« La cassette maudite » part. 5
Ah… mince alors…
Je ne pouvais pas me déplacer à cause de ma jambe manquante. Alice, aurait très bien pu me laisser et s'enfuir toute seule, mais elle s'était postée devant moi en prenant une posture protectrice. Pourtant, même si c'était un geste généreux de sa part, cela servira à rien.
Elle n'est pas assez puissante pour faire face à 3 personnes voir plus. Moi non plus, je n'avais pas les compétences nécessaires pour me défendre.
Je regardai alors mes camarades se faire dévorer vivant, luttant pour survivre en rouant de coups les autres camarades, le visage déformé par la tristesse et la peur.
Mais pendant ce temps, je pourrais faire autre chose, même si cela ne me sauvera pas pour autant : réfléchir à pourquoi ils ne s'entre-dévorent pas entre cannibales. S'ils se sont faits téléportés par la cassette de différentes pièces, alors ils devraient aussi s'entre-dévorer à l'arrivée
Était-ce alors vraiment des hallucinations ou manipulations mentales comme le pensait Jaques ? Non, pour l'instant écartons-nous de cette hypothèse. Y'avait-il une autre raison possible ?
Alors dans le chaos sanglant de la pièce, pendant que les gens criaient et hurlaient, j'essayais de me concentrer au maximum pour en déduire la cause de cette singularité, même si cela ne pouvait pas vraiment me sauver.
Soudain, j'eus une idée, toujours aussi tordue que d'habitude. Mais même si cette hypothèse était farfelue, si elle s'avérait vraie, alors tout prendrait sens. Mais alors, j'aurais besoin de tester pour voir si mon hypothèse est valide.
« Excuse-moi Alice »
« Hé attends, qu'est-ce que tu fais ?! »
Je fouillai donc dans les poches d'Alice et sortis un paquet de biscuits. Je l'ouvrais et je le jetai vers la foule.
« Hé ! Regardez, j'ai des gâteaux ! »
Bien que j'étais dans une très mauvaise posture, j'essayais tout de même de lancer le paquet de biscuits le plus loin possible, et le plus proche de la foule. Pourtant, ils ont été distraits qu'un moment, avant de reprendre le massacre.
Personne, ou plutôt, aucun cannibale ne s'en souciait. S'ils étaient vraiment affamés, n'importe qui auraient accouru vers les biscuits au lieu de tuer ses camarades et essayer de les manger. J'en déduis donc qu'ils visent exclusivement les humains.
Mais pourquoi ? D'après mes expériences avec la classe, tout le monde était très soudé dans la classe et chacun aimait beaucoup les autres, alors pourquoi ? Est-ce que la cassette peut contrôler la psychologie des gens ? Voir les contrôler entièrement ?
Mais alors on repart dans l'hypothèse de Jaques. N'y a-t-il pas une autre possibilité ? Ou alors… Mais oui ! Il suffit de vérifier ça !
« Hé ! Florentin, comment oses-tu te comporter ainsi devant ta Sylvie chérie ? » criai-je.
Par pur hasard j'ai remarqué les sentiments de Florentin pour Sylvie. C'était quelqu'un de plutôt timide et il est souvent gêné pour pas grand chose. Alors s'il avait toute sa tête, il devrait tout de même réagir à ma provocation, même si cela est dangereux pour moi et Alice.
Alors comme je l'espérais, il s'arrêta brusquement, se tourna vers moi et me cria : « Toi ! Je vais te tuer et de déchiqueter en morceaux et je me sauverai avec Sylvie ! »
On dirait que ses sentiments n'ont pas changé. Mais par ce court moment de distraction, Pierre a pu lui asséner un violent coup dans la nuque. Florentin tomba alors, mais il n'était pas encore mort. En vérité Pierre aurait pu s'en tenir à ça, mais pris dans son élan de terreur, il continua de frapper Florentin, jusqu'à ce qu'un autre adversaire l'interrompt.
Pendant ce temps, j'ai pu avoir une idée de ce qu'il se passait grâce aux mots de Florentin. Étant donné qu'il a dit "et je me sauverai avec Sylvie" alors cela veut dire premièrement qu'il a encore assez de conscience pour se rappeler de ses sentiments envers Sylvie.
Deuxièmement, cela veut aussi dire qu'il est possible de sortir d'ici. Troisièmement, soit quelqu'un lui a dit, soit il à trouvé par lui même, mais dans tous les cas l'une des conditions pour se sortir de là requiert l'assassinat de quelqu'un. De plus, il est aussi possible de se sauver tout en emportant avec soi une autre personne.
Si on part du principe que j'ai vu juste, alors normalement il est plus probable que ce soit la cassette elle-même qui leur a dit ça. Vu qu'elle a une personnalité sadique, ça sera vraiment contradictoire qu'elle ne puisse pas profiter en direct du spectacle. Donc j'imagine qu'elle peut interférer avec les gens aussi.
Après, il y a toujours un mystère : pourquoi précipiter les choses ? En offrant un espoir aux gens les plus désespérés, cela permet de les pousser plus facilement à faire n'importe quoi, tant qu'on trouve bien les mots pour qu'ils ne culpabilisent pas.
Sur ce plan là, elle a bien géré, mais en intervenant plus tard, voir même pas du tout, cela permet de nous plonger dans un tourment encore plus longtemps, alors pourquoi se presser ? N'était-ce pas mieux de nous laisser souffrir longuement ?
Je ne la comprends pas. Ses agissements qui ne suivent pas la logique me perturbent. Je n'arrive pas à prévoir ses actions, ni même la comprendre.
Si je perdais ce seul atout que j'ai, c'est-à-dire prévoir l'avenir et réfléchir pour trouver des solutions, alors je n'ai plus rien. Je suis dans une impasse. Je ne peux rien faire, ni pour le présent, ni pour le futur. Est-ce la fin ?
« Jean, je crois que… je ne pourrais malheureusement pas te protéger » me murmura Alice.
Je n'ai jamais été quelqu'un de très altruiste. Mais j'aimerais qu'au moins quelqu'un survive à cet incident insolite, et me construit une tombe convenable. Là où je veux en venir, c'est que, je ne suis, dans mon état, qu'un poids mort. Alice pouvait très bien se sauver seule en profitant du chaos.
« Je comprends. Tu n'as pas besoin de me protéger, sauve toi et– »
- Je suis très faible, contrairement à Jaques. Je ne suis pas aussi intelligente que toi non plus, mais je t'aime, alors je te protégerai jusqu'à ce que mon corps ne bouge plus !
J'étais resté bouche bée. Fixant Alice depuis le sol, assis, là, je ne m'attendais absolument pas à un tel dénouement. En réalité je me fichais pas mal de ses sentiments, et elle aussi le savait, de ce fait elle ne rougissait pas du tout après sa déclaration.
Elle avait un talent pour percevoir le cœur des gens et comprendre leur façon de réfléchir. Alors parfois, elle me connaissait mieux que moi-même.
- Je m'en fous, tu le sais bien.
- En effet, disait-elle en souriant. Mais quitte je n'y peux rien, je ne pourrai pas garder ces sentiments éternellement cachés.
- Pourquoi le dire maintenant ?
- Parce que je veux tout de même le garder secret le plus longtemps possible. Je suis une personne normale après tout !
C'est vrai, Alice, et même les autres, ceux qui sont devenus des fous cannibales, ils sont tous des personnes normales. Je suis le seul qui n'est pas norma–
- Et toi aussi, tu es une personne normale, Jean.
À ce moment, j'eus une étrange sensation. Je sentis une douce chaleur se répandre dans mon cœur. C'était la première personne de ma vie à oser dire que j'étais normal.
En réalité je me sentais assez coupable de me laisser protéger par une jeune fille amoureuse dans un sens unique. Et puis, ma fierté d'homme en prendra un sale coup s'il devait vraiment se passer ainsi. Alors je réfléchissais alors à comment nous sortir de cette situation désespérée, j'explorais toutes les possibilités, même les plus ignobles, les plus lâches.
Tant qu'on pourra s'en sortir vivant… n'importe comment… Comment pourrait-on survivre quand on a plus qu'une jambe avec une frêle jeune fille parmi son massacre entre cannibales et dépressifs ? Bientôt il ne restera plus que des cannibales, et ils vont venir nous attaquer.
Soudain, j'eus une idée. Ce n'était certes pas la plus fiable, mais c'était à la limite de l'acceptable. J'espère qu'Alice ne va pas s'en plaindre.
- Alice, viens.
Je sortis ma couverture et je l'agrafai à la couverture d'Alice et nous nous cachons dessous. Même si l'espace était étroit, il y avait suffisamment d'espace pour se déplacer.
- Tu as un plan ?
- Oui, pour l'instant rampons jusqu'aux cadavres. Ensuite, nous tacherons les couvertures de sang et de morceaux pour se camoufler parmi les morts. Pas sûr que ça fonctionne à 100% mais c'est la méthode la plus rapide et simple à appliquer que j'ai trouvé.
- C'est… bon d'accord.
Nous rampons alors jusqu'à nos camarades morts, tâchons les couvertures du sang et nous nous enterrons parmi les cadavres. Immobiles, il est quasiment impossible à nous repérer sans s'y mettre sérieusement.
Nous attendons alors, immobiles, jusqu'à ce qu'il n'y reste plus personne. L'odeur du sang nous donnait la nausée, mais nous nous retenons. Les cadavres nous écrasaient et le drap nous suffoquait mais nous endurons.
Maintenant qu'on était plus proche du carnage, nous entendons davantage les hurlements, les pleurs et le bruit des coups. Est-ce qu'Alice pourrait endurer cela ? Combien de temps pourrait-on tenir ? Faites que cela finisse au plus vite !
…
Les minutes nous paraissent si longues. Quand enfin le carnage semblait être terminé, nous avons l'impression d'avoir erré pendant une éternité en enfer. Un bruit sourd retentit, quelque chose semble avoir percuté violemment le sol.
Nous attendîmes quelques instants avant de relever la tête pour regarder ce qu'il se passait. Pierre s'est étonnamment bien défendu. Il était à terre, épuisé, essoufflé, blessé, il ne survivra sûrement pas longtemps, mais tous les "ennemis" ont été vaincus.
Et "vaincus" était un terme bien trop doux, en réalité quasiment tous ont été massacrés. Si on devait donner une comparaison, alors ce serait une boule de cristal que l'on a fracassé par terre. Des membres sont éparpillés partout par terre, histoire de s'assurer que tout le monde soit bien mort.
- Alice, ferme les yeux, donne moi ta main et suis moi.
- Euh… d'accord.
Elle ne devrait pas voir ça, c'est trop gore. Mais surtout, elle qui était très attachée à la classe, c'était la pire horreur qu'elle pourrait voir. Nous sortîmes alors de la pièce en enjambant les cadavres de nos anciens amis. Sur le trajet, je saluai Pierre qui était à terre.
- Vous deux… survivez.
- Bien sûr. Désolé de ne pas t'avoir aidé, maintenant repose-toi.
Pierre fit un signe de la tête avant de fermer les yeux. Mais il semblait satisfait, qu'au moins quelqu'un ait pu survivre. Quand nous nous préparâmes à offrir la porte, soudain, Pierre ouvrit les yeux avant de crier :
- Morgane ! Trouvez Morgane ! Elle… est vivante…
- Pierre ? Il est vivant ?
Je n'avais pas laissé Alice ouvrir les yeux, et elle, sans même que je l'explique, elle compris aussitôt ce qu'il se passait.
- Pardon Pierre, j'espère que tu trouveras le repos.
Cette fois, il ferma les yeux, définitivement. Il ne les rouvra plus, il ne bougera plus, il ne parlera plus, il ne sera plus. Nous quittons cette pièce avec tristesse et dégoût. Même si nous avons survécu, rien ne nous garantit que nous pourrons cette endroit.
Et même une fois quittés, nous ne trouverons plus jamais une vie normale. Mais pour l'instant, grâce à Pierre, nous avons une info rassurante : Morgane est vivante. Elle a sans doute pu s'échapper à la première occasion, un très bon réflexe.
Avant de partir j'ai pu rapidement jeter un coup d'œil à la pièce. Il y avait quasiment tout le monde, si on excluait ceux qui étaient morts avant.
Pour l'instant, Morgane dite "la spécialiste des trucs occultes" était notre seul espoir. Maintenant peu importait l'heure ou les lieux maintenant que nous savons que la cassette contrôle totalement l'espace-temps. Normalement il y a de quoi décourager plus d'un, les autres ont été la représentation parfaite.
- Une salle de bain… encore, murmura Alice.
- Bah, voyons si l'eau est propre et fonctionnelle. On est dans une salle de bain, autant en profiter pour laver tout ce sang et se changer les idées.
- Mmmh… tu n'as vraiment aucune pudeur hein ?
- Bah, si tu veux pas, je me ferai un plaisir de me laver en premier. J'ai toujours détesté la saleté, et le fait d'avoir perdu la notion du temps n'a pas changé cela. Et…
Soudain, je m'arrêtai au plein milieu de mon discours. Une question m'est soudainement venue à l'esprit : notre temps s'écoule différemment selon la pièce dans laquelle on est, et donc notre temps s'écoule différemment pour chaque groupe, mais qu'en est-il de la cassette ?
Quelle "timeline" regarde-t-elle ? Elle ne pourra pas tous nous suivre en même temps en assistant en direct. Est-ce qu'elle nous observe via une sorte de multi-écran ? Mais d'où ? Par où est-ce qu'elle pourrait nous observer ?
- Qu'est-ce qu'il y a ? Me demanda Alice.
- Rien. Je vais me laver en premier si tu ne veux pas. Et sinon j'ai trouvé un briquet que j'ai ramassé par terre. Nous pourrons nous laver avec les vêtements et ensuite les faire sécher avec un feu.
- Ah ! Bonne idée !
- Alice… tu n'es pas normale.
- Hein ?
Soudain, le visage d'Alice blêmit, comme si elle avait commit une grave erreur. Une erreur qui aurait pu changer le cours de sa vie. Pour, je pense, la première fois de ma vie, je vis Alice paniquer. Elle me demanda alors avec une voix tremblante :
- Co-comment ça ?
- En réalité, tu es ou tu étais une psychopathe, n'est-ce pas ?
- Hein ?! Mais d'où te viens cette idée ?! Je–
- Quand tu m'as dit que tu m'aimais, j'avais un peu réfléchi à la raison pour laquelle tu pourrais m'aimer en sachant que tu connais ma personnalité et en prenant en compte ta personnalité, mais ça coinçait. Tu es l'exemple typique de la fille bienveillante et gentille, forte et courageuse tout en étant attentive et intelligente. Cependant, tu es aussi censé avoir un côté un peu sensible et à ne pas supporter d'injustice et de mal.
Mais pourtant, je raisonne de façon souvent froide et mathématique, ce qui me fait parfois faire ou réagir de façon inhumaine. Normalement tu ne devrais pas pouvoir tolérer un tel comportement, mais surtout, tu ne devrais pas te dire que je suis normal.
C'est alors que j'ai moi aussi commencé à t'observer avant de découvrir que parfois tu ne réagis pas de la façon dont tu aurais dû réagir d'après ton rôle. Car à partir de cet instant, j'ai pensé que tu jouais en réalité un rôle et que tu n'agissais pas de façon naturelle.
Par exemple, après les mots de Pierre, toi qui a tout de suite compris ce qu'il se passait, tu devrais pleurer en versant toutes les larmes de ton corps, en plus de ce massacre. Tu n'as peut-être pas tout vu, mais tu as comme moi, tout entendu.
Au fur et à mesure que je parlais, le visage d'Alice semblait de plus en plus terrifié et blême. Elle reculait pas à pas et s'éloignait peu à peu de moi avant de s'accroupir et de se boucher les oreilles. On dirait bien que j'ai eu raison, ou du moins pas loin de la réalité, alors je continuais :
- Pourquoi tu m'aimes ? Pourquoi tu joues un rôle ? Pourquoi tu me dis que j'étais normal ? C'est alors qu'avec mon imagination tordu, j'ai pensé à la possibilité comme quoi en réalité tu étais comme moi, une psychopathe insensible aux émotions humaines.
- Non tais-toi ! Cria Alice.
- Alors pour ne pas te sentir différente, je ne sais pas à quel âge tu as commencé, mais tu as voulu imiter des émotions, même si tu ne sentais rien. À en juger par l'attitude de tes proches, des habitudes des autres, face à différentes situations t'essaies d'avoir la réaction la plus naturelle.
Puis tu as voulu te démarquer, ou quelque chose dans le genre, mais quoi qu'il en soit tu as eu un jour une raison de jouer ce rôle, alors tu t'es mis à fond dedans, en te persuadant que tes imitations et artifices soient réels.
Au final, tu as oublié qui tu étais réellement de base, mais la personnalité de ton subconscient était resté inchangé, d'où tes agissements parfois contradictoires et ton amour insensé.
- Non ! Arrête ! Je ne veux pas… je veux rester dans mon mensonge !
…
Mais… trop tard… maintenant que tu as tout révélé, comment est-ce que je peux continuer à me mentir à moi-même ? Murmurait-elle en sanglotant, ou plutôt, faisait-elle semblant de pleurer.
Lorsque l'on naît sans émotions, ou plutôt, étant incapable de ressentir la moindre émotion, deux voies s'offrent à nous :
Soit, on imite les autres, nous plongeant nous-mêmes dans un profond mensonge, avec des sentiments et émotions artificielles. Ainsi on pourra vivre comme les autres, avoir des amis, une famille… la voie qu'Alice a emprunté.
C'est une voie risquée, où le chemin est fait de verre. Il peut se fissurer et se casser à tout moment, et alors, à ce moment-là, on perdra tout.
Soit, on se fiche de ne rien ressentir, vivant dans une dure et froide réalité. Si on emprunte cette voie, alors on ne pourrait espérer avoir autant qu'une personne normale. Peut-être qu'on aura pas d'amis, pas de famille, une mauvaise réputation.
Cette voie que j'ai emprunté est construit de pierres, dures et froides, mais solide. Mais je suis persuadé, ou du moins je l'espère, qu'un jour, je trouverai la lumière au bout de ce chemin, que le sol sera recouvert de verdure, et que je pourrais ressentir la chaleur de la lumière comme tout le monde.
Jusqu'à ce jour où une chance improbable nous a fait croiser nos chemins. Deux choix me sont offerts à nouveau :
Continuer dans ma voie initiale et espérer y trouver quelque chose, ou choisir ce nouveau chemin inédit, où les risques sont plus élevés, mais la récompense aussi. Serait-ce le bon choix d'emprunter ce chemin et tenter une expérience risquée où il est impossible de prédire l'avenir ?
Ou alors continuer dans la voie initiale en limitant les risques ? Mais en y repensant, il est aussi probable que plus j'avance, plus je m'enfonce dans un gouffre où je ne pourrais y trouver la moindre lumière, seulement des ténèbres de malheur.
- Alice, en réalité, toi non plus tu ne voulais plus continuer dans le mensonge n'est-ce pas ? Ou plutôt, la possibilité de ressentir des sentiments authentiques a été plus tentant ?
- Jean, lorsque je t'ai rencontré pour la première fois, c'était comme si un lampadaire s'est soudainement allumé pour éclairer un nouveau chemin parmi les ténèbres. Je pensais alors, que si je ratais cette chance, il n'y en aurait plus à l'avenir…
- Qu'est-ce qui te fait dire que cela pourrait être une chance ?
Alice resta alors silencieuse. Elle ne savait plus quoi dire. Elle semblait réfléchir à ce qui la poussait à croire que cela pourrait être une chance, au final elle et moi on était dans le même état d'esprit : on voulait simplement espérer que cela pourrait en être une.
C'est vrai que l'amour était le sentiment le plus mystérieux et le plus précieux de l'Homme. Tous sont attirés par ce sentiment, tous recherchent ce sentiment, et veulent que cela soient réciproques. Mais au final, ce qui est le plus frustrant, c'est que la logique ne s'applique pas à ce sentiment. C'est sans doute la chose la plus injuste, mais impossible de d'y corriger.
- Mais rien ne vaut le coup de tenter. Enfin, c'est juste une excuse.
- Alors…
Suite à mes mots, le visage d'Alice semble de nouveau égaillé. Ses yeux jetaient des étoiles, o aurait presque dit qu'elle avait trouvé le sens de la vie. Mais dans notre situation, c'en était l'équivalent.
- Mais pour ça, il va falloir se sortir d'ici !
- Ah ! C'est vrai ! dit-elle comme si elle venait de se réveiller d'un long rêve. Mais du coup tu sais comment se sortir de là ?!
- Un mince espoir, je ne garantie rien.
Juste après avoir terminé ma phrase, la porte de la salle de bain s'ouvrit brusquement. Deux ombres ensanglantées surgissent. Encore des cannibales ?! Non, il y avait normalement tous les survivants restants dans l'autres pièces, il ne devrait en rester personne... À moins que...
- Morgane ! s'exclama Alice. Et Sylvie ! Je suis si heureuse que vous avez survécu !
Il semblerait que pour l'instant elle ne veut pas montrer sa véritable personnalité, ou plutôt elle a trop l'habitude de le cacher. Quoi qu'il en soit, je vais temporairement l'aider à cacher son secret. Mais elle ne pourra pas le cacher éternellement.
- Attendez. Éloignez-vous de Sylvie.
- Hein ?
- Pourquoi ?
Morgane et Sylvie étaient trempées de sang de la tête au pied. Heureusement, ce sang ne leur appartenait pas. Elles ont du utiliser la même technique que nous, celle de se cacher parmi les morts. Cependant...
- Sylvie était censé être morte. Si on compte Richard comme le premier décès, alors Sylvie était la quatrième à périr. Les cannibales s'en sont d'abord pris à l'autre garçon au cheveux roux, je me souviens plus de son nom mais c'était celui qui était très pote avec Max. Il a été pris au dépourvu et il s'est fait tué. Ensuite Sofiane a voulu l'aider mais Luis qui faisait parti des cannibales s'est jeté sur lui et l'a poussé au sol. C'était pile là où Sylvie s'était évanouie. Elle s'est fait écrasée et massacrée au même temps que Sofiane.
Elle t'a sans doute dit qu'elle a survécue miraculeusement en se réveillant de son coma au plein milieu de ce carnage, n'est-ce pas Morgane ? Elle a peut-être même expliqué qu'elle a été caché par un cadavre, du sang a giclé sur elle, et comme elle s'est évanouie, on l'a cru morte.
Morgane était restée bouche bée. À en juger par son expression il semblerait que j'ai vu juste. Soudain, Sylvie s'est mise à rire. Personne ne comprenait de quoi elle riait, mais moi j'avais ma petite idée. Si Sylvie était censé être morte, qui d'autre aurait pu la substituer ? Pour inventer une excuse aussi proche de la réalité que celle-ci, il est évident qu'il aurait fallu être très observateur. Et celle qui nous observait depuis le début, c'était...
- Tu es la cassette, ou plutôt la version matérielle de la cassette n'est-ce pas ?
- Hahaha !!! Je savais que tu était intelligent, mais je ne pensais pas que tu serais aussi observateur !
Soudain, Alice et Morgane semblaient avoir compris ce qu'il se passait et s'éloigna de la "fausse Sylvie".
- En effet, après avoir été témoins de l'incroyable capcité d'observation d'Alice, j'ai tenté de l'imiter et d'atteindre son niveau. Je ne me suis pas contenté de réflechir pendant qu'on me soigne alors que mes camarades s'entre-tuaient. Et puis, vu que tu peux contrôler l'espace-temps comme tu veux, ça explique l'immense "hasard" que tous les survivants se retrouvent dans le même endroit.
- Depuis quand es-tu parmi nous ?! demanda Alice.
- Depuis le quatrième ou cinquième mort j'imagine, lui répondis-je.
- Oh ! Comment l'as-tu su ? me demanda-t-elle d'un ton narquois.
- Il fallait bien que je surveillais le nombre de mort. C'est un précieux détail si je veux m'en sortir au tribunal, et c'est comme ça que je m'en suis rendu compte qu'il semblait avoir une personnne de trop parmi nous, mais je ne pouvait m'assurer si ce n'était pas juste moi qui ai mal compté, ni même qui était de trop.
- Hahaha ! Quel sans-coeur ! Un véritable monstre de lacheté ! Tu penses d'abord à comment t'en sortir plutôt que de penser aux autres. Mais c'est justement ça qui fait de toi l'humain le plus futé que j'ai croisé ! Car toi, tu savais comment mettre tous les profits de ton côté ! Mais même si tu m'a offert un spectacle bien divertissant toutes bonnes choses ont une fin.
Puis elle murmura "le temps presse" sans y être plus explicite. Et ce détail m'intrigua.
- Enfin bon, on verra bien si c'est vrai ou pas !
Avant même que je ne puisse comprendre qu'est-ce qu'elle entendait par "on verra bien si c'est vrai ou pas", elle se jeta sur Morgane. Elle représentait notre seul espoir, elle qui maîtrisait le mieux les domaines de l'occulte. Et c'était justement pour ça que la cassette a commencé par s'en prendre à elle.
En un instant, la tête de Morgane disparut et laissa place à une fontaine de sang. Notre seul espoir, anéanti en un coup de poing. Un humain normal est juste incapable d'un tel exploit. Cela expliquait aussi la défaite de Jaques, lui qui était si fort.
- Je ne sais pas comment t'appeler, mais je te propose un petit jeu.
- Attends Jean ! Ne me dis pas que quand tu parlais de solution pour s'en sortir, tu faisais référence à ça !?
- Hahaha ! Alors comme ça tu as encore assez de cran pour me proposer un marché ?
- C'est pour ça que je parlais de chance minime de réussite.
- Très bien, je t'écoute !
Souvent, il ne faut pas se satisfaire de cette réponse. Quand elle parle d"écouter", cela se limite vraiment à de l'écoute pur. En aucun cas elle n'a promis de faire comme on le voudrait.
- Je ne sais pas si tu vas vraiment accepter, mais je te propose un jeu.
- On dirait que tu connais les bases de l'arnaque ! me dit elle en riant.
- Le jeu est simple, tu nous propose deux portes, l'une nous mène dans un salle exclut du monde où l'on ne pourra jamais en sortir, l'autre porte nous mène vers la sortie.
- Je propose qu'on change les règles ! déclara Alice
Moi et même le corps matériel de la cassette en furent surpris. Qu'est-ce qu'elle essaie de faire ? Comment voulait-elle changer les règles ?
- J'aimerai que cela soit un choix indivduel et non pas en groupe.
En effet si elle décide de le modifier ainsi, alors du moment que chacun choisit une porte différente alors forcément quelqu'un s'en sortira, du moment que l'autre respecte les règles et ne nous fasse pas le coup où il n'y a aucune solution.
- Oh, je vois. C'est classique mais je suis d'humeur à jouer alors jouons !
Je crois qu'à cet instant précis, j'ai épuisé toute la fortune du restant de ma vie. Il aurait vraiment une chance énorme pour qu'elle accepte un tel offre. À moins qu'en réalité elle veut se garder un de nous deux ?
Soudain, la porte de la salle de bain se dupliqua. Si on croit en sa bonne volonté et son fair-play alors normalement parmi elles se trouvent la porte menant vers la sortie. Alice se lança en premier, en choisissant la porte de droite et moi j'avais choisi la porte de gauche.
- Alice, un de nous deux va y rester dans le sens propre du terme, c'est quoi ton plan ? lui chuchotai-je.
- Tu verras, me répondit-elle en souriant.
Puis nous nous lançâmes. La "fausse Sylvie" souriait, adossée contre le mur, à côté de la porte droite. Ce choix va décider du sort de moi et d'Alice. Quand au reste, c'est-à-dire comment s'en sortir tous les deux, je fis confiance en Alice. C'était la première fois que je fis autant confiance en quelqu'un, car je pensais qu'ayant le même défaut, celui d'être incapable de ressentir les émotions, elle ne fera pas quelque chose d'absurde.
J'ouvris ma porte et Alice ourit la sienne. Devant moi se trouvait le vide et devant Alice se trouvait la rue de nuit. La suite du plan en surprit plus d'un. Alice se jeta sur la "fausse Sylvie" qui était juste à côté. C'était dans ce but qu'elle avait choisi la porte de droite.
- Mais t'es folle ?! lui criai-je.
La force et la vitesse de ce monstre dépassait l'entendement. Comment réussirait-elle à l'immobiliser ? Surtout avec le peu de force qu'elle a. Mais la réalité fut plus surprenante de les attentes. Alice réussit à tenir tête au corps matériel de la cassette. Comment était-ce possible ? Je comrpis par la suite que je m'étais fait dupé d'une manière inattendue, moi qui était censé être le plus intelligent de mes camarades :
La "fausse Sylvie" ne se déplaçait pas plus vite que ça, simplement, elle modifiait l'espace en raccourcissant la distance entre elle et Morgane. De plus, Morgane aussi était morte en réalité. Il s'agissait d'un simple cadavre truqué qui bougeait comme une marionette, d'où la quantité anormale de sang qui gicla de son corps et l'illusion de la force herculéenne du monstre. C'est en se rapprochant de plus près que je remarquai les fils transparents reliés au cadavre de Morgane.
- Dépèche-toi Jean !
- Oui j'arrive !
Je courrai alors vers la sortie, mais la cassette s'interposa :
- Tu n'iras nulle part !
C'est alors que soudain, pour la deuxième fois de ma vie, j'eus à nouveau un coup de chance monstrueux. On pourrait presque dire que j'ai dépensé toute la chance qui m'était réservée à mon avenir, de ma famille, de mes proches, ainsi que le revers que j'aurai du avoir après mon énorme coup de malheur, à savoir tomber sur cette cassette.
La "fausse Sylvie" tomba soudainement et semble perdre toute sa force et ses pouvoirs. Les portes commençaient aussi à disparaître. On avait l'impression qu'elle allait s'endormir ou s'évanouir à n'importe quel moment. D'où lui venait cette soudaine coup de fatigue ? Je n'en avais aucune idée, même maintenant.
C'est alors que je m'apprêtais à franchir ma porte que je remarquai qu'Alice continuait de la retenir. Si elle la lâchait, alors elle pourra facilement nous rattraper tous les deux pour nous jeter dans le vide. Ou du moins, nous retenir jusqu'à ce que la porte disparait, car Alice se fatiguait, et le corps de la cassette semblait reprendre le dessus.
- Pars Jean !
- Mai—
- Jean, si jamais je m'en sortais je serai trop lâche pour revenir te chercher. Je simulerai probablement une fausse amnésie dû à un traumatisme factice. Mais toi, je sais que tu ne m'abandonneras pas. Alors promets-moi, reviens me chercher, je t'attendrai.
À ce moment-là je venais enfin de tout comprendre. Depuis le début Alice a tout oeuvré juste pour que je m'en sorte. Tant mieux si la porte de sortie était celle de gauche, mais si jamais il s'avère être la droite, alors elle fera tout pour retenir le monstre et me laisser le temps de sortir. Cette fois c'était vraiment par pur chance que le monstre ne soit plus en état d'utiliser ses pouvoirs.
- Alice ! Je dois te dire quelque chose avant de partir ! En réalité moi aussi je me mentais en quelques sortes, je faisais exprès de ne pas voir les problèmes jusqu'à ce que je découvre ton secret. En voyant tes défauts j'étais aussi obligé d'admettre les miens, ce qui m'a permis d'avancer, je te remercie. Et aussi, je t'aime.
- Oui, moi aussi, me sourit-elle.
- Je te promets de revenir te chercher !
La porte se referma et commença à disparaitre.
- Non ! Ce n'est pas elle que je veux ! hurla le monstre.
Je n'avais pas cherché à comprendre ce qu'elle voulait dire. Après ça, je suis simplement retourné dans l'appartement, et à l'intérieur, un vrai carnage. Il y avait les cadavres de tout le monde, sauf celui d'Alice.
J'enterrai alors le cadavres de mes camarades, un étrange homme a été mon avocat et il a réussi à me sortir du tribunal en tant qu'innocent. Il ne m'a même pas demandé de l'argent, mais je ne vais pas rentrer dans les détails.
Dans le salon, la télé était toujours allumée, mais la cassette n'y était plus. J'ai par la suite dédié le reste de ma vie à la science occulte, pour respecter ma promesse et j'ai rédigé ce journal pour informer le danger de cette cassette [...] »
– Extrait du journal de Jean COGARACHI
À suivre…
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