d’une assurance, d’un bon de garantie.
— Marie peut être très cruelle
Son portable sonna.
— Oui, elle part.
Marie raccrocha.
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