Le sourire du faucon
« Ce n'est que quand il fait nuit que les étoiles brillent »
Winston Churchill
Avril 1942
Ada prit congé de la noce à une heure avancée de la nuit. Après un ultime gobelet de cidre, l'helferinne s'éloigna, prenant la direction de l'église. Sans la quitter du regard, Soizic Engrand alias Dents de lapin confia son instrument à l'un de ses compagnons : les trilles de l'accordéon reprirent de plus belle. Des couples s'embrassaient dans le noir. Éperdue, Bernadette Mainemer tenta de repérer l'allemande dans la mêlée d'ombres du bal mais ne la vit pas ; alors l'aînée des Mainemer gifla le garçon.
Étourdie par les rires et les flons-flons, Dents de lapin talonnait Ada Ernst dans le clair-obscur des ruelles. A trente trois ans, l'égérie des résistants du Calvados se sentait usée, lasse, en cette nuit de bombance. Revoir Cécilien Mainemer — père de Louise et Bernadette — avait dans son ventre ravivé le brasier. Tout comme sa proie, la maquisarde rasait les murs.
L'allemande n'eut aucune réaction quand la résistante s'accroupit près d'elle sous la lune cendrée. La brise nocture chariait des bribes du bal où la mariée ondulait sous les yeux ébahis des convives.
Levant les yeux vers la voûte étoilée, Soizic inspira l'air frais de la nuit.
— Eine sternschnuppe ! s'écria l'allemande. Soizic frissonna.
Insensible aux circonvolutions de la destinée humaine, l'étoile filante n'était déjà plus.
En contrebas, dans la promiscuité d'une chambre, un couple forniquait rageusement. Ada et Soizic , s'étourdirent des contorsions des amants.
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